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Jérôme Grandidier (ici à gauche avec Jean-Claude Bintz): «Nous ne nous considérons pas comme étant un concurrent des P&T.» 

D’ici au 2 mai 2011, Luxembourg Telecom aura disparu du paysage ICT luxembourgeois, remplacé par… Telecom Luxembourg. Un changement de nom consécutif à une décision de justice récemment rendue par la Cour d’appel et qui entre en vigueur la semaine prochaine.

Petit retour en arrière. En septembre 2009, l’intégrateur SIT Group devenait un opérateur de télécommunications alternatif et changeait de nom en Luxembourg Telecom. Une appellation que l’Entreprise des P&T lui a toujours contestée, estimant une confusion possible pour tout observateur.

Du coup, l’opérateur historique n’avait pas tardé à porter l’affaire devant les tribunaux, attaquant Luxembourg Telecom à la fois pour concurrence déloyale et pour publicité trompeuse dans l’utilisation de sa raison sociale qui, en l’occurrence, était également son nom commercial.

En juillet 2010, un premier jugement du tribunal d’arrondissement ne reconnut pas le grief de «concurrence déloyale», mais établit que l’utilisation du signe «Luxembourg Telecom» constituait une publicité trompeuse dès lors qu’il fait penser que l’on se trouve face à un opérateur avec une participation de l’Etat, voire face à l’opérateur historique. De fait, il avait ordonné à Luxembourg Telecom de cesser d’utiliser ce nom, mais n’avait pas suivi jusqu’au bout la demande des P&T d’interdire aussi les appellations «similaires» Luxtelecom et Lux-Telecom.

Saisi par les deux parties, la Cour d’appel a non seulement confirmé la décision prise en première instance, mais a également étendu l’interdiction d’utilisation de la variante «Luxtelecom» (quelle que soit sa forme orthographique), qui constitue également, à ses yeux, une publicité trompeuse.

Management remanié

Telecom Luxembourg, appuyé par son actionnaire BIP Investment Partners (qui détient 35% du capital), devrait, selon toute vraisemblance, se pourvoir en cassation. Mais l’opérateur a évidemment pris acte de cette décision, tout en la regrettant. «Mais nous ne nous considérons pas comme étant un concurrent des P&T, plutôt un opérateur complémentaire», explique Jérôme Grandidier, CEO de la société qui a tout de même pris, en un an et demi d’existence, une certaine part de marché.

«Toute société qui a besoin d’utiliser des accès data se doit de faire appel à deux opérateurs pour assurer une redondance. Ils en veulent parfois même trois! Ce n’était pas possible par le passé lorsqu’il n’y avait que l’opérateur public qui était actif. Cela a d’ailleurs dissuadé certains grands acteurs internationaux de s’installer au Luxembourg. Aujourd’hui, il est dans l’intérêt du pays qu’une société locale, disposant d’actionnaires locaux, occupe la place pour travailler en parallèle aux P&T, en attendant que d’autres grands opérateurs internationaux ne viennent aussi sur ce marché.»

Au Grand-Duché, Telecom Luxembourg, s’appuyant sur le réseau de LuxConnect, a déployé quelque 2.000 km de connexions par fibre optique, et a interconnecté tous les datacenters du pays entre eux par une boucle qui lui est propre. Mais ses ambitions ne s’arrêtent évidemment pas là et la société est en train de se mettre en ordre de bataille – et pas uniquement en ordre des mots – pour aller au-devant de ses ambitions. Cela commence par les structures opérationnelles avec l’arrivée de Philippe Bruneton, un ancien de chez Deloitte (où il fut COO et senior partner) aux fonctions de CFO. Quant à Vincent Nicolay, le COO, il rejoint également un conseil d’administration dont la présidence est désormais assurée par Jean-Claude Bintz.

Des vues sur le mobile

Le retour aux affaires de celui qui, en son temps, fonda Tango, puis Voxmobile et en assura la vente à Mobistar, n’est pas étonnant, puisqu’il était «membre invité» de ce même conseil d’administration depuis un an. Il en prend les rênes avec des ambitions de croissance liées directement à une restructuration du capital en cours de finalisation. «Nous étudions toujours les moyens de grandir par croissance externe, explique M. Bintz. Nous voulons non seulement poursuivre le développement de nos activités fibres, mais aussi de notre activité datacenter, en sachant que nous avons signé l’année dernière la majorité des nouveaux contrats de nouveaux clients au Luxembourg. Mais nous voulons également développer avec les partenaires locaux une approche one stop shopping permettant de fournir, sur un même pôle, l’ensemble des services télécom, datacenter et managed services.»

Et le mobile? SIT Group y avait goûté du bout des lèvres en 2007 dans le cadre d’un partenariat avec Voxmobile (alors dirigé par Jean-Claude Bintz), mais sans réel développement. «Nous sommes en train de développer une stratégie innovante très intéressante», assure aujourd’hui le nouveau président du conseil d’administration.

 

L’AVIS DES P&T - «La fin de la confusion»

L’Entreprise des P&T ne souhaitait pas, dans un premier temps, commenter officiellement la décision de la Cour d’appel avant la date d’entrée en vigueur de cette décision, c’est-à-dire le 2 mai. Mais elle a tout de même communiqué à paperJam une brève prise de position:
«La Cour d’appel de Luxembourg a rendu le 2 février 2011 son arrêt dans l’affaire que l’Entreprise des P&T avait introduite contre l’utilisation des noms ‘Luxembourg Telecom’ et ‘Lux Telecom’ par la société Luxembourg Telecom S.A.. L’Entreprise des P&T estimait que cette pratique commerciale est déloyale dans la mesure où ces noms suggèrent que ‘Luxembourg Telecom’ est un opérateur public dans le domaine des télécommunications ou, du moins, bénéficiant d’un appui direct ou indirect de l’Etat. Dans son arrêt, la Cour a confirmé l’ordonnance intervenue en première instance statuant que ‘par la construction particulière de sa dénomination sociale, calquée sur celles des opérateurs historiques étrangers, la société LUXEMBOURG TELECOM induit ainsi en erreur le public auquel elle s’adresse. En conséquence, la Cour a interdit à Luxembourg Telecom d’utiliser dans l’exploitation de son activité le signe «LUXEMBOURG TELECOM», y compris sa variante «LUXTELECOM». Cette interdiction commence à courir à partir du 2 mai 2011, ce qui est également la date ultime pour Luxembourg Telecom d’introduire un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel. L’Entreprise des P&T se félicite de cet arrêt qui met fin à une confusion qui existait dans l’esprit du public-cible de Luxembourg Telecom, confusion confirmée par une étude de TNS Ilres.»