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La réouverture des lignes 165 et 167 Virton-Luxembourg et Virton-Arlon rend une alternative à la voiture, surtout pour les travailleurs frontaliers. L'impact positif réel ne sera toutefois mesurable - et mesuré - qu'après qu'Infrabel ait remis tous les quais en service.

"Moi, je suis virtonais et, comme toutes les âmes de la capitale de la Gaume, un rien chauvin. J"ai donc été très ému lorsque j'ai entendu la Marseillaise. Même si ça faisait sans doute un chouïa "Curé de Cucugnan' ou Fernandel, plantés là à regarder arriver un train." Ces propos sont ceux d'une personne bien connue à Virton, qui tient d'autant plus à garder l'anonymat qu'elle résume parfaitement l'état de ses concitoyens.

Car oui, vendredi dernier, sur le coup de 13h15, lorsque se sont rejoints en gare (rénovée) de Virton un train venant de Luxembourg avec le ministre des Transports, Lucien Lux, et un train venant d'Arlon, avec diverses autorités belges, c'est d'abord l'hymne national luxembourgeois, qu'a joué une fanfare, puis la Marseillaise, puis seulement la Brabançonne. Pour un événement historique (au moins du point de vue de la mobilité), mais qui, force est de le constater, ne concerne pas l'Hexagone, sauf le respect qu'on lui doit.

Ce 8 décembre 2006, en effet, la Société nationale des chemins de fer belge (SNCB), appuyée par les CFL, a réparé une faute vieille de 22 ans. Le 3 juin 2006 prenait cours en Belgique le premier plan "IC/IR" de la SNCB de sinistre mémoire, puisque ce plan avait marqué le début de la fermeture de lignes, de gares et de points d'arrêt. Dont la ligne 165 Virton-Athus-Rodange-Luxembourg, et la ligne 167 Arlon-Virton via Messancy, Athus, Aubange et Rodange. Ce qui valut la création, dans le Sud-Luxembourg, de l'association des Amis du rail, décidés à obtenir la réouverture de ces lignes.

Vingt-deux années d'entêtement et de force de conviction qui ont vu ces militants - on peut même parler de visionnaires, en termes de mobilité et d'environnement - rejoints à la longue par toutes les forces vives de la province du Luxembourg. Les autorités grand-ducales, elles, furent très vites convaincues. Il n'en fut pas du tout de même du côté belge, non seulement parce que la compréhension des enjeux de la mobilité - et donc de l'environnement durable - a mis un temps certain à s"installer (pour autant que cette compréhension ait déjà atteint le niveau qu'il faudrait face au défi de la problématique) et parce que le saupoudrage communautaire des investissements s"en est, belgitude oblige, inévitablement mêlé.

Un autre argument n'a cessé de prendre du poids au fil des ans: l'essor économique du Grand-Duché avec ce qu'il implique de travailleurs transfrontaliers. A l'époque de la fermeture, il est vrai, la région subissait encore les conséquences de l'effondrement de l'industrie sidérurgique et le Luxembourg commençait à peine à se diversifier. Aujourd'hui, ce sont plus de cent mille frontaliers qui viennent travailler chaque jour au Luxembourg, dont quelque 32.000 belges. Avec une saturation automobile telle que, aux heures de pointe, il faut compter 1h30 pour rejoindre Luxembourg depuis Arlon et Virton. D"autant que cet itinéraire est aussi utilisé par nombre de frontaliers français. Comme l'emploi va croissant au Luxembourg, la situation s"empire de jour en jour.

Le 20 juillet dernier, le gouvernement fédéral belge donnait son accord à la réouverture des lignes, effective depuis le 11 décembre, avec des horaires très étudiés et adaptés. Vendredi, l'événement était pourtant teinté d'une certaine amertume, marquée par des tracts des syndicats chrétien et socialiste CSC et CGSP (celle-ci étant appuyée par l'OGB-L), venue avec St-Nicolas, Car ces trains ne peuvent actuellement pas s"arrêter en gares de Messancy, Aubange et Halanzy, pour cause de quais non conformes. Infrabel, gestionnaire des infrastructures ferroviaires, s"est hâtée suffisamment lentement que pour ne pas avoir pu faire le nécessaire à temps. Elle a dégagé un million d'euros pour ces chantiers et assure que tout sera achevé pour fin 2007 au plus tard. De son côté, le ministre Courard a dégagé 250.000 euros pour l'aménagement de parkings aux gares, dont Virton où la capacité a déjà été portée à 100 places et peut encore être augmentée.

On relèvera pour la petite histoire que le ministre Wallon Philippe Courard, en charge des Affaires intérieures et de la Fonction publique était le seul ministre belge à avoir fait le déplacement. Ses collègues fédéral et régional des Transports brillaient par leur absence, très remarquée. Quant aux députés provinciaux, si deux étaient là, c'est par ouïe dire: la SNCB ne les avait pas invités... Il est des leçons d'histoire qui se perdent...

Offre performante et révolution tarifaire

Le tarif des billets transfrontaliers de chemin de fer est plus que grevé par les accords qui régissent le trafic international. Ce qui na aucun sens et est contre-productif. La SNCB et les CFL se sont mis d'accord, à l'occasion de cette réouverture, pour mettre les frontières aux oubliettes de l'histoire. Tout simplement en abolissant cette surtarification internationale et en mettant en commun tous leurs avantages respectifs. Une véritable révolution.

Avec pour résultat une triple tarification. Un tarif "jour" (le billet normal) qui verra l'aller - retour Virton - Luxembourg à 10,60 euros. Et la création pure et simple de deux nouvelles possibilités. D"abord un abonnement mensuel à 112,50 euros par mois (il faut en déduire l'intervention patronale, non obligatoire mais régulièrement pratiquée au Luxembourg). Ensuite, un abonnement scolaire à 15 euros par mois. En outre, ces formules valent vers toutes les gares et sur tous les réseaux de bus du Grand-Duché. Cerise sur le gâteau: cette triple tarification vaut aussi depuis toutes les gares de la province de Luxembourg vers le Grand-Duché, et l'inverse.

Le matériel roulant est le plus moderne. Côté horaires, l'offre de base verra toutes les deux heures le train L Libramont - Virton prolongé vers Rodange, Athus et Arlon. Aux heures de pointe du matin et du soir, CFL et SNCB mettront en service des convois de et vers Virton et Luxembourg toutes les demies heures, de 5h30 à 8h33 et de 16h11 à 18h26. Avec un temps de parcours d'une heure, soit un très enviable gain de temps par rapport à la voiture.

Il faut souligner encore que cette réouverture crée une liaison ferroviaire avec l'énorme pôle de développement socioéconomique qui s"érige à Esch-Belval, grâce à une correspondance à Rodange.