Marc Rollinger (Netcore PSF) (Photo: David Laurent/Wide)

Marc Rollinger (Netcore PSF) (Photo: David Laurent/Wide)

Monsieur Rollinger, quels sont les grandes lignes et les grands défis de votre politique RH aujourd’hui?

«L’entreprise est en mutation depuis quelques années. L’entreprise familiale des débuts a grandi, l’actionnariat s’est diversifié et ce sont aujourd’hui les P&T qui détiennent les trois quarts des parts de Netcore, qui a absorbé Computer Systems. Depuis trois mois, tout le monde est passé sous le pay-roll de Netcore PSF. Et nous devrions être environ 130 à la fin de cette année, alors que nous venons de 80. Toute cette évolution s’est faite en douceur.

En tant que responsable des ressources humaines, je dois intégrer tout cela, de façon plus horizontale que verticale. En regroupant des sociétés, il arrive quasi inévitablement que l’on se retrouve face à des doubles emplois. Nous préférons dès lors créer des synergies, des complémentarités, bien équilibrer les compétences et les spécialités de chacun. C’est un équilibre de chaque instant, qu’il faut préserver.

Qu’avez-vous noté de plus significatif, sur le plan RH, ces dernières années?

«Je suis arrivé à ce poste en 2005. Et ce qui me paraît évident, c’est que l’on est devenu plus raisonnable. Surtout ces deux dernières années, je dirais. Les prétentions salariales ont été ramenées à de plus justes proportions. Plus personne ne se sent obligé de s’aligner sur la fonction publique. Et j’ai l’impression que le système de débauchage des talents chez les autres, dans la concurrence directe surtout, ne se pratique plus dans la surenchère. Il y a eu des dérapages. Maintenant, c’est plus calme. Cela ne se justifie plus.

Il reste néanmoins des profils très recherchés. Comment se passe l’acquisition des talents?

«Il est clair que les spécialistes et les très bons techniciens, capables notamment de suivre en permanence les certifications nécessaires et d’évoluer sans cesse dans les compétences Microsoft, tout le monde veut les avoir. Mais il n’y a pas qu’un seul profil. Nous avons des métiers différents. Et il y a aussi, dans notre façon d’appréhender le recrutement, une place pour le savoir-être à côté du savoir-faire. Si vous y ajoutez la forme de responsabilité sociale qu’a une entreprise luxembourgeoise dans un pays comme le nôtre, vous obtenez une image de notre philosophie en ressources humaines.

Dans tous les cas, nous avons besoin de jeunes gens motivés, qui ont envie d’apprendre, d’évoluer, de travailler. Nous avons un excellent contact avec l’Adem et, pour toute une catégorie de personnel, nous avons pu embaucher des jeunes par ce biais, transformant des CIE (contrats d’initiation à l’emploi) en CDD par exemple.

Pour les profils plus qualifiés, nous avons pratiquement renoncé au système des petites annonces ou des sites de recrutement aseptisés. Nous privilégions les informations venant et allant des connaissances de chacun d’entre nous, de notre réseau social, des gens que nos gens peuvent nous recommander par exemple…

La façon de «pratiquer» les ressources humaines a dû évoluer avec l’entreprise également...

«En fait, en grandissant, l’entreprise s’est retrouvée aux confins de mondes différents, mais pas incompatibles. Le nombre de collaborateurs a augmenté, en même temps que l’on passait d’une PME familiale à une PSF sous contrôle des P&T. Il faut marier la souplesse qui peut caractériser une petite structure et la rigueur que nécessite une entité importante, dans le contexte de procédures très strictes induit par le statut de PSF luxembourgeois. A mesure que l’on avance, la flexibilité n’en devient pas plus simple! Mais c’est un défi intéressant à relever.

Le turn-over est-il correct?

«Très franchement oui. Il est même très bas. Et c’est une bonne chose, preuve sans doute que nos collaborateurs se sentent bien dans leurs baskets ici. Nous avons perdu deux personnes seulement sur l’année dernière… A contrario, nous avons des gens qui travaillent ici depuis 25 ans et encore une dizaine qui ont plus de 15 ans de maison…

Doit-on rapprocher cela des avantages maison et de votre définition du «bien-être» en entreprise?

«Il y a effectivement un intérêt pour les formules qui améliorent une rémunération. L’avantage d’une voiture de société peut être prépondérant. Il s’agit de maintenir un bon niveau, concurrentiel, sans être prêt à toutes les folies qui ont connu des dérives ailleurs. Nous réfléchissons à la mise en œuvre d’un système de chèques-repas. Mais il faut également être très attentif à moduler les avantages, à les expliquer, à les différencier selon les catégories de personnel et les niveaux de responsabilité.

Nous ne voulons pas créer de sentiment d’injustice. Le dialogue est un outil qui a fait ses preuves. Il y a d’ailleurs ici une paix sociale réelle. Le travail d’un DRH est d’optimiser les ressources humaines. Et, avec les administrateurs et la direction, de trouver des solutions avant que les problèmes véritables aient le temps d’éclore. Le bien-être au travail se mesure là aussi. Les portes sont ouvertes, la mienne, celle de notre directeur général Nico Binsfeld aussi… Il faut pouvoir maintenir une organisation impeccable, efficace, tout en étant accessible aux changements et ouvert aux cas particuliers. Il y a des solutions, humaines et techniques, qui permettent d’acquérir la souplesse nécessaire.

