Marc Rollinger, directeur des Ressources Humaines, Netcore PSF (Photo : David Laurent/Wide)

Marc Rollinger, directeur des Ressources Humaines, Netcore PSF (Photo : David Laurent/Wide)

Monsieur Rollinger, vous êtes DRH de Netcore, qui a récemment fusionné avec Computersystems. Elle-même a été auparavant reprise partiellement par l’Entreprise des P&T… avant une reprise complète d’ici peu. Vous avez dû avoir du travail…

« Le problème lorsqu’il y a fusion entre sociétés, c’est de s’assurer que l’on réussisse à trouver les bonnes personnes, et surtout les places qui leur correspondent. Tout ceci ne doit pas dégénérer dans une bataille, avec la question du qui mange qui : le cannibalisme n’est pas une bonne option. Il faut prendre le temps pour discuter, parler et voir les opportunités qui s’ouvrent à cette occasion.

Concrètement, j’ai envie de dire qu’il est encore trop tôt pour évaluer les résultats de la fusion entre Netcore et Computersystems ou du rachat par l’Entreprise des P&T – au moins en termes RH. Le travail à ce niveau va seulement commencer.

Je suis moi-même dans une situation particulière, faisant partie de la famille d’actionnaires historiques de la société. Il aurait pu y avoir des problèmes, mais je crois avoir choisi une loyauté envers des principes et une structure, plus qu’envers des individus… Avec les gens, je suis solidaire…
Une fusion n’est pas un jeu, c’est une balance de pouvoirs à rééquilibrer, avec une direction donnée par le management. C’est à lui d’émettre les signes nécessaires, de savoir dire stop quand les choses ne se déroulent pas bien, de faire des choix, et d’expliquer vers où l’on va.

Pour revenir sur la fusion, nous allons avoir bientôt le renfort d’un étudiant-chercheur de la Ruhr-Universität Bochum, qui travaille avec un professeur spécialiste des fusions. Il va nous permettre de faire l’évaluation, un véritable état des lieux… On pourra voir ce qui a fonctionné, ce qui n’a pas fonctionné mais que l’on peut améliorer. Et de s’intéresser à ce qui n’a pas marché, et ne fonctionnera jamais…

L’informatique est très exigeante en matière de compétences et de savoir-faire. Il faut donc réussir à s’adapter en permanence…

« Il faut effectivement prévoir et anticiper les problèmes dans ce domaine… Il est important de réfléchir à nos besoins d’ici à 2 ou 3 ans, et d’agir en conséquence. Le problème – si l’on peut utiliser ce terme – c’est que les compétences ne s’achètent pas à l’arrière d’un camion. C’est plus un travail de jardinier… Il faut connaître le terrain, planter un arbre, l’entretenir, et recueillir le fruit. Et si l’on fait bien les choses, on définit les différents fruits que l’on veut récolter, ce qui permet à tout le monde de se sentir beaucoup plus à l’aise sur sa place et son rôle. Le raisonnement est d’ailleurs identique pour notre positionnement dans le groupe : chacun doit trouver sa place, la plus pertinente possible.

On ne doit pas oublier que la formation, aujour­d’hui, ne se fait plus uniquement à l’université. Il faut rentrer dans la logique du triptyque ‘training – scoring – retraining’. C’est une tendance très claire, notamment chez les gens qui sont dans la trentaine. Ils ont un acquis professionnel, et doivent se mesurer à ce qu’est leur métier du moment. C’est un éternel recommencement, et ce d’autant plus que tout va de plus en plus vite. Il faut retravailler en permanence ses compétences. La formation doit être véritablement continue, c’est un processus perpétuel, c’est une nécessité.

On reproche souvent aux ressources humaines d’être assez peu structurées, trop légères dans leur approche… Dans une entreprise de plus de 100 personnes, il faut sûrement s’organiser ?

« Ce qui est vrai, c’est que les ressources humaines ne sont pas une science. Ni exacte, ni inexacte… Mais tout n’est pas pour autant abracadabrantesque… Nous travaillons sur l’humain, dont il faut comprendre les faiblesses. Pour ce qui concerne Netcore, la structure avec les anciens actionnaires était ce qu’elle était, mais aujourd’hui, nous sommes en train d’achever une période et de préparer la nouvelle. Cela veut dire qu’il y a beaucoup d’opportunités à saisir, et encore beaucoup de travail d’amélioration à faire.

Au quotidien, l’enjeu est de ne pas se retrouver dans des rapports conflictuels, mais nous ne souhaitons pas non plus que le consensus devienne une obsession en soi… Le compromis qui se dégage n’en est que meilleur… et il est très différent ! Il faut donc aussi prendre du temps, pour comprendre et bien définir ce dont on parle… Parfois, les oppositions sont simplement une affaire de mots. Il faut beaucoup parler, et rester humble. Il ne faut jamais humilier quelqu’un dans une discussion. Sinon, c’est comme une vague : elle revient toujours… Tout finit par revenir.

Quels sont les avantages d’une société comme la vôtre, pour attirer ou retenir vos employés ?

