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 (Photo: Castegnaro-Ius Laboris Luxembourg)

Le droit du travail permet à l’employeur de déroger au principe selon lequel toute modification d’un contrat suppose le commun accord des parties signataires.

En effet, l’employeur est autorisé à modifier unilatéralement des éléments essentiels du contrat de travail, en défaveur du salarié, sous réserve de respecter une procédure strictement encadrée par les dispositions de l’article L.121-7 du Code du travail. Cette procédure, prévue sous peine de nullité, s’apparente à celle du licenciement (notification au salarié du changement de ses conditions de travail, indication précise des motifs qui justifient cette décision (sur demande du salarié selon les cas), et, le cas échéant, entretien préalable à la modification).

Dans le cadre de l’affaire commentée, un salarié exerçant les fonctions de commandant de bord s’est vu notifier, le 27 avril 2012, une rétrogradation avec effet immédiat à un poste de copilote senior, suite à une série de fautes qu’il avait commises au cours d’un vol surveillé.

Par requête du 12 septembre 2013, soit plus d’un an et quatre mois plus tard, le salarié a contesté en justice cette modification immédiate de son contrat de travail, tout en continuant à travailler au service de l’employeur.

Aux termes de sa requête, le salarié sollicitait la nullité de la modification intervenue et sa réintégration dans ses précédentes fonctions, alors qu’il n’avait, selon lui, commis aucune faute grave justifiant la mesure prise par l’employeur. Ainsi, selon le salarié, il appartenait aux juges de procéder, dans le cadre de son action en nullité, également à la vérification du caractère abusif de la modification avec effet immédiat de son contrat de travail.

Dans son arrêt du 29 juin 2017, la Cour d’appel a contredit les affirmations du salarié et expliqué avec précision les conditions d’ouverture des recours prévus à l’article L.121-7 du Code du travail : « Le prédit article confère au salarié deux possibilités de réagir à une modification d’une clause essentielle en sa défaveur.

Si la modification est notifiée dans les conditions et formes de la loi, le salarié peut refuser cette modification. Son refus vaut résiliation du contrat de travail et la résiliation est considérée comme un licenciement, donc comme rupture imputable à l’employeur. Dans ce cas, le salarié peut agir en justice du chef de licenciement abusif.

Au cas où la modification n’est pas notifiée dans les conditions et formes de la loi, le salarié peut agir en nullité de la modification. L’action qui tend à l’annulation de la modification n’est pas soumise à la condition d’une démission du salarié. Au contraire, le recours […] tend à la continuation des relations de travail aux mêmes conditions ».

La Cour d’appel rappelle ainsi que :

  •      seule l’inobservation des conditions de forme et délai énoncées à l’article précité est susceptible d’entraîner la nullité de la modification ; et
  •      le recours en licenciement abusif suite à une modification avec effet immédiat du contrat de travail, et donc l’appréciation de l’existence d’un motif grave justifiant cette mesure, nécessite la réunion de deux conditions cumulatives, à savoir (i.) un refus du salarié d’accepter ladite modification, et (ii.) une  résiliation du contrat de travail découlant de ce refus[1]

 

Au regard de ces principes, et de la demande du salarié limitée à la nullité de la modification, la Cour d’appel a dès lors uniquement examiné le respect par l’employeur des exigences formelles prévues par l’article L.121-7 du Code du travail.

En l’espèce, l’employeur avait parfaitement respecté lesdites exigences. La Cour d’appel en a ainsi conclu que le salarié « ne prouv[ait] pas une cause de nullité de ladite modification ».

Finalement, la Cour d’appel précise que la situation du salarié soumis à l’article L.121-7 du Code du travail n’est pas, comme l’affirmait à tort la partie appelante, discriminatoire par rapport à un salarié licencié, « dans la mesure où le premier a le choix entre, d’une part, accepter la modification et garder son emploi, certes à des conditions de travail différentes, et, d’autre part, résilier le contrat de travail et attaquer cette résiliation devenue par une fiction de la loi un licenciement, comme n’étant pas justifiée, alors que le salarié licencié perd son emploi et n’a qu’une possibilité, celle de contester ce licenciement en la forme et/ou au fond ».

 En conclusion, l’employeur veillera, en cas de contestation par le salarié de la modification unilatérale de son contrat de travail en sa défaveur, au respect par ce dernier des règles applicables au recours choisi.

 Cour d’appel, 29 juin 2017, n°42824 du rôle

[1] Aux termes de la jurisprudence constante en la matière, « si le salarié persiste dans son refus d’accepter les nouvelles conditions de travail, il lui appartient de tirer les conséquences de son refus et de démissionner. […] Si le salarié reste auprès de son employeur après l’entrée en vigueur des modifications sans résilier immédiatement son contrat, il ne saurait imposer le maintien des conditions antérieures. En continuant à travailler, il n’a pas considéré son ancien contrat comme rompu du chef des modifications […] qui venaient de lui être imposées et qu’il a partant acceptées. Ses réserves ou protestations postérieures à l’entrée en vigueur sont dès lors inopérantes » (pour illustration Cour d’appel, 2 juillet 2009, n°33326 du rôle).  Précisément, le salarié ne doit pas « rester passif et doit entamer une action en justice dans un délai raisonnable ».

En l’espèce, ces conditions n’étaient pas remplies, le salarié n’ayant finalement démissionné de ces fonctions que près d’un an et 7 mois après l’entrée en vigueur de ses nouvelles conditions de travail (!).