«Le climat social n'est plus une garantie, mais un effort de tous les jours.» (Photo: Jessica Theis)

«Le climat social n'est plus une garantie, mais un effort de tous les jours.» (Photo: Jessica Theis)

Madame Robert, comment s’organise le service Ressources Humaines au sein de votre banque?

«BNY Mellon est une société internationale qui offre des services financiers au niveau mondial. Nos activités soutiennent les investisseurs institutionnels en protégeant les actifs et en améliorant la gestion et l’administration des investissements. Notre structure RH reflète l’organisation matricielle de notre société et se situe sur trois niveaux: régional, ligne de métier et centres d’expertise.

De ce fait, j’ai au niveau régional la responsabilité RH de Luxembourg et de nos bureaux en France, Espagne, Italie et Suisse, pour un total d’environ 330 employés. Je collabore au quotidien avec nos responsables RH de lignes de métiers qui se trouvent principalement à Londres ou à Dublin, ainsi qu’avec nos experts tels que notre groupe Compensation and Benefits. Je rapporte à mon supérieur hiérarchique RH, qui est, lui, basé à Bruxelles et responsable de toute l’Europe continentale.

Localement, nous travaillons avec une équipe de quatre personnes. Même si chaque collaborateur est responsable de son domaine RH de spécialisation, tels que le recrutement et développement de nos talents, les paies et avantages en nature, ou encore la gestion et administration RH, nous gardons tout de même une approche flexible proche du généraliste RH afin d’assurer un minimum de couverture en cas d’absence.

De par ma responsabilité régionale et la complexité de la structure multi-lignes de métiers de notre bureau à Luxembourg, il est important, dans mon rôle, de bien connaître l’organisation globale de notre société et de savoir communiquer correctement, à différents niveaux, afin de traduire efficacement et clairement des complexités locales dans le cadre de problématiques globales ou, de même, expliquer la stratégie RH globale aux responsables et partenaires sociaux locaux. Dans le cadre de ma responsabilité Southern Europe, il s’agit avant tout d’homogénéiser les pratiques vers une intégration dans notre politique RH globale.

Quelles évolutions avez-vous pu constater depuis votre arrivée en 2000?

«Notre organisation a considérablement évolué. Après un transfert de notre activité ‘Agent de transfert’ en 2001, notre effectif a été réduit à 50 employés, pour remonter progressivement à 260 à l’heure actuelle. Cette croissance s’est effectuée de façon organique, mais également au cours de projets d’acquisition, fusion ou transferts d’activités.

Le métier de RH a également évolué. Là où, à mes débuts, nous employions le terme de ‘bureau du personnel’, nous parlons actuellement de ‘ressources humaines’ et de ‘human resources business partners’. Le terme est relativement évocateur dans la mesure où notre fonction a évolué vers une fonction d’accompagnement du business. Nous ne travaillons plus ‘pour’ mais ‘avec’ le business.

À l’heure actuelle, les RH se doivent d’appréhender leur fonction de façon préventive, plutôt que réactive, et s’intégrer dans la stratégie business globale de l’entreprise. De plus, le climat économique actuel incite la fonction RH à se renouveler, à faire preuve de créativité et d’inventivité afin de pallier des moyens et des ressources de plus en plus limités et, de ce fait, optimiser le capital humain existant.

Par la diversité de nos métiers et le niveau d’expertise au sein de notre bureau, nous encourageons l’exploitation des expériences et des connaissances des plus seniors pour en faire profiter les plus juniors. Nous organisons des ‘Know-the-business sessions’ pendant l’heure du déjeuner, nous soutenons le développement des jeunes managers par le biais d’un programme de mentoring local, ou encore nous promouvons l’échange interlignes de métiers au moyen de séances de ‘speed learning’ qui ont connu un franc succès.

Quelle est la principale difficulté dans votre métier de directeur RH au sein d’une banque?

