Marc Saluzzi (Alfi): «Cela fait 15 ans qu’on dit que les sociétés technologiques vont révolutionner la finance. On y est, aujourd’hui !» (Photo: Olivier Minaire / archives)

Marc Saluzzi (Alfi): «Cela fait 15 ans qu’on dit que les sociétés technologiques vont révolutionner la finance. On y est, aujourd’hui !» (Photo: Olivier Minaire / archives)

Monsieur Saluzzi, comment l’industrie des fonds se positionne-t-elle par rapport au développement des Fintech, de plus en plus présent dans l’actualité?

«Cela fait 15 ans qu’on dit que les sociétés technologiques vont révolutionner la finance. On y est, aujourd’hui! Ce n’est plus la peine d’imaginer qu’on va y échapper. Ces sociétés-là vont débarquer et trouver d’autres approches pour se connecter avec l’investisseur. Si l’industrie financière ne réagit pas, les grands acteurs de demain dans la sphère financière seront les acteurs technologiques! Ils sont tous passés de la notion d'e-commerce à celle d’e-payment…

L’étape suivante est réellement l'e-finance, puisqu’à partir d’une plateforme de paiement, il est possible de proposer une solution d’investissement à l’argent qui y transite, même quelques instants par jour seulement. On l’a bien vu en Chine, avec la plateforme Alipay qui a créé, en 18 mois, le quatrième plus gros fonds du monde avec plus de 80 milliards de dollars d’actifs. Et ils ont assorti cela d’une expérience client inédite, avec des forums en ligne permettant aux investisseurs d’échanger.  

Et après l'e-finance viendra l'e-fonds, certainement plus vite qu’on ne le croit.

Comment les Fintech peuvent-elles justement se décliner au bénéfice de l’industrie des fonds?

«Nous avons quelques idées en la matière. À commencer par l’exploitation du big data que représentent toutes les informations dont nous disposons ici au Luxembourg: nous avons des promoteurs de 60 pays qui investissent dans tous les pays et toutes les classes d’actifs possibles et qui distribuent leurs produits dans 70 pays. Nous avons dans nos systèmes respectifs une masse d’informations considérable et unique, couvrant un nombre incroyable de critères et qui est intéressante à observer d’un point de vue international.

Nous sommes assis sur une mine d'or.

Marc Saluzzi, président de l'Alfi

Nous avons présenté à des professeurs d’universités américaines la nomenclature idéale qui pourrait constituer une base de données reprenant toutes ces données. Ils nous ont dit que nous étions assis sur une mine d’or! Nous avons, avec la Luxembourg School of Finance, un projet de création de base de données qui va commencer par la compilation de toutes les VNI depuis 1988. C’est un projet que nous avons initié il y a six mois et qui pourrait durer deux ans. Une fois mise en place, cette base pourrait tout à fait faire l’objet de thèmes de recherche universitaire. Mais plus largement, au-delà des sujets de recherche potentiels, toute cette masse d’informations dont nous disposons représente une valeur considérable pour le marché et les acteurs eux-mêmes. Leur traitement pourrait très bien rendre notre centre financier encore plus performant en matière de fonds d’investissement.

À côté de cela, nous pouvons également prendre position en matière de digitalisation de tous les flux financiers et de leur sécurisation, qui va représenter un enjeu majeur.

Je pense aussi à un autre volet qui concerne l’identification de l’ensemble des participants à toutes ces activités financières, que ce soit les investisseurs ou les clients. Si l’on considère l’ensemble des clients que nous avons, le nombre de pays où nos produits de gestion d’actifs, de gestion de fortune ou d’assurance sont distribués, nous sommes, là aussi, assis sur une masse de données absolument considérable. Nous pourrions nous positionner comme un hub sécurisé dans lequel tout participant à n’importe quelle transaction financière pourrait être identifié et validé au départ du Luxembourg. Il y a donc plein de défis devant nous. Et encore, je n’ai pas mentionné tout ce qui touche aux monnaies virtuelles.

Verra-t-on bientôt un fonds d’investissement libellé en bitcoins?

«Pour l’heure, je pense que cela relève davantage de l’ordre du gadget qu’autre chose, même si je sais qu’un certain nombre d’acteurs y réfléchit néanmoins.»

Retrouvez l’intégralité de l’interview de Marc Saluzzi à paraître ce jeudi dans l’édition de mai de Paperjam2.