Investissement: En avril, Carlex a inauguré une nouvelle ligne de production sur son site de Grevenmacher pour remplacer les anciennes chaînes et répondre aux besoins des clients. Un investissement de 25 millions d’euros.  (Photo:  LaLa La Photo)

Investissement: En avril, Carlex a inauguré une nouvelle ligne de production sur son site de Grevenmacher pour remplacer les anciennes chaînes et répondre aux besoins des clients. Un investissement de 25 millions d’euros.  (Photo: LaLa La Photo)

Révolution technologique oblige, le marché de l’automobile est en pleine effervescence. L’innovation n’a jamais été aussi importante, tout comme les ventes de véhicules neufs, qui ont retrouvé leur niveau d’avant-crise. Au Luxembourg, les carnets de commandes des équipementiers, qui font travailler quelque 10.000 personnes, sont remplis. «Le secteur se porte bien, 2016 et 2017 ont été des années records et tout le monde travaille à plein régime», confirme Georges Santer, conseiller à la Fédération des industriels luxembourgeois (Fedil). Le 23 avril, le producteur de pare-brise Carlex inaugurait une nouvelle ligne de production sur son site de Grevenmacher pour un investissement de 25 millions d’euros. Au mois de septembre 2017, c’est Goodyear qui annonçait un investissement de 80 millions d’euros pour construire à Dudelange une usine flambant neuve et quasiment entièrement automatisée. Elle livrera ses premiers pneus fin 2019.

Prendre des risques

Si la bonne conjoncture du marché automobile international profite à tout le monde, les façons de travailler ont évolué. «Il y a 30-40 ans, c’est le constructeur qui était le moteur de l’innovation. Il avait un cahier des charges bien précis et l’équipementier devait répondre à sa commande», explique Paul Schockmel, vice-président de la stratégie, du développement business et du marketing chez IEE, spécialisée dans les capteurs d’habitacles. «Aujourd’hui, la tendance s’est en partie inversée. C’est le fournisseur qui propose de l’innovation ou travaille en partenariat avec son client.» Il s’agit d’un changement de paradigme important pour les équipementiers. En devenant responsables d’une partie de l’innovation, ils prennent plus de risques et doivent investir en R&D. Il s’agit toutefois d’une opportunité pour transformer profondément les entreprises et les préparer à l’économie numérique. IEE a sauté sur l’occasion pour repenser son fonctionnement interne. «Nous savons que nous devons devenir bien plus agiles qu’auparavant, notamment dans nos processus de décision», continue Paul Schockmel. Il y a un an, son entreprise a entrepris une vaste réflexion pour avancer plus vite dans l’innovation. «Nous avons mis en place des accelerator teams, qui sont des groupes de spécialistes que nous détachons une période donnée pour se concentrer sur un projet précis.» IEE est également l’une des premières entreprises luxembourgeoises à avoir désigné un chief digital officer (CDO), en charge de définir une stratégie de digitalisation.

La plupart des équipementiers sont très peu à travailler sur la voiture électrique ou à innover dans l’intelligence artificielle.

Georges Santer, conseiller à la Fedil

En investissant dans une nouvelle unité de production dans un pays qui n’est pourtant pas connu pour ses coûts du travail faibles, Goodyear a parié sur les avantages de l’industrie 4.0. «Il s’agira d’une usine hautement automatisée qui permettra un système de production beaucoup plus flexible», détaillait en septembre, lors de l’annonce du projet, Jean-Claude Kihn, l’ancien président de Goodyear pour la région Europe, Moyen-Orient et Afrique. Le fabricant de composants électro-mécaniques Cebi veut prendre la même tangente. Il a signé début avril un partenariat avec le SnT, le bras technologique de l’Uni, pour améliorer l’autonomie de ses machines dans son usine luxembourgeoise.

Ouvrir l’innovation

Mais il s’agit là d’exemples qui concernent les plus gros acteurs du secteur. La situation n’est pas forcément la même pour tout le monde. «La plupart des équipementiers proposent encore des produits classiques. Ils sont très peu à travailler sur la voiture électrique ou à innover dans l’intelligence artificielle», rappelle Georges Santer. Leurs carnets de commandes sont remplis, mais s’ils ne modernisent pas leurs outils de production, ils risquent de ne plus pouvoir répondre aux spécifications de plus en plus exigeantes imposées par les constructeurs. Heureusement, ils ne sont pas seuls. Sous l’impulsion de l’Ilea (Industrie luxembourgeoise des équipementiers de l’automobile), l’industrie a créé en 2014 le cluster Automotive Components, hébergé chez Luxinnovation et qui a changé de nom en 2017 pour devenir Automobility.

«À travers diverses manifestations, comme les ‘breakfast meetings’, nous informons nos membres des grandes tendances du marché qui peuvent déboucher vers de nouvelles perspectives d’accroissement», explique Anthony Auert, son manager. En 2016, le gouvernement a initié avec Goodyear et IEE la création du Luxembourg Automotive Campus. Ce centre d’innovation installé sur un terrain de 14 hectares accueillera les activités de R&D des deux industriels à partir de 2019. En plus, un bâtiment entièrement dédié aux start-up sera construit. Car le secteur de l’automobile n’échappe pas à la concurrence des modèles disruptifs portés par les jeunes pousses. Elles sont d’ailleurs plusieurs à faire parler d’elles depuis le Luxembourg, comme CarPay-Diem, qui propose une solution de paiement à distance des pleins d’essence. Ou encore Autopass, qui travaille avec Norauto sur la gestion de l’approvisionnement des pièces détachées. L’innovation ouverte est l’une des pistes privilégiées que le gouvernement souhaite pousser. Mais pour cela, il faudra veiller à ce que des collaborations concrètes aient lieu entre les acteurs historiques et ces nouvelles pépites. Autant de sujets qui seront discutés lors de l’Automotive Day organisé le 7 juin par Luxinnovation.