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 (Photo: Olivier Minaire)

L’accès à internet via le téléphone mobile se démo­cratise. Si ce taux de pénétration se limite dans l’Union européenne à 7%, il s’élève à 20% au Grand-Duché. Le pays figure du même coup au deuxième rang des 27 Etats, derrière l’Islande. D’au­cuns pourraient donc y voir un potentiel marché.

Ainsi, les traditionnelles agences de communication luxembourgeoises, les Binsfeld ou autres Dechmann, ont ajouté une nouvelle corde à leur arc de services. Elles se voient même frontalement concurrencées sur ce segment par les agences dites «web». Ces dernières ont fleuri depuis le début des années 2000 avec H2A, Nvision, Alibi, Red Dog, Dotcom ou Valain.

Or, toutes ne jouissent pas des compétences techniques nécessaires pour développer les applications pour téléphone mobile. La jeune pousse Mobilu s’engouffre dans cette brèche. Son CEO, David Iachetta, ingénieur dans l’IT, s’est émancipé de sa fonction de consultant en créant sa propre société (voir encadré). Cette dernière a vu le jour formellement en avril cette année.

Parmi ses deux lignes d’activités figure le développement d’applications pour téléphones portables et tablettes de type mobile web, web ap­pli­cations ou natives pour iPhone et Androïd.

Le fondateur de Mobilu fait état d’un positionnement un peu particulier. Même si la société a quelques clients finaux, comme AMMC Law pour qui elle a développé l’application iLaw publiant un contenu juridique alimenté par Legitech, elle se positionne davantage sur la sous-traitance avec des agences de communication. David Iachetta explique: «Notre clientèle est essentiellement composée d’agences. Elles ont de plus en plus de demandes au niveau du mobile», bien que le marché soit «encore un peu trop timide» à son goût.

Plutôt que d’investir en interne sur un marché émergent à la destinée incertaine, elles décident d’externaliser la production, sans le crier sur les toits pour autant, de peur, sans doute, de se voir court-circuitées.

Gestion du parc mobile des sociétés

Ainsi Mobilu génère-t-elle ses revenus via des contrats de long terme avec ces agences. Elles lui confient la responsabilité d’accompagner leurs services sur les supports mobiles, tablettes et téléphones.

Dans le même esprit, l’opérateur téléphonique luxembourgeois, Crossing Telecom, propose depuis le 30 septembre à ses clients, essentiellement des PME, la possibilité de publier du contenu sur les nouveaux supports.

Il leur sera également possible de bénéficier de la deuxième branche d’activités proposée par Mobilu. La partie «solutions» met à disposition une plate-forme de gestion des outils de communication mobiles prêtés aux employés.

Ce service naît d’une toute fraîche alliance avec MobileIron, dont la jeune pousse sera le partenaire exclusif au Grand-Duché. David Iachetta met en perspective cette association dans le cadre de son partenariat avec Ausy. «Il nous permet d’apporter des solutions de Mobile Device Management aux départements IT, confrontés à des problématiques de sécurité ou de contrôle liées à l’arrivée massive des appareils mobiles dans leurs propres infrastructures.»

La plate-forme de MobileIron, exploitée par Mobilu permet de gérer à distance le parc mobile des sociétés. L’employeur a d’abord la main sur l’appareil et peut, si besoin – en cas de vol du BlackBerry d’un salarié par exemple – effacer les données confidentielles ou tout simplement le bloquer. Et, de manière complémentaire, la plate-forme gère les coûts de la flotte d’appareils de télécommunication: communications, roaming, amortissement… tout est pris en compte. Mobilu se charge aussi de l’intégration dans le système informatique.

