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Les constructions à haute efficience énergétique sont encouragées par le gouvernement. L'architecte se voit confronté au défi de développer un nouveau type d'architecture.

Le nouveau règlement grand-ducal sur les aides (voir en page 121) en faveur des économies d'énergie et de l'utilisation des énergies renouvelables, d'août dernier, a revu à la hausse les subventions à l'égard des maisons basse énergie et passives, dont les premières réalisations sont apparues en 2000. Il faudra compter à l'avenir sur ces constructions et sur l'assainissement des anciennes bâtisses pour espérer réduire notre consommation d'énergie et, de la même manière, nos émissions de CO2.

D"après le ministre de l'Environnement, 64 maisons de ce type ont déjà été subventionnées et quelque 500 logements sont attendus dans les prochaines années. Les architectes peuvent sans doute y voir une aubaine, mais surtout un défi à relever en matière d'innovation et de conception.

"Quand on parle d'économie d'énergie, on a tendance à faire le lien avec l'écologie et on l'associe très souvent au bois", constate Claude Schmitz, architecte du bureau Schmitz & Hoffmann, actif dans les constructions basse énergie et passives. Et Louis Weisgerber, du bureau du même nom, d'ajouter: "Il faut que les gens sachent que les maisons basse énergie ne sont pas forcément des constructions en bois ou des chalets, mais que l'on peut réaliser des habitations contemporaines. Le challenge pour l'architecte est de développer un nouveau type d'architecture basé sur les nouvelles normes techniques qui visent à économiser l'énergie. Comment intégrer de manière intelligente les panneaux solaires, faire en sorte que les éléments techniques deviennent partie intégrante de l'architecture et que l'on n'ait pas honte de les montrer, sont autant de challenges".

Formation

Le thème de la construction efficiente intéresse de plus en plus, c'est ce que constate l'OAI, l'Ordre des Architectes et Ingénieurs-conseils, qui organise des cycles de formation avec le ministère de l'Environnement. "Je pense qu'au niveau politique, au sein des ministères, [>>ù120] [ù118 >>] ils ont appris beaucoup ces dernières années. Ils prennent régulièrement contact avec l'OAI lorsqu'ils travaillent sur un nouveau règlement", constate M. Weisgerber.

Le Luxembourg accuse un retard certain par rapport à l'étranger. "L'Allemagne a commencé, il y a 10-12 ans, à construire des maisons basse énergie", ajoute-t-il. "En Autriche, dans la région située entre l'Allemagne et la Suisse, 60% du volume construit se fait selon le principe de la basse consommation d'énergie", précise M. Schmitz. Au Luxembourg, le premier projet du genre s"est concrétisé fin des années 90, avec le bâtiment-vitrine de l'Agence de l'Énergie à Remerschen.

Rapport qualité/prix

La différence entre maison passive et basse énergie est très claire, elle est fondée sur la consommation annuelle des maisons. Cependant, le terme "passif" se veut quelque peu trompeur dans la mesure où cette maison nécessite tout de même un chauffage d'appoint pour certaines périodes hivernales et qu'elle consomme 30 kWh au m2 par an. Une maison basse énergie consomme, elle, 60 kWh au m2 par an, alors qu'une habitation traditionnelle en utilise entre 100 et 120 et les anciennes bâtisses entre 180 et 200.

Pour l'heure, on trouve très peu de maisons unifamiliales passives, car plus on tente de diminuer la consommation d'énergie et plus l'effort constructif, financier et technique devient important. "Si on veut une vraie maison passive, qui ne consomme rien, on atteindra des coûts de construction énormes. Globalement, pour notre pays, cela a plus de sens de pousser à construire des habitations basse énergie", conseille M. Schmitz.

à titre de comparaison, une maison basse consommation d'énergie - comportant un système de ventilation contrôlé, un double vitrage normal avec couche de gaz intégrée et des châssis de fenêtre à double joint -, engendre un surcoût de 15% par rapport à une maison neuve bien construite. Un investissement amorti, en fonction du prix du pétrole, sur une durée de 10 à 15 ans.

Quant à la maison passive - qui nécessite un triple vitrage, une isolation des murs qui passe de 15 à 30 cm et des techniques de construction plus complexes et onéreuses -, le surcoût atteint 25 à 30% et son amortissement dépendra du type d'utilisation. Cependant, ces écarts devraient s"amenuiser avec le temps. Le marché réagit très vite aux nouvelles tendances et, si la demande augmente, les prix diminuent.

"Le potentiel d'économie est nettement supérieur dans les grands bâtiments que dans les maisons unifamiliales. Il faut que tous participent, autant les privés, qui sont encouragés par les subventions, que les pouvoirs publics ou les entreprises", ajoute-t-il. Les deux architectes estiment que l'État et le secteur public ne font pas grand-chose pour se doter de bâtiments à haute efficience énergétique. "Le problème réside au niveau de la discussion politique. Il faut une administration communale ouverte. Nous devons travailler au niveau de la sensibilisation. Beaucoup de gens fréquentent les maisons communales, qui pourraient être des vitrines et inspirer les citoyens", donne en exemple M. Schmitz.

Et ce dernier d'émettre l'idée de travailler en amont de la construction d'une maison, lors de la réalisation du PAP, le Plan d'Aménagement Particulier. Il assure qu'en intervenant déjà à ce niveau-là, en étudiant l'orientation d'un pâté de maisons et en optimisant ainsi au maximum le potentiel de l'énergie solaire, l'économie pourrait déjà s"élever à 10 ou 15%.

Condensé de chaleur

Une fois la construction réalisée, afin de prétendre aux subventions offertes par l'État, l'étanchéité du bâtiment doit encore être prouvée par un organisme de contrôle - tel que Luxcontrol. Le bâtiment sera mis sous pression pour repérer les failles éventuelles et les points faibles. Avec ce certificat et un calcul précis du niveau de l'isolation de l'enveloppe du bâtiment et de sa consommation présumée, le label basse énergie ou passif est décerné. "L'orientation des pièces ne permet d'économiser de l'énergie qu'en élaborant un bon concept de la maison. Le garage constitue un autre atout sur lequel on peut jouer, en le sortant et en l'isolant de la maison', explique M. Schmitz. Par ailleurs, pour ceux qui n'envisageraient pas d'investir dans une chaudière à pellets (voir aussi en page 124) - environ 10.000 euros dont 4.000 subventionnés - quelque peu volumineuse, la chaudière à condensation constitue un bon compromis.

Cette chaudière utilise la chaleur comprise dans les gaz de combustion, qui, autrement, s"échappe par la cheminée. Ces gaz sont refroidis par des échangeurs de chaleur afin que la vapeur d'eau qu'ils contiennent se condense. La chaleur ainsi récupérée est injectée à l'eau de chauffage. Par rapport à une chaudière à basse température classique, on peut atteindre une augmentation du rendement annuel allant jusqu'à 14%. Elle est plus écologique dans le sens où son

rendement, qui atteint les 95%, est meilleur. Les gaz de combustion des chaudières à condensation nécessitent toutefois la mise en place d'une cheminée spécifique mais grâce au circuit fermé, la porte coupe-feu devient superflue. Ses dimensions sont également avantageuses, ce qui laisse entrevoir des possibilités d'en faire un élément de design qui aurait sa place dans le salon.