Mike Van Kauvenberg, directeur marketing, Sales-Lentz (Photo: David Laurent/Wide)

Mike Van Kauvenberg, directeur marketing, Sales-Lentz (Photo: David Laurent/Wide)

Monsieur Van Kauvenbergh, comment réussit-on à construire le marketing d’une société dont les activités sont plutôt variées?

«Les activités de Sales-Lentz sont effectivement variées, mais complémentaires. Notre métier de base est bien évidemment autocariste: nous transportons des personnes. C’est historique et ça a commencé par le transport d’ouvriers vers les usines du pays. Assez vite, la société s’est diversifiée, et s’est mise à proposer des transports touristiques. C’était, d’une certaine manière, une extension naturelle de l’activité.

Aujourd’hui, pour simplifier, il y a ces deux secteurs d’activité: le transport de personnes et le tourisme. Pour le tourisme, nous vendons nos propres voyages, en utilisant en partie nos autocars, mais aussi ceux de tout autre tour-opérateur existant. Pour les transports, en dehors du transport public, nous avons une panoplie assez vaste de produits, comme le Flexibus, Night Rider ou Flibco. Du point de vue marketing, le challenge est de réussir à promouvoir toutes ces activités et marques, tout en ayant une corporate identity forte pour l’entreprise Sales-Lentz.

Comment coordonnez-vous alors les efforts du département marketing?

«Nous avons deux domaines d’intervention. Le premier est précisément cette partie ‘CI’, corporate identity. Sales-Lentz est notre marque ombrelle. Nous travaillons avec elle sur l’image, tant vers l’extérieur que vers l’intérieur de l’entreprise. C’est en fait pour nous le moyen d’avoir un moteur pour assurer la cohésion et l’identification des équipes à l’entreprise.

Tous nos employés, des chauffeurs aux personnes de bureaux, sont nos ambassadeurs. Ils doivent connaître et adhérer aux valeurs de l’entreprise. Nous avons renouvelé la CI en janvier 2008. Nous avions procédé à des enquêtes externes sur la manière dont les consommateurs percevaient la marque Sales-Lentz. Le fait est que nous avions une identité de marque plutôt floue, et même si notre notoriété était très bonne, nous n’avions pas de lien émotionnel très fort avec certaines cibles… En outre, nos services comme Flibco ou Night Rider n’étaient pas associés à notre nom.

Lorsque l’on vous regarde comme un autocariste, vous avez l’image qui va avec: un peu vieillotte, très luxembourgo-luxembourgeoise. En interne, nous étions tout le contraire. Nous avons des équipes jeunes, et à l’image du pays, avec beaucoup de nationalités dans les équipes. Le fait était que nous avions créé une multitude de produits et services innovants, tout en étant les premiers à développer un outil de réservation sur Internet. Nous avions une culture interne jeune et dynamique, mais avec une image externe plus datée. Nous sommes peut-être une entreprise familiale, mais nous ne sommes pas un ‘vieux machin’.

Nous avons alors décidé de travailler pour aligner notre image avec notre culture interne. C’était un vrai défi, plutôt bien réussi. Une nouvelle enquête en 2010 a montré que les consommateurs avaient bien réagi.

C’est d’autant plus gratifiant que cette nouvelle identité est un projet qui a été réalisé en interne, en intégrant et en impliquant les collaborateurs. C’est notre département qui a réalisé le corporate design, en le déclinant sur tous les supports. Ce projet a dépassé celui de la reconstruction du logo… Ce dernier n’a été que la fin du projet, après de nombreuses réflexions.

Notre slogan, Moving People, est un autre résultat très visible. C’est une déclinaison de notre mission. Nous sommes dans les transports, certes, mais nous nous occupons des gens. Et nous voulons les toucher. Le terme anglais moving a une connotation émotionnelle, et en plus, il est adapté au multilinguisme du pays.

Quel est le second ‘domaine d’intervention’ de votre département?

