«Il suffit d'observer les étals des grands magasins pour constater que nous ne sommes pas les seuls.» (Photo: David Laurent)

«Il suffit d'observer les étals des grands magasins pour constater que nous ne sommes pas les seuls.» (Photo: David Laurent)

Monsieur Steinmetz, quel bilan tirez-vous de l’utilisation de la nouvelle usine que vous occupez depuis 2009?

«Depuis notre installation et les réglages nécessaires des machines, on peut dire que tout va bien. Nous avons pleinement pris l’usage de cette usine qui est à mon sens la plus moderne d’Europe dans son genre, au sein d’un site de 14 hectares dont nous sommes propriétaires. Cela nous permet de disposer d’un outil performant pour viser de nouveaux objectifs en termes d’exportations vers, par exemple, l’Afrique du Nord où nous livrons, par bateau, des conteneurs de Laban, du lait fermenté contenant des ferments lactiques et pasteurisé à haute température. Il s’agit d’un produit à longue conservation qui nous permet de viser des pays tels que la Mauritanie, la Libye ou encore le Maroc.

Visez-vous d’autres pays?

«Nous livrons en Italie ou en Angleterre, nous prospectons également vers la Russie et la Chine. Ce dernier marché représente un grand potentiel, mais nous attendons que des accords gouvernementaux soient signés entre nos deux pays.

Quels types de produits sont demandés par ces marchés?

«D’une manière générale, nous voulons nous développer dans des produits de niche et miser sur les produits à haute valeur ajoutée. La Chine est demandeuse de lait UHT enrichi en vitamines pour les enfants, par exemple.

Comment abordez-vous votre prospection en dehors des frontières?

«Nous disposons d’une équipe de quatre personnes dédiée à l’exportation. Nous nous rendons également tout au long de l’année dans une dizaine de foires internationales où nous tenons un stand, notamment à Abu Dhabi, au Maroc, à Shanghai ou encore à Paris.

Je visite aussi régulièrement nos principaux clients et rencontre nos contacts potentiels. Et nous devons également développer des arguments en fonction du pays visé, comme dans le cas des marchés russe ou chinois.

Concernant la Chine, le pays rencontre quelques problèmes alimentaires avec des produits locaux. Ils sont a priori du même type que ceux que nous produisons. Mais nous bénéficions d\\'un plus: les consommateurs recherchent des produits de qualité auxquels ils peuvent faire confiance, dont l’Europe et le Luxembourg sont synonymes.

Nous travaillons sans additifs, ce qui fait partie intégrante de la qualité que nous défendons, avec l’aide des cultivateurs qui nous fournissent quotidiennement.

Plus de 98% de notre lait est d’ailleurs qualifié en classe 1 suivant les normes européennes, soit le classement le plus élevé. C’est assez rare. C’est le résultat du travail de nos cultivateurs et, grâce à ce bon produit de base, nous pouvons aboutir à d’autres produits de qualité.

La marque Luxlait est-elle bien connue à l’étranger?

«L’entreprise ayant été fondée en 1894, nous sommes maintenant connus en Europe, d’autant plus que nous faisons l’effort d’être présents régulièrement sur le terrain.

Comment se déroulent les contrôles relatifs à la qualité de vos produits?

«Nous effectuons des contrôles tout au long de la chaîne de fabrication, à commencer par des analyses réalisées par notre vétérinaire chez les cultivateurs qui nous fournissent et qui doivent aussi, de leur côté, respecter un cahier des charges précis.

Les analyses se poursuivent lorsque le lait est acheminé dans notre usine, en l’occurrence dans notre laboratoire qui occupe une quinzaine de personnes. Au total, nous réalisons quelque 1.500 analyses quotidiennes.

Cette démarche représente un coût, mais cela nous permet de maîtriser les 125 millions de litres de lait que nous retravaillons chaque année et cela assoit notre volonté de maîtriser au mieux notre chaîne de production.

Quelle est la répartition de vos ventes entre exportations et ventes nationales?

«De plus en plus de produits sont exportés, soit 55% actuellement. Nous prévoyons une augmentation de notre activité, d’où l’espace foncier disponible en bordure de notre usine pour un agrandissement éventuel. Cette croissance, qui se déroulera via nos ventes à l’international, sera en partie générée par la fin des quotas laitiers en 2015.

À compter de cette échéance, les agriculteurs ne seront plus limités en termes de quantité de lait qu’ils pourront nous livrer, nous recevrons donc potentiellement plus de matière première et serons en mesure d’augmenter notre production.

À quel type de concurrence devez-vous faire face?

«Nos concurrents sont très actifs et issus de tous les pays. Il suffit d’observer les étals des grands magasins pour constater que nous ne sommes pas les seuls sur le marché des produits laitiers. Nous devons donc, clairement, miser sur nos éléments différenciateurs que sont le goût et la qualité du produit pour marquer notre empreinte. In fine, c’est bien le consommateur qui a le pouvoir de choisir.

Comment se répartissent les ventes entre vos différents produits?

