Marie-France (Nathalie Baye) est ce qu’on appelle une secrétaire «volante»: elle passe de bureau en administration en remplacement de congés maladie ou maternité. C’est ce qui lui permet de se faire engager aux côtés de Thomas (Malik Zidi), dans un service administratif. Si Thomas est vite séduit par l’efficacité et le dévouement de cette nouvelle collègue, il ne sait pas qu’elle cache un secret: elle est la mère du jeune homme que neuf ans plus tôt Thomas a accidentellement tué sur la route alors qu’il emmenait sa femme à la maternité.

Peu à peu, elle va s’immiscer dangereusement dans sa vie et sa famille jusqu’à lui devenir indispensable. C’est là que le thriller psychologique prend toute sa dimension vicieuse et machiavélique. Christophe Ali, co-réalisateur avec Nicolas Bonilauri, revient sur la genèse et les intentions du film.

Vous signez avec «La Volante» un film de genre qui fait penser au Chabrol des années 80 pour le côté drame familial ou à Brian de Palma pour la tension qui s’installe. C’est votre univers?

«Nous avons toujours été proches du film de genre. Le cinéma des années 80 est celui avec lequel on a commencé à aimer le cinéma, Nicolas et moi, même si nos références sont ici plus anciennes, notamment chez Hitchcock. Le point de départ était notre envie de situer le thriller dans un cadre administratif, de voir comment les liens entre collègues peuvent sous-tendre des relations plus complexes et plus tendues. Une façon de dire «méfiez-vous de vos collègues sympas et indispensables».

Ce titre de «La Volante» est assez intrigant d’ailleurs…

«Dans le monde administratif, c’est assez classique comme terme. Nous avons travaillé dans ce domaine et nous en avons rencontré. Nous nous sommes souvent interrogés sur qui elles étaient, d’où elles venaient, où elles repartaient ensuite. Nous voulions également traiter cette relation si particulière qui peut exister entre un directeur et sa secrétaire. Ils forment souvent un couple à part entière, passant beaucoup de temps ensemble, parfois plus qu’avec leur conjoint. Choisir ce mot pour le titre nous permettait de garder un peu plus de mystère que si on avait parlé de part d’ombre, du passé qui ressurgit. Sans compter l’ambiguïté du mot, volante, violente, voleuse…

Garder une part de mystère, dites-vous, mais on comprend très vite que Marie-France veut se venger… N’avez-vous pas pensé à traiter l’accident en flash-back, plus tard dans le film?

«Pour nous, ce n’est pas tout à fait une histoire de vengeance. Marie-France recherche plutôt une compensation, une manière de retrouver ce qu’elle a perdu, ce qu’on lui a pris. Mettre le spectateur dans la confidence, ou en tout cas à ce qu’il en sache plus que Thomas, crée une tension, une lourdeur qu’on n’aurait pas eues autrement.

Avez-vous écrit le rôle en pensant à Nathalie Baye?

«Si pas au moment de l’écriture, Nathalie Baye était clairement notre premier choix. C’était intéressant de confier le personnage de Marie-France à une comédienne qui a un grand capital sympathie. Ses rôles sont généralement des personnes bienveillantes, empathiques et l’ambiguïté de Marie-France repose aussi là-dessus. La rencontre avec elle a été magique. Elle a tout de suite voulu nous rencontrer et a rapidement accepté de nous suivre. Elle a apporté beaucoup d’idées pour montrer l’apparente normalité de cette femme, par exemple pour son look.

Le film est à la fois lent et elliptique. On est finalement dans un environnement un peu abstrait, hors du temps…

«Nous aimons bien les ellipses au cinéma, laisser entrevoir que des choses se sont passées, mais que nous ne voyons pas à l’écran. Il était important pour le personnage de Marie-France que suffisamment de temps et d’années s’écoulent pour lui laisser le temps de construire de façon crédible son projet.

Quel fut le parcours de Marie-France pendant ces années? Que s’est-il passé entre Thomas et sa femme?

«Nous préférions laisser au spectateur le soin de fantasmer cette partie du récit. Quant à la lenteur, elle est totalement voulue et assumée, pour faire grimper la pression.

Dans un premier temps, l’histoire devait se passer à Paris. Les aléas de la coproduction vous ont obligé à tourner à Metz et à Luxembourg. Comment se sont faites les adaptations?

«Au niveau du scénario, cela n’a pas changé grand-chose. Nous avons réécrit certaines séquences qui se passaient dans le métro, mais la teneur est tout à fait la même. Tourner ici, dans l’est de la France et au Luxembourg nous a ouvert de nouveaux champs en nous offrant de nouveaux décors que nous ne connaissions pas. La maison à Esch-sur-Sûre, la mairie de Mondorf, où se situent les scènes de bureau, sont des endroits qu’on n’aurait pas trouvés à Paris.

Tourner hors de Paris, c’est aussi tourner loin de chez soi, avec des équipes qu’on ne connaît pas. C’est important?

«Ne pas être chez soi oblige à une certaine concentration et permet un resserrement de l’équipe. Cela permet aussi de rencontrer d’autres personnes et d’autres lieux. Les techniciens et comédiens luxembourgeois avec lesquels nous avons travaillé étaient parfaitement à la hauteur. Je revendique toute la distribution et toute la liste technique.

Est-ce à dire que vous reviendrez tourner ici?

«On en a très envie en tout cas. D’autant qu’on travaille sur un projet autour de l’histoire de Lorraine Cœur d'Acier, une radio pirate montée par la CGT pour lutter contre la fermeture des usines. C’est un projet d’envergure, on verra…»