«C’est tout simplement ce que nous appelons le marketing de vente. Il s’agit de se consacrer aux différentes activités, et de les aider à se développer à travers la communication. On parle ici de toutes les activités, comme les transports en commun, le tour-operateur, le Flexibus, Flibco et toutes nos activités B2C et B2B. Nos interlocuteurs sont en effet souvent des organisations, comme des communes, des associations, des entreprises, etc. La fourchette est large!

Ici, nous déclinons notre démarche selon les bonnes règles universelles du marketing. Nous faisons attention au design, aux supports de communication, nous définissons et mettons en place des chartes et des concepts, pour bien faire les choses. Il y a plein d’activités différentes, avec chacune leur propre message. Le défi est de faire coïncider la communication avec les canaux de communication, tout en respectant la stratégie CI.

Et puis le Luxembourg, c’est un défi… Les segments de clientèle sont très nombreux. Même en vous contentant de critères comme l’âge et les langues, et que vous les croisez avec la panoplie de médias qui existent, tous plus ou moins spécialisés, vous avez un véritable patchwork! Entre les quotidiens nationaux, qui ont un lectorat luxembourgeois plutôt âgé, et un support comme, au hasard, paperJam, qui vise des actifs résidents et non-résidents, mais francophones, il y a déjà de grandes différences. C’est donc très difficile lorsque vous voulez promouvoir vos activités.

Et c’est une des raisons pour lesquelles nous sommes très peu présents dans les médias classiques. Notre média principal, c’est en fait notre propre magazine, Schéi Vakanz, que nous envoyons à nos clients et diffusons par nos agences et dans les salles d’attente du pays. Il est imprimé à 42.000 exemplaires, dont 38.000 sont envoyés directement.

Internet est également un outil que nous développons, avec notre site, des lettres d’information électroniques, et notre page Facebook, qui compte 2.200 fans… Ce qui n’est pas mauvais pour une entreprise luxembourgeoise!

Il y a un autre problème: c’est que les prix des médias luxembourgeois sont élevés. Avant de rejoindre Sales-Lentz, j’ai travaillé dans le secteur de la parfumerie en Allemagne. Si le coût absolu est bien entendu beaucoup plus élevé, le coût unitaire est largement inférieur. Dépenser 40.000 euros pour toucher des centaines de milliers de personnes est beaucoup plus raisonnable que 3.000 euros pour quelques centaines… Le Luxembourg est un microcosme très segmenté…

On confond souvent au Luxembourg le marketing et la communication…

«Tout dépend des produits. Flibco ou Night Rider sont pour nous des produits, au véritable sens marketing du terme. Nous avons identifié un besoin non satisfait, et construit une offre pour le satisfaire. Flibco est véritablement flagrant: la demande venait pour une grande partie des résidents étrangers qui souhaitent retourner dans leurs pays.

J’insiste sur la séparation entre notre marketing-CI et notre marketing-vente. Les deux sont liés, et doivent travailler main dans la main, mais ils n’ont pas le même objet, le même objectif. Pour être efficace, le marketing ne doit pas être confondu avec le processus commercial. C’est un outil fédérateur entre tous les maillons de la chaîne commerciale.

Le marketing-CI sert à définir ce qu’est le groupe, et a également un intérêt comme outil de communication interne, de culture d’entreprise. Nos gens doivent porter notre message. Pour pouvoir le porter, il faut qu’ils le comprennent et qu’ils y adhèrent. Le marketing doit être conçu comme un outil durable, qui travaille pour le succès à long terme des entreprises.

J’ai récemment donné un cours de marketing à des étudiants en informatique à l’Université. Plutôt que de leur parler de la publicité, j’ai décidé de leur parler de ce qu’est la corporate identity. Je voulais qu’ils comprennent que le marketing n’est pas que l’art de la manipulation, pour résumer l’image qu’ils pouvaient en avoir. Bien sûr, il peut être intéressant d’exagérer le message, pour le faire passer. Mais si l’on est un dirigeant d’entreprise responsable, il ne faut pas mentir: c’est le meilleur moyen de mettre en péril la pérennité de son entreprise. Le marketing doit soutenir l’organisation et aider les collaborateurs de la société, pas les handicaper.

