Michel Wurth (Photo: David Laurent/Wide)

Michel Wurth (Photo: David Laurent/Wide)

Il s’en est sans doute fallu de peu pour que Michel Wurth soit de nouveau désigné par le jury comme décideur économique le plus influent du Luxembourg. Il faut dire qu’en cette année 2010, le membre de la direction générale d’Arcelor­Mittal a été particulièrement en vue, principalement sous ses deux autres casquettes principales que sont ses fonctions de président de la Chambre­ ­­de ­Commerce et, surtout, de l’Union des ­Entreprises­ Luxembourgeoises.

Car dans la grande agitation politico-sociale de ces derniers mois, c’est bel et bien Michel Wurth qui est monté au créneau, au nom des dirigeants d’entreprise, bien plus qu’il ne l’avait jamais fait auparavant. «Toutes nos entreprises se retrouvant face à des problématiques similaires, il était essentiel de se regrouper, explique-t-il. Mon action à l’UEL a donc été d’améliorer notre cohésion, afin de parler d’une seule voix. Cela a été une grande réussite et je pense que cela nous a donné une dynamique, avec de vraies propositions concrètes et pas seulement des effets de manche.» Des propositions notamment consignées dans une publication baptisée Comment sortir ensemble de la crise? qui a permis aussi à l’UEL de toucher le grand public, afin de l’informer au mieux de tous les enjeux économiques du moment.

Mais cet engagement n’a pas suffi à débloquer une situation dramatiquement figée et à éviter un échec quasi historique de la Tripartite au printemps dernier, pour lequel chacun s’est rejeté la responsabilité. «C’est surtout un échec de la société luxembourgeoise dans sa capacité à bien appréhender les problèmes et à y apporter les solutions adéquates, estime M. Wurth. C’est l’échec d’un mode de régulation, plutôt que la responsabilité spécifique d’un acteur ou de deux acteurs. Ce n’est pas en réglant certaines choses avec des accords bipartites, que l’on peut qualifier de compromis, que l’on règle les vrais problèmes de fond. La population sent bien le décalage qu’il peut y avoir entre la position de certains et la réalité du terrain.»

«Pour un vrai débat de fond»

La thématique de la baisse de compétitivité des entreprises et du pays a évidemment dominé les débats. Mais pour Michel Wurth, le terrain concurrentiel pour les PME, c’est la Grande Région. «Le sujet n’est pas forcément de savoir si on va survivre, mais comment faire pour retrouver un niveau de vie qui soit supérieur à celui de Trèves, d’Arlon ou de Thionville. Il faut être les meilleurs, nous n’avons pas le choix. Et cela concerne tout aussi bien les problèmes d’infrastructures, de transports, d’autorisations administratives que des problèmes de coûts. Quand nous disons qu’augmenter le salaire social minimum est, socialement, une très bonne chose, mais que cela contribue aussi à augmenter le chômage, on nous dit que nous sommes antisociaux. Ce n’est pas là le sens de notre approche. C’est un faux débat. Nous plaidons pour un vrai débat de fond, qui prenne en compte l’ensemble des conséquences des choix que nous devons prendre pour l’avenir.»

A ses yeux, les accords bipartites établis cet automne ont surtout eu pour conséquence de repousser le problème. Reculer pour mieux sauter ensuite? Michel Wurth espère en tous cas que ce délai de réflexion, qui est proposé à tous, permettra une bonne fois pour toutes de trouver des pistes concrètes pour transformer la société bien au-delà du seul volet économique. Ces transformations, cette nouvelle donne économique qui se profile – avec un basculement du pouvoir économique de l’Occident vers l’Orient – Michel Wurth les vit aussi au quotidien chez ArcelorMittal, dont le rayonnement planétaire constitue, à lui seul, un défi économique permanent. «Nous avons orienté notre stratégie en mettant l’accent sur les pays émergents, mais aussi vers les matières premières, pour être plus intégrés et augmenter la chaîne de valeur de nos produits. Nous n’arriverons pas à nous battre seulement contre la compétitivité-coût, ou alors cela finira par être douloureux pour tout le monde. Il faut donc avoir de l’avance en matière d’innovation, avec de nouveaux produits et de nouvelles technologies qui induisent aussi des gains de productivité. Cette crise constitue une vraie épreuve et nous avons beaucoup appris. Nous avons changé notre manière de voir les choses et cela ne nous réussit pas mal.»