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Dominique Gros (Maire de Metz). (Photo: Olivier Minaire) 

 Après 36 années passées à la tête de la municipalité, Jean-Marie Rausch n’est plus le maire de Metz. Et pour la première fois de son histoire, la ville est dirigée par un maire de gauche, le socialiste Dominique Gros. A la tête d’une équipe d’union de la gauche, l’édile a été éreinté tout au long de la campagne par ses adversaires qui n’ont pas manqué de remettre en cause l’aptitude de la gauche à gérer une ville et à initier des projets en matière d’éco-nomie. «Nous avons passé des semaines à nous justifier, à expliquer nos ambitions sur le plan économique afin de rassurer les Messins. Nous pouvons désormais mettre tout cela en pratique», annonce Thierry Jean, adjoint chargé du développement économique, de l’enseignement supérieur, de la recherche mais également de l’Usine d’Electricité de Metz (jusqu’alors régie municipale florissante, l’UEM a ouvert son capital pour être en conformité avec la législation). «L’une de mes priorités, en ce début de mandat, est de mettre en place des états généraux du commerce afin de définir une politique cohérente et pertinente avec l’ensemble des partenaires concernés». Durant son long règne, Jean-Marie Rausch a imposé un fonctionnement et des habitudes aux principaux interlocuteurs du commerce messin, notamment l’omniprésente Fédération des Commerçants actuellement présidée par Alain Steinhoff, qu’il convient visiblement de bouleverser.

Metz, la commerçante

«Personnellement, je crois aux vertus de la concurrence. S’il faut casser des monopoles, nous le ferons. Le projet d’aménagement du boulevard de Trèves (25.000 m2 de casernes transformées en commerces et logements), la création du quartier de l’Amphithéâtre (110 hectares à proximité du Centre Pompidou-Metz), sans oublier la place de la République qui va elle aussi être profondément réaménagée, vont avoir des conséquences sur le commerce qu’il convient dès à présent d’anticiper. Il nous faut également nous attaquer au problème des cellules commerciales qui restent parfois vides des mois durant parce que les prix des pas de portes (droit au bail) sont trop élevés. Sur Metz et alentours, 200 locaux seraient actuellement disponibles. La situation n’a rien d’alarmant, – une récente étude confirme que nous sommes dans la moyenne en la matière –, mais il est important de rectifier le tir. Je travaille notamment sur l’instauration d’un droit de préemption afin de fluidifier le marché, tout particulièrement au centre-ville. Mais là encore, cela se fera dans la concertation avec les commerçants riverains et avec pour ambition de pallier l’absence d’un commerce ou d’un service», explique l’élu.

Dynamiser le commerce de «Metz, la Commerçante», pour reprendre l’un des slogans emblématiques de la ville, c’est l’un des volets de la stratégie de la nouvelle municipalité en matière d’économie. Mais la création de richesses réside également dans le tissu de PME et PMI qu’il convient d’enrichir.

A la tête de deux entreprises spécialisées dans la mécanique de précision installées du côté de Richemont, ancien directeur de l’ESIDEC (Ecole Supérieure Internationale de Commerce de Metz), Thierry Jean en est bien conscient. Et c’est pour pouvoir mieux intervenir qu’il était si important pour le maire de Metz, Dominique Gros, de prendre la présidence de la Communauté d’Agglomération de Metz Métropole (CA2M) qui regroupe une quarantaine de communes. «Le développement économique de Metz et des communes adhérentes à la CA2M  relève de la compétence de la communauté d’agglomération. Les territoires se livrent une concurrence  particulièrement vive pour attirer les investisseurs et les entreprises. Nous devons absolument jouer la carte de l’union. Obliger un chef d’entreprise désireux de s’installer sur l’espace de la CA2M à multiplier les démarches et les interlocuteurs ne serait franchement pas une bonne idée, surtout que nous commençons à manquer de foncier», précise M. Jean.

Il va pourtant bien falloir composer puisque c’est Jean-Luc Bohl, le maire de Montigny-lès-Metz, qui a été élu, avec quelques voix d’avance, à la tête de la CA2M le 14 avril. «Cela ne freinera pas les projets de Metz», s’est empressé de préciser Dominique Gros, qui assumera tout de même la vice-présidence de la Communauté, en charge des transports. «Nous allons travailler la main dans la main, car nos communes ont tout à gagner à ce que les dossiers avancent, sur le plan économique, mais également en matière de transport».

