Marc Giorgetti, co-gérant Groupe Giorgetti. (Photo: Gaël Lesure)

Marc Giorgetti, co-gérant Groupe Giorgetti. (Photo: Gaël Lesure)

Impossible de se déplacer au cœur de la capitale sans voir apparaître, aux abords d’un grand chantier, le logo jaune et bleu de l’entreprise Félix Giorgetti. La ville est en travaux permanents et le groupe de construction familial y prend sa part. Comme il a toujours su le faire depuis que le pays a connu les développements qui en on fait une place financière de première importance. Un constat que Marc Giorgetti, co-gérant du groupe avec son frère Paul, ne renie pas. «Lorsque nous sommes entrés tous les deux dans la société, en 1986, elle réalisait un chiffre d’affaires de 20 millions. Aujourd’hui, pour l’ensemble du groupe, il est de 400 millions. Ce développement est lié à la diversification que nous avons assurée, mais aussi au développement du pays.»

Le groupe de construction compte aujourd’hui 16 sociétés, dont 11 dans le secteur du bâtiment. Deux ans à peine après leur entrée dans le comité de direction, les deux frères ont ainsi développé la société Skyliners qui loue des grues – près de 120 actuellement – pour les chantiers au Luxembourg et dans la Grande Région. «Notre père nous a confié très tôt une grande liberté d’action dans l’entreprise», reconnaît Marc Giorgetti. Aussi, à son décès, en 1996, il est prêt à prendre les rênes en tandem avec son frère. Un duo qui fonctionne toujours aujourd’hui. Marc assure les fonctions économiques et financières et est responsable de la stratégie alors que Paul prend en charge les aspects opérationnels.

Trente ans après ses débuts dans la construction, Marc Giorgetti ne regrette rien, ne changerait rien non plus à son parcours. Il continue à juger son métier «passionnant», notamment par la variété qu’il permet. «Premièrement, chaque journée de travail est différente; ensuite, tout ce que nous réalisons est à chaque fois un prototype, un nouveau challenge.» Des projets qui ne se font jamais à la chaîne, obligeant à chaque fois à se remettre en cause et à développer une solution nouvelle pour répondre à un besoin humain. «Au Luxembourg, nous couvrons l’ensemble de la palette d’infrastructures dont les gens ont besoin: des maternités, des écoles, des banques, etc. Nous apprenons énormément par rapport à la vie en général.»

La famille comme business model

Dans la carrière de l’homme d’affaires, le côté familial de l’entreprise a toujours joué un grand rôle. Il influence en tout cas le modèle de management qu’il se félicite de ne pas copier sur les grands groupes. Chez Giorgetti, les plans se font à long terme et ne sont pas influencés par des actionnaires avides de dividendes au terme de chaque exercice. «L’argent que nous gagnons, nous le réinvestissons dans l’entreprise», insiste-t-il. «Dans nos collaborateurs, notre recherche et développement, l’achat de terrains, qui constituent notre matière première, et pour notre équipement que nous voulons toujours du dernier cri.» Il pointe aussi un circuit de décision très court puisque la plupart des choix sont actés par les deux frères, sans qu’il y ait besoin de convoquer de grandes réunions.

Avoir de l’influence, c’est entre autres avoir la responsabilité sociale de 10.000 personnes, en comptant les familles du personnel et de nos sous-traitants. Mais à ce moment, on n’a plus le droit à l’erreur.

Mais cet esprit familial, selon Marc Giorgetti, se retrouve aussi dans la relation que la direction entretient vis-à-vis de ses 1.500 collaborateurs. «Nous voulons être proches d’eux et basons la relation sur la confiance. Nous accordons à chacun le pouvoir décisionnaire, la responsabilité est vraiment partagée.» Une option qui, observe-t-il, a créé de la fidélité au sein du personnel. Il observe un faible taux de rotation et relève que certaines personnes affichent 40 années de présence dans l’entreprise. «Les gens ont donc de l’expérience et le flux de travail est continu.» Et si, dans la famille Giorgetti, les générations se succèdent à la barre, c’est aussi vrai parmi les employés. Notamment parce que, avant de lancer ses offres d’emploi sur le marché, elles sont d’abord diffusées en interne. «On voit aujourd’hui chez nous des parents qui coachent leur enfant au sein de l’entreprise, ça crée des relations fantastiques.»