«Le lait de consommation courante arrive en première position, suivi du yaourt, du beurre et enfin du fromage.

Comment sont structurés les organes décisionnels de la coopérative?

«Notre conseil d’administration se réunit huit fois par an, il est formé de cultivateurs choisis parmi les 420 membres de la coopérative.

C’est évidemment ce conseil d’administration qui donne les impulsions générales sur l’entreprise, gérée quotidiennement par un comité de direction que je coordonne.

Celui-ci est composé d’un directeur des ventes, d’un directeur de production, d’un secrétaire général ayant en charge les ressources humaines, d’un directeur technique et de moi-même.

De quel type de profils avez-vous besoin pour remplir vos missions?

«Nous comptons actuellement quelque 300 collaborateurs au sein desquels on observe une tendance vers de plus en plus de qualifications. Cela s’explique notamment par la technologie mise en place dans nos machines qui représentent des investissements importants. On retrouve donc des détenteurs de BTS même au niveau des opérateurs de machines.

Des profils universitaires sont nécessaires dans différents métiers comme les contrôleurs de gestion, le chef de production, le service qualité… Nous devons balayer large pour recruter nos collaborateurs, d’autant plus que la filière laitière ne possède pas de cursus propre.

Nous avons donc mis en place des formations avec des instituts partenaires en Belgique, tant du point de vue du traitement du lait que d’un point de vue technique.

Quel premier bilan tirez-vous du Vitarium, votre espace ludique et de découverte de vos métiers?

«Le Vitarium a clairement été conçu pour faire un marketing direct tant pour les adultes que pour les enfants. Il est important que le public, de tout âge, puisse s’identifier à sa marque. Les étrangers qui viennent s’établir au Luxembourg, souvent avec leurs habitudes de consommation, doivent pouvoir la découvrir aussi. Nous dénombrons quelque 40.000 visiteurs via cette infrastructure.

Nous recevons à la fois des familles ou des groupes scolaires pour visiter notre parcours didactique, composé de 45 stations explicatives et interactives sur nos processus. Ce parcours d’animations et de vues sur l’usine a été mis en place avec les autorités gouvernementales.

Au fil de la visite, qui débute depuis le Vitarium, nous retrouvons par exemple, via la projection d’un film en trois dimensions, deux personnages, une femme ingénieur de notre époque et un garçon habitant le Luxembourg d’autrefois pour expliquer au visiteur les évolutions de nos métiers.

Le Vitarium dispose aussi d’une cuisine à destination des écoles pour y dispenser des cours sur base de la pyramide alimentaire.

Nous pouvons également accueillir dans notre salle équipée des sociétés pour des réunions internes ou des mariages. Les visiteurs peuvent aussi déguster sur place nos glaces ou nos milk-shakes.

Quelles sont les prochaines évolutions de votre marché et donc de votre coopérative? «D’une manière générale, le lait frais voit sa consommation diminuer au profit du lait UHT pour des raisons de conservation, tant au Luxembourg qu’à l’étranger.

Du point de vue de notre performance, les résultats des dernières années étant positifs, je ne vois pas pourquoi je devrais être pessimiste. Chaque période est synonyme de nouvelles problématiques et de défis à relever, mais nous devons faire face au changement, ce que nous faisons continuellement. Cela passe notamment par de la recherche et du développement dans de nouveaux produits et une connaissance personnelle de nos grands comptes avec lesquels nous échangeons régulièrement.

À titre personnel, je pense qu’il était important de faire concilier la stratégie de notre entreprise à ses objectifs, c’est ce que je me suis employé à faire depuis mon arrivée. Je veux donc continuer, avec mon équipe, à réfléchir en termes de stratégie, maintenant que la période de rodage de notre nouvelle usine est derrière nous.

Un de nos objectifs sera de grandir avec nos collaborateurs en misant sur l’exportation et la naissance de nouveaux produits.»

Parcours

Une voie lactée

Âgé de 46 ans, Claude Steinmetz dirige Luxlait depuis 2001. Cet économiste de formation n’était pas forcément prédestiné à embrasser une carrière dans le secteur agricole. Il a d’ailleurs effectué ses premières armes au sein du secteur du bâtiment avant de rejoindre la place financière et plus particulièrement l’industrie des fonds. «L’arrivée chez Luxlait est un heureux concours de circonstances», précise celui qui maîtrise désormais l’ensemble du processus de production qu’il commente aisément en jouant le rôle de guide au sein de l’usine. Son arrivée a été synonyme d’un nouveau départ pour l’entreprise, fondée en 1894, qui se donnait comme ambition de développer ses activités et de se doter d’un nouveau site de production. C’est désormais chose faite. Depuis 2009, le site de Bissen, visible depuisla future route du Nord, répond aux ambitions de l’entreprise qui exporte désormais la majorité de sa production. Devenu un passionné de ce produit naturel, Claude Steinmetz entend continuer à explorer le potentiel du lait pour décliner de nouveaux produits. Et conquérir autant de marchés à l’étranger.