Une maison pour les entrepreneurs

Un souci d’efficacité qui vaut également pour la création ou la reprise d’entreprise. Lors de la campagne électorale, la création d’une «maison de l’entrepreneur» a notamment été évoquée à plusieurs reprises. «Je suis bien placé pour le dire, le parcours menant à la création d’entreprise est particulièrement tortueux et compliqué. Pour le porteur d’un projet qui ne connaît pas les bonnes personnes et les réseaux efficaces, il y a vraiment de quoi jeter l’éponge. Notre ambition est de créer  une maison, réelle ou virtuelle, avec l’ensemble des acteurs concernés par la création d’entreprises (Chambre de Commerce et d’Industrie de la Moselle, Chambre des Métiers  et de l’Artisanat, Oséo…)», explique Thierry Jean.

Les  porteurs de projets d’entreprise jugés innovants, notamment dans le domaine du développement durable, seront tout particulièrement soutenus. Une partie des fonds dégagés par la vente (pour l’heure partielle) de l’UEM devrait en effet servir à composer un fonds de capital risque «doté de 10 millions d’euros» est-il précisé dans le programme de campagne de Dominique Gros, pour soutenir l’innovation. «L’environnement, notamment la recherche dans les énergies nouvelles, est l’un des secteurs d’activité que nous comptons investir. Avec l’Institut Européen d’Ecologie mais également l’UEM, par exemple, qui peut être une entreprise pilote en planchant sur des procédés de production d’énergie différents, nous disposons d’un réel savoir-faire» précise Thierry Jean. «Il faut notamment parvenir à une symbiose entre les grandes écoles et les laboratoires pour offrir à nos étudiants des outils leur permettant de créer leur entreprise. Le temps est venu de miser sur un développement endogène et ne pas tout attendre de l’extérieur, notamment du Luxembourg» insiste le maire.

Une santé de fer

Au registre des secteurs d’activité à exploiter, la nouvelle municipalité entend également faire en sorte que Metz devienne un pôle de transfert technologique dans le domaine des matériaux et des procédés. Elle compte ainsi soutenir les centres de recherche et développement (une trentaine de centres et de laboratoires, privés et publics) orientés sur les matériaux innovants qui travaillent déjà en réseau avec le monde de l’entreprise (PME-PMI), dans le cadre du pôle de compétitivité dédié aux matériaux innovants et produits intelligents (MIPI), soutenu notamment par le Luxembourg. Une cinquantaine de projets, pour un investissement global de près de 50 millions d’euros, a été lancée. La région a ainsi des ambitions dans la création de matériaux nouveaux des-tinés à des secteurs d’activités divers: auto-mobile, emballage ou bien encore médical. «Ce dernier secteur d’activité nous intéresse tout particulièrement. Autour de l’hôpital de Mercy (non loin du Technopole) actuellement en construction (180 millions d’euros d’investissement), nous disposons d’une surface de 15 hectares sur laquelle nous pourrions développer le futur pôle d’accompagnement médical de Mercy en y accueillant des entreprises spécialisées dans la santé», indique Thierry Jean.

Voilà pour les grands projets et les ambitions auxquels s’ajoute tout de même une volonté affichée de créer des entreprises et des emplois dans les activités culturelles et artistiques en profitant du futur Centre Pompidou qui devrait ouvrir ses portes à l’été 2009. Pour passer du discours aux actes, la municipalité compte rapidement se doter d’un «Schéma directeur de développement économique». Elle peut également s’appuyer sur une situation financière saine (sans compter la vente de l’UEM qui devrait rapporter plusieurs dizaines de millions d’euros) et l’instauration de véri-tables partenariats avec les acteurs économiques mais également les collectivités, puisque le Conseil régional de Lorraine est présidé par le socialiste Jean-Pierre Masseret et que trois membres du Conseil municipal, notamment le maire Dominique Gros, siègent au Conseil général de la Moselle.

Des collectivités qui poursuivent toutes un même objectif ô combien décisif pour l’avenir du territoire en matière d’économie: en finir avec une mauvaise image de marque pour gagner en lisibilité et en attractivité. «Les cadres et les décideurs ne se bousculent pas pour venir à Metz. Et quand vous réussissez à convaincre l’un d’eux de venir s’y installer, vous n’avez fait que la moitié du chemin, car il faut en-core persuader sa femme et ses enfants», plaisante Thierry Jean. Depuis le phénoménal succès du film «Bienvenue chez les Ch’tis», on sait que l’humour peut être un excellent moyen de s’affranchir des clichés…