Voilà pour le business model. Reste maintenant à la start-up d’assurer sa pérennité avec ces outils et compte tenu des conditions de marché quelque peu chaotiques. «Pour l’instant, témoigne le jeune entrepreneur, ce qui nous fait vivre, c’est la partie développement de services, surtout auprès des agences de communication. Cela représente 80% de notre activité.» Le reste de l’activité est issu de la consultance pure, pour accompagner les clients dans la définition de leurs stratégies mobiles ou la mise en place de solutions de Mobile Device Management.

Si Mobilu ne fait pas la fine bouche et ratisse large pour récolter les contrats, le secteur financier, du fait de son poids dans l’économie luxembourgeoise, est bien naturellement envisagé. MobileIron sera, à cet égard, un puissant levier du fait des solutions apportées à ses clients en termes de sécurité, de confidentialité et de certificats dans le domaine bancaire. David Iachetta confirme: «Les vraies références de MobileIron proviennent de ce secteur d’activité.»

Pour l’instant, l’entrepreneur belge admet que «le marché n’a pas encore beaucoup de volume au Luxembourg, mais, continue-t-il, les gens sont en train de franchir le cap. Ils croient d’abord que cela coûte une fortune donc n’envisagent pas la chose, mais finalement s’aperçoivent que le tarif d’une application web est beaucoup moins élevé qu’un spot télévisé et se disent ‘pourquoi pas’.» David Iachetta avoue parallèlement avoir de gros dossiers ouverts sur son bureau. Puisque les budgets 2012 sont en cours de discussion, il saura bientôt s’il doit investir au niveau du personnel.

Créée sur la base d’un unique apport personnel, la société suit une politique d’investissement résolument conservatrice et navigue à vue dans un contexte incertain. «Elle suit un développement assez naturel. La marge générée ne sert qu’à investir. Sans marge, pas d’investissement et c’est un peu la situation que Mobilu vit en ce moment.» Il précise néanmoins: «Nous sommes rentables. On se paie tous.» Pour l’instant, Mobilu emploie trois personnes à temps plein, en plus de deux ingénieurs indépendants. La direction ambitionne de compter sept employés à l’horizon 2013. Mais la prudence prédomine. «Cela a l’air un peu tendu au niveau des marchés», confie M. Iachetta.

La concurrence ne l’inquiète en revanche guère. «Peu d’agences spécialisées dans les applications mobiles existent au Luxembourg. Beaucoup d’agences étendent leur offre de services au moyen d’applications iPhone ou iPad, mais elles ne se concentrent pas exclusivement sur les technologies mobiles, comme nous le faisons.» Les sociétés informatiques indiennes et bon marché ne lui causent d’ailleurs pas davantage souci.

Il lui paraît certainement plus aisé de répon­dre aux exigences des clients européens avec des repères culturels et géographiques proches. D’ailleurs, le Luxembourg n’est pas le seul terrain de chasse de Mobilu. Bruxelles et Paris offriraient le volume tant désiré par la start-up.

Alors David Iachetta estime que l’avenir de son business passera avant tout par les compétences techniques de ses employés. «Notre réelle valeur ajoutée ne réside pas tellement dans le développement de sites Internet pour les téléphones mobiles – Mobilu le fait parce qu’il y a une demande –, mais plutôt dans l’optimisation des différentes fonctionnalités de l’appareil, comme la réalité augmentée ou la géolocation.» Voilà qui rend la start-up complémentaire des agences web et com’.

 

CV - Du technique au commercial

Après avoir usé les bancs de l’Institut Saint-Laurent de Liège, David Iachetta, jeune ingénieur informaticien belge, aujourd’hui âgé de 32 ans, a effectué ses premiers pas professionnels chez Dexia, en 2000, comme développeur autour des technologies Microsoft. En 2004, il est recruté par la société
de conseil en hautes technologies, Ausy, au sein de laquelle il est progres­sivement devenu directeur technique Luxembourg et pour laquelle il a commencé à développer le core business de Mobilu. Il noue encore à ce jour des partenariats avec cette société, notamment par l’échange de consultants. Il alterne donc entre ses compétences techniques et son devoir commercial.