Maurice Bidermann lors d'une soirée fin 2013 en l'honneur de sa sœur, la chanteuse Régine. (Photo: Pure People)

Maurice Bidermann lors d'une soirée fin 2013 en l'honneur de sa sœur, la chanteuse Régine. (Photo: Pure People)

L’homme d’affaires Maurice Bidermann est une nouvelle fois traqué par le fisc français qui le soupçonne d’être un résident fictif au Maroc, alors que ses revenus proviendraient en partie de France où il échapperait pourtant à l’impôt.

En juin 2007, lit-on sur le site Mediapart, peu après les présidentielles qui mettront son ami Nicolas Sarkozy à la tête de l’État français, les services fiscaux français, qui avaient épluché ses revenus de 2003 à 2004, avaient classé leur enquête après un contrôle, ce qui un cas rare pour l’administration fiscale. «C’est plus qu’un sauf conduit, c’est une réhabilitation. Maurice Bidermann et sa femme se retrouvent totalement lavés de tout soupçon par l’administration fiscale», écrit le journaliste.

Vieux trésor

Le fisc français, qui cherchait alors son trésor caché – 120 millions d’euros de commissions reçues d’Elf Gabon dans les années 1990 et pour lesquelles il fut condamné dans le cadre de l’affaire Elf –, n’avait rien trouvé, «ni prête-nom, ni cache, ni détournement, ni fraude».  

Sept ans plus tard, les autorités françaises reviennent à l’assaut et s’intéressent aux plusieurs comptes en banque que Maurice Bidermann détient au Luxembourg. Le but étant clairement de démontrer que l’homme d’affaires est bien résident français et qu’il doit y payer ses impôts, contrairement à ce qu’il prétend. Maurice Bidermann soutient en effet résider au Maroc et en être un contribuable.

Bercy a donc sollicité fin 2013 le directeur de l’Administration des contributions directes (ACD) pour qu’il réclame la levée du secret bancaire auprès d’un établissement luxembourgeois pour retracer les flux d’argent de celui qui fut présenté comme le «roi du Sentier», du nom de la rue de Paris concentrant les ateliers de confection textile.

L’administration française s’intéresse à trois comptes auprès du même établissement financier à Luxembourg et à des mouvements de fonds qui y ont été opérés en 2010 ainsi que des opérations réalisées avec la carte bancaire American Express de l’homme d’affaires. «L’analyse de ces dépenses permettrait éventuellement d’établir la présence de M. Bidermann sur le territoire français», soutient Paris dans sa demande de renseignement aux autorités luxembourgeoises.

La piste HSBC

«Afin d’établir l’étendue des obligations fiscales en France de M. et Mme Bidermann en 2009 et 2010», poursuit la lettre, «le service a engagé à leur encontre le 23 juin 2012 une procédure d’examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle. La procédure employée est administrative et a été prorogée jusqu’au 1er mai 2014.»

La communication du fisc français précise que le couple Bidermann, toujours marié, revendiquait pour 2009 et 2010 des résidences séparées et «le statut pour chacun de résident fiscal marocain». Or, s’interrogent les agents des impôts, l’homme d’affaires effectuait «régulièrement» au cours de 2010 via un compte bancaire au Luxembourg divers virements à destination du compte de son épouse à la banque… HSBC en France. La référence à cette banque française interpelle quelque peu.

Une première demande aux Luxembourgeois fut d’ailleurs introduite en mars 2013, qui avait confirmé que Maurice Bidermann était bien le titulaire du compte en banque. Les autorités françaises ont donc introduit une seconde demande d’échange de renseignement pour éplucher plus dans le détail les flux financiers.

«D’importants virements, dont la provenance est inconnue, ont été réalisés sur les comptes luxembourgeois de M. Bidermann. Or, ces sommes pourraient constituer des revenus de source française versés sur (ses) comptes luxembourgeois (…) dans le but d’éluder l’impôt français», assure encore Bercy dans sa communication au directeur de l’ACD. 

Les agents français sont persuadés que certains virements, dont ils ignorent au stade actuel la destination, passent par des intermédiaires (individus et sociétés) pour rapatrier ni vu ni connu des fonds en France. Ils espèrent donc  beaucoup du retour des informations de Luxembourg.

Accusant les Français d’aller à la pêche aux renseignements au Luxembourg pour établir le caractère fictif de sa domiciliation au Maroc, Bidermann avait mandaté l’avocat André Lutgen pour faire opposition à la demande de renseignement provenant de Paris. Le recours au Tribunal administratif vient de se solder par un échec, les juges luxembourgeois ayant considéré que les renseignements demandés par les Français répondaient à la condition de la «pertinence vraisemblable» et que de ce fait la banque au Grand-Duché ne pouvait pas se retrancher derrière le secret professionnel ni la protection de la vie privée.