«Le climat économique actuel. Préparation de plans sociaux, projets de restructuration et conversations difficiles sont devenus le quotidien de la plupart des DRH dans le secteur bancaire. Il est donc essentiel de savoir rassurer nos équipes et de travailler conjointement avec nos partenaires sociaux.

À mes yeux, les délégués du personnel doivent être impliqués dans chaque conversation en amont, dans une démarche collaborative et transparente. C’est la clé pour conserver un climat social favorable au sein de l’entreprise, notamment avec la conjoncture actuelle et les pressions environnantes.

Quelle a été l’évolution des profils recherchés?

Le modèle de notre organisation a changé. Nous étions à l’âge d’or du fund accounting lorsque j’ai rejoint la banque et nous étions considérés comme un centre de production, alors que désormais nos métiers ont évolué jusqu’à nous faire devenir un centre d’excellence. Les profils recherchés requièrent un certain niveau d’expertise et d’expérience, sont de plus en plus pointus ou rares.

Certaines activités, telles que les taxes, qui étaient auparavant effectuées au sein de notre service fund accounting, se sont développées jusqu’à devenir un service à part entière, occupant plus de 20 employés. Cela a contribué à maintenir le niveau de l’emploi de notre société et à conserver son empreinte sur le marché luxembourgeois.

Les attentes des candidats ont-elles changé?

«Contre tout attente, oui. Même les plus seniors n’ont plus pour priorité première une augmentation de leurs revenus, mais recherchent avant tout une qualité de vie au sein de l’entreprise. La culture de l’entreprise, ses valeurs, le climat social ainsi que l’équilibre vie professionnelle/vie privée sont mis en avant dans les entretiens. Les considérations salariales viennent comme l’aboutissement d’un accord qui s’est conclu tacitement bien en amont.

Comment faites-vous pour garantir un climat favorable?

«À l’heure actuelle, le climat social n’est plus une garantie, mais un effort de tous les jours. Effectivement, notre secteur d’activité n’est pas rassurant actuellement et l’emploi n’est pas une garantie.

Il y a quelques années encore, tout le monde voulait faire carrière dans la banque et le Luxembourg présentait une attractivité certaine, notamment pour les travailleurs frontaliers qui souhaitaient rejoindre ou poursuivre leur carrière dans le secteur financier.

La crise a permis un rééquilibre des enjeux de recrutement et les employeurs potentiels doivent se vendre tout au moins autant que les candidats. Nous nous efforçons de faire la différence en promouvant des valeurs clés dans notre société, telles que la diversité et la mixité, et en nous assurant qu’elles sont ancrées dans notre politique RH.

Pouvez-vous expliquer de quoi il s’agit concrètement?

«La notion de diversité est fondamentale à nos yeux et constitue une richesse dans notre capital humain. Elle se situe à différents niveaux: équilibre entre les genres, mixité de cultures, de langues, d’origines… Nous avons au sein de BNY Mellon plusieurs groupes d’affinités, et bien que les États-Unis soient plus progressistes en la matière que l’Europe, nous sommes également très actifs dans nos groupes au Luxembourg.

Nous avons, depuis quelques années, lancé notre groupe Win (Women’s initiatives network), dont j’étais la présidente jusque fin 2012 avant mon congé de maternité. Le groupe a pour mission première de soutenir et de promouvoir le développement professionnel et la progression des femmes au sein de notre banque. Le groupe aspire à attirer les top talents et à encourager le développement personnel et professionnel de nos employées.

La parité hommes-femmes est ancrée dans notre réalité, représentée à tous les niveaux de la société. BNY Mellon Luxembourg compte ainsi trois membres féminins sur les cinq composant son comité exécutif, et nos employés comprennent 45% de femmes et 55% d’hommes. Cet équilibre est en constante progression, dans la mesure où, lorsque nous avons reçu le Prix de la parité hommes-femmes, décerné par Women’s Leader Group en 2012, notre ratio était de 40-60. Ce résultat est très satisfaisant et reflète nos efforts constants en la matière. La diversité n’est pas, chez nous, un but en soi, mais réellement une valeur vécue au quotidien, preuve étant qu’elle figure également parmi les objectifs corporate que l’on peut retrouver dans nos processus d’évaluation de performance. L’année 2013 a plus particulièrement été marquée par la signature de la Charte de la diversité, ce qui a bien sûr été célébré au sein de BNY Mellon.