Comment utilisez-vous les nouveaux médias?

«Tout dépend des produits. Pour Flibco, par exemple, c’est un canal de vente. C’est en fait le principal. En 2010, nous avons transporté 240.000 personnes, et plus de 90% avaient réservé en ligne. On y trouve les informations, les horaires, les places disponibles… et comme nous sommes dans une approche low cost, nous y avons le système de réservation. Dans ce cas-là, Internet est indispensable.

Nous tenons compte aussi de l’importance croissante des médias nomades, avec le développement d’applications pour iPhone et iPad. Un autre défi, c’est le développement des médias sociaux en ligne. C’est une forme de communication tout à fait différente de celle des médias classiques… Elle est très interactive et en constante évolution. Nous y consacrons pas mal d’efforts.

Comment se structure le marché touristique? La crise a-t-elle eu des répercussions?

«Nous nous positionnons sur un marché local… Il y a, au Luxembourg, un grand acteur: Luxair, qui est la compagnie aérienne et le tour-opérateur fédérateur de la Grande Région. Et le fait est que c’est un de nos principaux partenaires au départ de Luxembourg, même si nous travaillons également avec d’autres prestataires comme TUI, Jetair ou ClubMed. Ce sont des offres que les gens connaissent, et que les résidents étrangers on pu consommer dans leur pays d’origine avant de venir habiter ici.

Nous en avons profité d’ailleurs, avec la reprise des Voyages Léonard en Belgique, pour élargir notre activité touristique au-delà de frontières du Grand-Duché.

Pour revenir à la question de la manière dont la crise nous a concernés, il n’y a pas véritablement eu de ralentissement sur notre marché. Les clients particuliers ont peut-être été un peu plus prudents, ils ont peut-être réservé un peu plus tard, mais les voyages de loisirs n’ont pas vraiment reculé.

Là où l’impact a été plus sensible, c’est dans le domaine du tourisme d’affaires. Nous avons une société spécialisée dans le domaine: Travel Pro. C’est un autre métier, très spécifique, plus rationnel dans ses choix. Avec la crise, les demandes ont diminué, sans disparaître. Dans le domaine du marketing, l’objectif a été de rappeler les avantages qu’une agence dédiée peut apporter, à savoir les économies, la facilité d’utilisation, le soutien organisationnel…»

 

Parcours - Changements de cap…
Âgé de 44 ans, Mike Van Kauvenbergh a suivi des études économiques à Sarrebruck. Diplôme en poche, il quitte le pays pendant les 15 premières années de sa carrière. Son premier arrêt est en Suisse, où il travaille pour un groupe sidérurgique et un cabinet de conseil.
Il rejoint ensuite Munich pendant huit ans, où il travaille alors pour un grand distributeur de parfums. Il est responsable vente et marketing pour le marché allemand.
Il revient, enfin, au Luxembourg fin 2006: «Sales-Lentz cherchait à l’époque un nouveau directeur marketing. Mon parcours peut surprendre, mais je pense que chaque étape m’a permis d’apprendre des choses réutilisables aux étapes ultérieures. C’est un atout d’avoir vu d’autres choses, ailleurs… Dans le secteur de la parfumerie, j’ai eu de bons résultats.
Je pense que cela était lié au fait que je n’y avais pas travaillé pendant 20 ans… et que donc je n’étais pas ancré dans une voie, coincé par l’habitude. J’en tire également des conséquences: je n’hésiterai pas à engager quelqu’un qui a une expérience totalement déconnectée du tourisme… Il va obligatoirement être capable d’apporter de nouvelles idées.»