Le développement des compétences est-il privilégié?

«Nous travaillons dans un univers très pointu, très sécurisé, où les standards sont rigoureux et où la confiance est une valeur-clé. C’est un élément incontournable. Mais si les produits font le chiffre d’affaires, ils ne font pas le bénéfice. La différence se trouve dans les services, le suivi, les compétences. La valeur ajoutée est indiscutablement apportée par le personnel. Nous sommes actifs dans une des seules branches où l’année sabbatique n’est pas possible! A la vitesse où va la technologie, on ne peut qu’avoir des gens qui s’avèrent up-to-date en permanence.

Il faut une formation permanente, une veille, des possibilités d’évolution réelles. Les processus d’évaluation et d’appréciation se structurent en ce sens, parce que, avec 130 personnes, on ne peut pas avoir un entretien individuel efficace avec chacun. La responsabilité des chefs de service et managers est donc sollicitée. Nous implémentons davantage de rigueur dans ce processus. Cette appréciation essaie d’être plus objective qu’un simple critère d’ancienneté, par exemple. On fait cela en parallèle avec la mise en place d’un organigramme plus transparent, plus cohérent. Et le rôle du DRH dans cette aventure est de structurer les évolutions pour apporter une vision complète au comité de direction

Etes-vous satisfait des candidatures que vous recevez?

«Il faut bien dire que, parfois, on peut rester perplexe devant un CV. On s’interroge sur les motivations réelles du candidat. Pourquoi n’a-t-il pas cru bon de se faire relire? Est-ce parce qu’il n’a pas trouvé quelqu’un dans son entourage pour l’aider? Sait-il où demander? Parfois, on est surpris de rencontrer des personnes en interview, qui ne prennent pas la peine de se lever ni même de tourner la tête vers une autre personne entrant dans la salle. J’ai aussi renoncé à poser trop de questions de culture générale, parce que les réponses me rendaient fou. Tout cela pour dire que la qualité de l’individu, son savoir-être, son sens des détails, c’est important. C’est aussi un respect à accorder, à l’entreprise et à l’image qu’elle véhicule, aux gens motivés qui s’investissent et font de longs déplacements pour venir travailler ici…

Quelles sont les qualités d’un bon DRH pour vous?

«Engager quelqu’un, ce n’est pas anodin. Il faut se servir de son expérience, de ses connaissances de l’être humain, et il faut donc s’intéresser aux gens pour cela. Les compétences techniques peuvent être mesurées par des techniciens et il est évident que, pour des profils pointus, ils sont à mes côtés. J’aime aussi évaluer les attitudes, autrement qu’en faisant remplir un questionnaire de base. Je ne suis pas non plus issu des écoles qui, maintenant, forment des gestionnaires de ressources humaines. Il y a à l’évidence des approches très intéressantes dans ces cursus. Mais ma formation d’historien me sert bien. Dans l’histoire, on trouve tout, ce qui a fait les grands hommes et les civilisations, les erreurs qui ont conduit aux catastrophes…

Vous avez ressenti une évolution de votre métier?

«Il est clair que l’on doit davantage fonctionner en liaison étroite avec les chefs de service, être une interface permanente entre le comité de direction et les membres du personnel. Les compétences techniques requises évoluent sans cesse également. Le niveau de responsabilités s’accroît, surtout lorsqu’il faut traverser une période de crise ou faire face à des choix stratégiques. L’ouverture doit côtoyer la rigueur, de plus en plus.

Et si vous deviez conseiller un jeune? 

«Je dirais qu’il est primordial de démontrer l’étendue de ses capacités. Et que l’on ne doit pas hésiter à donner. Le travail est un privilège. Le travail est valorisant. L’entreprise vous donne un travail. Vous donnez vos compétences de travail à l’entreprise. Chacun est payé en retour. C’est une conception qui me semble logique et saine.»

 

 

CV
Un nom avant l’entreprise familiale

 

Marc Rollinger n’a que 35 ans. DRH chez Netcore PSF, l’homme a tenu, après ses études en histoire et histoire de l’art,
à voler de ses propres ailes plutôt que de rouler d’emblée sur les rails de l’entreprise luxembourgeoise où ses parents étaient décideurs de premier plan.
Il s’est ainsi forgé une expérience de terrain en tant qu’assistant parlementaire de la députée européenne
Erna Hennicot-Schoepges, à Bruxelles, puis en tant que chargé de mission à l’Institut Pierre Werner à Luxembourg. «Ces années m’ont aussi apporté des éclairages très intéressants sur l’Europe, ses rouages et son esprit. A vivre l’Union de l’intérieur et en la mettant en perspective, on perçoit bien, par exemple, que les trois capitales européennes, Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg, ne relèvent pas du hasard. On est là sur une ligne de passage entre les cultures française et germanique, dont la fusion donne une efficacité certaine.»
Arrivé en 2005 chez Netcore, il a relevé le challenge de créer un véritable département RH dans une société en plein développement. Et il a vu passer la société de quelque 80 salariés à bientôt 130  A. D.