Maintenant, il faut également savoir que ces deux dernières années ont vu la naissance d’autres groupes d’affinités, tels que Go Green – groupe promouvant un environnement éco-équitable –, qui a été à l’origine de la suppression de toutes les corbeilles individuelles dans notre bureau afin d’encourager nos collaborateurs à utiliser les containeurs de recyclage uniquement, ou encore le groupe Innovation, qui encourage tous nos employés a émettre des suggestions de toutes sortes visant à améliorer notre environnement de travail – d’où la mise en place d’une boîte à idées dans notre cantine, ou la distribution de fruits frais.

Il s’agit finalement d’exploiter au mieux les ressources en interne…

«Tout à fait. Notre capital humain est avant tout notre richesse principale et une source infinie de compétences et d’expertises qui se doivent d’être valorisées et transmises aux plus jeunes générations. Il suffit parfois de très peu pour mettre les gens ensemble, encourager le partage de connaissances et créer une dynamique positive qui va être un facteur clé de motivation. Les RH se doivent de jouer ce rôle de lien fondamental dans ce processus.

Quels défis souhaiteriez-vous encore relever à l’avenir?

«Il y a une réalité économique qui demande à faire plus avec moins et qui pousse les RH à revoir l’utilisation des moyens habituels de développement et de motivation des employés. Inventivité et créativité doivent être de mise. Il s’agit d’insuffler un vent d’entrepreneurship afin que les nouveaux managers brisent le schéma classique d’attentisme vis-à-vis des RH et adoptent une approche innovante de gestion et de motivation de leurs collaborateurs. Le work-life balance dans ce contexte représente un défi certain. Beaucoup de mesures sont mises en place à ce sujet dans de plus en plus d’entreprises, notamment grâce aux nouvelles technologies, mais il reste beaucoup à faire, spécialement pour changer les mentalités. Je vois, pour la fonction RH, le défi d’être le vecteur de ce changement. La qualité d’un employé ne devrait pas se mesurer au nombre d’heures passées au bureau, mais aux résultats obtenus. D’ailleurs, l’équilibre vie professionnelle/vie privée ne doit pas être vu comme une priorité uniquement pour les femmes qui ont des enfants, sous peine de créer une certaine forme de discrimination. Il doit être accessible à tous. Nous avons encore beaucoup de progrès à faire dans ce domaine, et il s’agit certainement d’un sujet de réflexion à approfondir pour l’avenir.»

Parcours

De l’industrie à la banque

Lorraine d’origine, Mélanie Robert, maman de trois enfants, mariée à un Néerlandais, a commencé à travailler au Luxembourg en 1999, après avoir suivi les classes préparatoires Hypokhâgne et Khâgne et des études en civilisation, littérature et économie américaine à l’Université de Nancy. Si au départ elle se destinait à enseigner les langues, elle profite de stages d’études pour faire ses premiers pas chez Delphi Automotive Systems au sein du service RH.

Passionnée par la culture américaine, c’est l’opportunité pour elle d’intégrer une entreprise conforme à ses envies… mais très vite, elle s’envole vers de nouvelles opportunités, au sein de la BNY Mellon. Arrivée en tant qu’agent administratif RH, elle s’investit sans relâche dans cette nouvelle fonction qui la révèle finalement. Elle approfondit ses connaissances pratiques par des cours du soir afin de compléter sa formation RH. Une détermination qui finit par payer, puisque fin 2006, elle devient la DRH de la banque. Alors à peine âgée de 30 ans, cette évolution de carrière lui permet de faire entendre ses valeurs et son intérêt pour ses pairs. Une reconnaissance dont elle mesure tout l’impact.