Quant à la famille elle-même, l’accueil des enfants de Paul (deux filles) et Marc (deux garçons et une fille) est en préparation. L’aîné de Marc est actuellement en «stage» pour un an, entre le baccalauréat et la maîtrise en architecture, et le second devrait suivre après son baccalauréat en économie. Face à l’ensemble de cette jeune génération qui devra assurer, demain, l’avenir du pays, l’entrepreneur n’est pas avare de conseils. Premiers principes pour devenir un véritable entrepreneur: se montrer très appliqué, ne pas avoir peur du travail, oser prendre des risques et savoir décider rapidement. «Les décisions doivent se prendre avec le ventre, il n’y pas de temps pour des études poussées.» Et, lorsque la décision est prise, il faut encore faire preuve de persévérance, ne pas se mettre la tête dans le sable au moindre problème, mais tout faire pour le résoudre. Quant aux diplômes, s’ils sont nécessaires, ils ne sont pas le sésame à tout. «J’accorde beaucoup d’importance à l’intelligence émotionnelle qui permet de comprendre ses collaborateurs, les produits que l’on fait et les marchés sur lesquels on agit. C’est l’harmonie de ces trois éléments qui assure le succès.»

Vents favorables

Un succès vers lequel il a su mener la société Giorgetti et qui devrait encore être au rendez-vous en 2017 sur base de perspectives excellentes. Le carnet de commandes est bien rempli. «Il faut bien avouer que, actuellement, en travaillant au niveau du marché luxembourgeois, nous ne sommes pas les plus mal lotis.» L’immobilier est en plein boom, au point que certains craignent toujours le spectre d’une bulle immobilière. Pour Marc Giorgetti, le rythme actuel de croissance ne va pas pouvoir continuer. Mais il parle d’une stabilisation, pas d’un recul. Et le calcul est simple dans la mesure où 10.000 nouveaux résidents sont encore enregistrés par an et que le pays est en manque de logements. Pour lui, un Luxembourg à un million d’habitants dans une vingtaine d’années est une hypothèse plausible. «Ce qui veut dire qu’il y aura toujours besoin de nouvelles écoles, d’hôpitaux ou de centrales d’épuration.»

L’optimisme pour son métier, il le transpose à l’échelle du pays. «Je me réjouis de voir le gouvernement regarder plus loin pour le développement du Luxembourg.» Il pointe notamment l’étude Rifkin qui, «si elle ne donne pas explicitement des solutions pour l’avenir, ouvre en tout cas les horizons». À plus court terme, Marc Giorgetti considère aussi favorablement la volonté des dirigeants actuels de prendre des mesures pour diversifier l’économie du pays. «Le gouvernement investit dans les infrastructures et essaie, en parallèle, de développer le secteur industriel. C’est certainement une bonne chose de ne pas voir que les banques.»

Le lauréat du Paperjam Top 100 ne reniera en tout cas pas une stratégie de diversification qu’il a lui-même appliquée à sa propre entreprise. Comme nous l’esquissions plus haut, le groupe Giorgetti est aujourd’hui une mini galaxie de sociétés. Elle va d’une entreprise de développement en logistique à Dubaï à une carrière de gravier près de Liège qui lui permet de fournir sa filiale Cajot, spécialisée, elle, dans l’asphalte. Les deux frères ont aussi fait leur entrée sur le marché de la restauration au Luxembourg en prenant le contrôle de la société Concept & Partners. Et, un peu pour se faire plaisir en passionné de voile qu’il est, il a aussi investi dans la construction de voiliers. Le groupe est désormais à la tête de deux chantiers de construction en Italie. Un pour le compte du fabricant Wally, qui passera prochainement de 35 à 70 bateaux de luxe par an, un autre pour la société Solaris, dont le groupe luxembourgeois est actionnaire. Comme quoi on peut à la fois aimer couler du béton et des jours heureux à flotter au large de la Méditerranée.

L’avis du président du jury:

«Cest larchétype de lentrepreneur familial luxembourgeois qui contribue à tous les grands ouvrages du pays et dailleurs. Cest un entrepreneur au sens propre: celui qui développe, qui prend de nouvelles décisions, quitte à prendre des risques personnellement.»

CV express

  • Né le 19 août 1961 à Luxembourg
  • Diplôme de l’École des cadres de Paris, spécialité gestion des petites et moyennes entreprises
  • Gérant de sociétés au sein du groupe Félix Giorgetti depuis août 1986
  • Membre du conseil d’administration du Groupement des entreprises de construction au sein de la Fedil
  • Membre du conseil d’administration de la société BIP Investment Partners depuis mai 2005
  • Membre du conseil d’administration de la Compagnie Banque Privée depuis 2007
  • Loisirs: voile, photo

guide.paperjam.lu/marc-giorgetti