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Dès l’arrivée dans son bureau du Conseil général de la Moselle à Metz, Jean-Christophe Nguyen Van Sang vous prévient: en raison d’une réunion de travail à Paris, il n’a qu’une petite demi-heure pour l’entretien. C’est que depuis quelques semaines, l’agenda de celui qui est actuellement conseiller spécial auprès du président Philippe Leroy est particulièrement bien rempli. Depuis en fait que le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) a donné son feu vert, le 23 février dernier, au projet mosellan de télévision locale dont le Département est l’initiateur. Son nom? Mirabelle TV.

À l’heure où la diffusion en analogique est appelée à disparaître progressivement au profit du tout-numérique, la décision de la plus haute autorité française de l’audiovisuel n’est pas une surprise. Dans le pays en effet, nombreuses sont les télés locales à avoir, avec plus ou moins de réussite, déjà pris possession du multiplex GR1 mis à leur disposition par le CSA. En Lorraine par exemple, le Conseil géneral des Vosges a lancé la sienne (Image plus) en mai dernier.

Pour la partie septentrionale de la région, il faudra encore attendre quelques mois... «La prise d’antenne de Mirabelle TV est programmée pour la première semaine de juin mais le Département de la Moselle et les différents partenaires travaillent sur le projet depuis 2006», rappelle M. Nguyen Van Sang, futur directeur de la chaîne, à compter du 1er avril prochain.

Zone de diffusion XXL

Là où le projet de Mirabelle TV se distingue de ses homologues, c’est par sa dimension. «Une société anonyme d’économie mixte locale (SAEML) a été créée. Elle comprend des partenaires publics, notamment le Conseil général de la Moselle, la Ville de Verdun, la Chambre de Métiers et d’Artisanat de la Moselle et quelques intercommunalités réunis au sein d’un Syndicat mixte numérique, ainsi que dix partenaires privés parmi lesquels la banque CIC Est et Rohr Cablor, société spécialisée dans la fibre optique», précise le futur directeur. Comme dans toute SAEML, les actionnaires publics conservent une majorité des parts. En l’occurrence 60%. Car Mirabelle TV «aura une vocation de territoire, elle aura pour mission de développer les informations locales, culturelles, économiques sur un territoire riche, au coeur de l’Europe, mais qui souffre d’un déficit d’image».

D’ouest en est, sa zone de diffusion s’étendra du département de la Meuse à la banlieue strasbourgeoise et l’Alsace Bossue. Du nord au sud, elle sera disponible au-delà des frontières avec la Belgique, le Luxembourg et l’Allemagne jusqu’à la région de Pont-à-Mousson, entre Metz et Nancy. Au total, plus de deux millions d’habitants y auront accès.

«L’idée est de s’appuyer sur le réseau des télévisions locales existant en Moselle. Avec 30 chaînes, souvent municipales, le département est le premier de France, devant les deux départements alsaciens», développe Jean-Christophe Nguyen Van Sang. Ce qui offre de sacrées perspectives de synergie pour Mirabelle TV qui sera dotée d’un budget annuel de 2 millions d’euros «financés par une régie publicitaire (vraisemblablement confiée au Républicain Lorrain, ndlr) et par un contrat d’objectifs et de moyens défini par le Syndicat mixte numérique». La chaîne lorraine devrait prendre ses quartiers ces prochaines semaines dans la banlieue messine. Seize emplois seront créés pour alimenter les programmes qui pourront également être achetés ou faire l’objet de coproductions.

Quel avenir pour les télés locales?

Reste que d’une manière générale, le lancement d’une télé locale en 2010 n’est pas une sinécure. Sur son blog dédié aux médias en Lorraine, Stéphane Getto s’interroge sur leur viabilité économique. «Le modèle est loin d’être stabilisé et la presse quotidienne régionale, partenaire traditionnel, hésite parfois à se lancer dans l’aventure et fait même marche arrière», écrit-il, citant le cas du groupe Hersant qui a cédé ses participations dans la chaîne caennaise Normandie TV, et surtout retiré ses billes dans la télé locale francilienne. Dans l’ouest, Nantes 7 a déposé le bilan et à Marseille, le groupe La Provence est sorti du capital de même que tous les actionnaires de départ. «Baisse de manne publicitaire et érosion des ventes pour la presse quotidienne régionale, tensions accrues sur les budgets des collectivités locales: l’avenir des télés locales est loin d’être radieux», conclut Stéphane Getto.