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Le style d’investissement «croissance» a largement surperformé les grands indices depuis le début de la crise financière en 2007.  

Le style d’investissement «value» issu des travaux de Benjamin Graham et David Dodd en 1934 postule que la sélection de titres décotés permet d’introduire une marge de sécurité dans la constitution d’un portefeuille d’actions. Cette approche est une source importante de surperformance. De nombreuses études empiriques ont, depuis, confirmé la supériorité de ce style d’investissement et certains grands investisseurs, au premier rang desquels Warren Buffet, se sont faits les promoteurs de cette approche.

Investissement «croissance»

Si cette approche reste valide à long terme, force est de constater que le style d’investissement «croissance» a largement surperformé les grands indices depuis le début de la crise financière en 2007 et continue de remporter l’adhésion de nombreux investisseurs. La fermeture du marché du crédit, après le défaut de Lehman en 2008, a clairement avantagé les sociétés bénéficiant d’un niveau élevé d’indépendance financière caractérisée par un faible endettement et une rentabilité des fonds propres permettant d’autofinancer leur activité.

En second lieu, la mise en place de politiques monétaires non conventionnelles et en particulier les programmes d’assouplissements quantitatifs menés dans les pays développés, ont poussé les investisseurs obligataires à trouver des alternatives sur les marchés actions. Les valeurs de croissance ont bénéficié en premier chef de ces flux d’allocation d’actifs. Enfin, les valeurs de croissance représentent souvent la figure de proue de la nouvelle économie attirant naturellement les investisseurs dans un processus de destruction créatrice visant à favoriser les sociétés implantées sur des marchés en forte croissance, et ce indépendamment des niveaux de valorisation. On remarque à ce titre que l’indice Nasdaq 100, constitué des plus grandes capitalisations boursières du secteur de la technologie aux États-Unis, a aujourd’hui regagné les niveaux atteints en 2000.

Investissement «value»

Au cours du mois d’octobre nous avons assisté, pour la première fois depuis 2009, à une période de très forte surperformance des titres «value» dans un contexte général de fort rebond des marchés actions. Alors que la Réserve fédérale américaine s’apprête à relever ses taux d’intérêt pour la première fois en six ans, faut-il anticiper une phase de surperformance du style value, au détriment des valeurs de croissance?

Les sociétés les plus décotées sont souvent actives dans des secteurs caractérisés par d’importantes surcapacités, c’est notamment le cas dans les matières premières. Le rééquilibrage de l’économie chinoise vers les services passe nécessairement par un ralentissement marqué des dépenses d’investissement et la fin du super cycle qui était à la base de l’envolée du prix des matières premières. Les approches de valorisation reposant uniquement sur les valeurs historiques des actifs tangibles (actif net) ne permettent pas d’appréhender la capacité bénéficiaire des sociétés en cas de changements structurels des conditions de marché. Si certaines sociétés apparaissent fortement décotées, elles ne sont pas pour autant constitutives d’opportunités d’investissement et il est préférable de privilégier des sociétés aux fondamentaux solides.

Compte tenu des fortes modifications du paysage économique au cours des 30 dernières années, les seules approches de valorisation basées sur les valeurs d’actifs apparaissent souvent inadaptées pour refléter fidèlement la valeur des sociétés cotées. Il est nécessaire de compléter ces approches par de nouveaux outils permettant d’appréhender la capacité bénéficiaire normative des sociétés, notamment dans les secteurs où les valeurs des marques, brevets et autres actifs intangibles sont prépondérantes.

En conclusion

Il semble que les niveaux de valorisation très élevés des valeurs de croissance ne permettent plus d’envisager une nette surperformance de ces titres au cours des prochaines années.

Néanmoins, les titres les plus décotés ne semblent pas en moyenne constituer des opportunités d’investissement pérennes. Pour paraphraser Warren Buffet, il est préférable d’acheter une société formidable à un bon prix que d’acheter une société moyenne à un prix formidable. Une approche combinée intégrant des critères de valorisation exhaustifs ainsi qu’une analyse saine des fondamentaux permet aujourd’hui de sélectionner des sociétés permettant d’envisager des niveaux de retour élevés.