« Un des acquis est la sécurité que nous pouvons donner à nos employés… Les salariés peuvent être prêts à faire des compromis sur différents points, s’ils ont le sentiment que l’entreprise est gérée en bon père de famille, qu’elle est entre de bonnes mains, et qu’ils n’ont pas de grosses inquiétudes à se faire sur leur futur professionnel. Le paradoxe, c’est que cet effet, s’il n’est pas négligeable, n’est pas non plus quantifiable. Il est plus difficile de mesurer les effets d’une politique RH que dans d’autres fonctions de l’entreprise… Un vendeur a son chiffre d’affaires… Pour nous, pour un turnover donné, comment être certain qu’il est bon ou mauvais ? Quel est le bon taux ?

La culture d’entreprise et les valeurs sont souvent très marquées dans les PME, ou dans le sec­­teur technologique… Est-ce vrai ici ?

« Je n’ai­me pas parler de ‘valeur’ d’entreprise. Une valeur, par définition, cela ‘vaut’ quelque chose. Si elle vaut quelque chose, c’est qu’elle peut être remplacée par autre chose, de même valeur. Je préfère le terme de vertu. Une vertu n’a pas de valeur, elle existe pour elle-même.

Je prends un exemple : nous travaillons depuis longtemps avec l’Adem, et nous avons un accord clair avec les gens recrutés par ce biais. Nous définissons un certain nombre de conditions, et d’objectifs. Si le résultat de leur travail est conforme aux attentes, alors nous mettons un point d’honneur à leur proposer un CDI. Parmi ce que l’on peut exiger, il y a l’obtention d’une certification dans certains domaines techniques. Quelque part, l’entreprise fait un pacte avec son employé.

Un DRH n’est pas un fabricant de rêves. Il doit par contre travailler à donner un espoir, une chance, une opportunité pour ceux qui veulent la saisir. Aux interlocuteurs de remplir leur partie du contrat. À l’entreprise de donner la direction, d’expliquer ce qui va et ce qui ne va pas. Elle ne peut pas demander l’impossible, ni faire des promesses qu’elle ne peut pas tenir. À ce moment-là, il y a échange : sécurité et confiance, contre travail. Là, on peut introduire l’idée de valeur. Le travail, derrière, doit être fait avec vertu.

Je pense que des termes anciens comme la vertu ou l’honneur devraient être redécouverts, car ils ont du sens. Ils permettent d’expliquer clairement la manière dont on gère les choses, les soucis et les problèmes que l’on choisit de prendre en compte.

Certains pourraient vous taxer d’être vieux jeu… Y a-t-il d’autres pratiques que vous trouvez inadaptées ?

« Je ne suis pas un grand fan du tutoiement systématique dans l’entreprise… Je ne suis par certain qu’il apporte grand-chose. Je sais par contre ce qu’il enlève, notamment au moment où il faut dire des choses moins aimables à quelqu’un.

Regardons aussi les termes ‘jeune’ et ‘dynamique’, qui sont tellement valorisés. Lorsque l’on est jeune, on est aussi inexpérimenté. Lorsque l’on est dynamique, cela veut-il dire qu’il faut changer de patron tous les ans ?

On préfère souvent la jeunesse à la vieillesse, car elle est associée à une sorte d’énergie, mais qui pour moi est en fait de la naïveté. C’est quelque chose que l’on perd en vieillissant… La sagesse s’accompagne souvent d’une sorte de désillusion. Mais pourquoi ne serait-on plus dynamique à 50 ans ? On a encore 30 ans à vivre, avec de nombreuses choses à donner… Moi, j’en ai 36… Et soyons clair, la société est devenue particulièrement complexe. Pour avoir du succès, il faut des compétences… que l’on n’a pas nécessairement, et pas dans tous les domaines en tout cas, lorsque l’on est jeune !
Il ne faut pas prendre mes remarques pour les propos d’un pessimiste… Je refuse de croire que la formule ‘homo homini lupus’ est valable en permanence. Nous savons bien entendu être des loups, mais nous devons également protéger les brebis. Et si l’on n’a pas cette philosophie dans la gestion des ressources humaines, comment donner du sens à son action ? Si une entreprise doit faire des bénéfices, c’est pour les utiliser comme un moyen pour perpétuer le sens donné à son activité. Le bénéfice est un moyen clair et renouvelé de savoir que l’on est sur la bonne voie. »

 


Parcours - Une approche originale

Âgé de 36 ans, Marc Rollinger a commencé son parcours… par des études en histoire et histoire de l’art. Il rejoint Netcore en 2005, où il a monté et mis en place le service RH. Adepte d’une approche originale, il s’applique à lui-même ses principes de gestion : « Je travaille à mi-temps… ce qui est assez rare dans le métier. » Plutôt que la quantité, il vise la qualité de son travail. « Si la situation posait un problème, les choses auraient déjà changé… On aurait trouvé une autre personne que moi pour faire le travail. » Ce choix n’est en tout cas pas guidé par le manque d’intérêt pour son job : « J’ai choisi l’objet de mon ambition. Je n’ai pas besoin d’un plus grand bureau… Quoi que l’on fasse, on ne peut jamais dormir dans plus d’un seul lit, ou conduire plus qu’une seule voiture… »