Les investissements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre seront colossaux. (Photo: Licence CC)

Les investissements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre seront colossaux. (Photo: Licence CC)

Pas moins de 1.000 milliards de dollars. C’est, selon l’Agence internationale de l’énergie, la somme qu’il faudra investir chaque année dans les technologies bas carbone pour espérer limiter le réchauffement de la planète à 2°C d’ici 2050. Des investissements gigantesques, donc, qui devront peut-être encore être revus à la hausse.

La conférence de Paris sur le climat a en effet abouti pour la première fois à un accord contraignant, en décembre 2015, et s’est montrée encore plus ambitieuse en parlant d’efforts à réaliser pour ne pas dépasser une hausse de 1,5°C. Des montants de cette taille devront pouvoir être répartis entre les États et les entreprises privées. Pour ces dernières, ces défis représentent d’ailleurs une réelle opportunité de développer de nouveaux secteurs d’activité à l’avenir prometteur.

Encore faut-il pouvoir les aider à réunir les fonds pour lancer ces nouveaux développements, qui feront appel, bien souvent, à des technologies inédites. C’est là que le Luxembourg peut avoir un rôle important à jouer, en créant des voies pour faire transiter plus facilement l’argent des investisseurs vers les concepteurs de projet. «Nous voulons faire de Luxembourg une place financière verte», a ainsi répété à plusieurs reprises, en septembre, le ministre des Finances, Pierre Gramegna. Plusieurs outils viennent d’ailleurs d’être mis en place tout récemment, au niveau de la Bourse de Luxembourg et de l’industrie des fonds d’investissement, pour concrétiser cette ambition.

Le 23 septembre dernier, Luxflag, l’agence chargée de décerner des labels aux fonds d’investissement, a lancé son nouveau label «climate change». Une certification qui pourra être décernée, après une enquête approfondie, aux fonds dont 75% au moins des investissements concernent des activités destinées à atténuer ou à s’adapter au changement climatique. «Ce label est un grand pas par rapport à la volonté du pays de s’impliquer vis-à-vis des objectifs définis lors de la COP21 de Paris», commentait alors Annemarie Arens, directrice générale de Luxflag.

Donner des garanties

L’objectif de ce label est de rassurer les investisseurs quant à la destination de leur investissement. On ne parle pas ici d’une touche verte cosmétique, mais bien d’un processus de fond qui devra se mériter. Un outil qui devrait convaincre l’industrie concernée: Denise Voss, la présidente de l’Alfi, insiste en effet régulièrement sur l’opportunité que représentent les besoins de financement du changement climatique pour le secteur.

En 2007, nous étions un des tout premiers au monde à avoir fait le pari de la finance climatique avec ce fonds.

 Olivier Rouget, founding partner de Nevastar Finance

«C’est un processus extrêmement sérieux, nous avons avant toute chose dû répondre à un questionnaire de 100 pages par rapport au fonds que nous souhaitons certifier», explique Olivier Rouget, founding partner de Nevastar Finance. Avec trois autres sociétés, elle fait partie des pionniers qui revendiquent déjà l’obtention du nouveau label. «En 2007, nous étions un des tout premiers au monde à avoir fait le pari de la finance climatique avec ce fonds», pointe le responsable de Nevastar. «Nous n’avons d’ailleurs guère dû faire d’adaptations pour lui permettre de rentrer dans les critères de Luxflag.»

Dans un premier temps, il juge que ce rôle d’avant-gardiste permettra d’utiliser ce label comme un outil marketing pour se différencier des fonds classiques. Mais il sait que ça ne durera pas et que, un jour, c’est ne pas pouvoir faire valoir ce genre de label qui sera négativement discriminant. «Après la phase scientifique, le secteur climatique entre clairement dans la phase du financement», insiste Olivier Rouget. «Et on voit que les investisseurs montrent un intérêt toujours croissant.»

La COP21 a changé beaucoup de choses au niveau de la sensibilisation des États.

Robert Scharfe, le CEO de la Bourse de Luxembourg

Ce label, en rassurant les investisseurs, devrait donc donner de nouveaux moyens aux sociétés qui cherchent des solutions dans les énergies renouvelables, l’efficience énergétique, voire des technologies que personne n’imagine encore actuellement.

Au cours de l’automne, probablement dans le contexte de la COP22 de Marrakech, entre le 7 et le 18 novembre, la Banque européenne d’investissement et le gouvernement luxembourgeois devraient annoncer la mise en place d’une «plateforme commune sur la finance climatique». Peu de détails ont filtré sur cette initiative. Son objectif serait de financer des projets innovants, à fort impact dans la lutte contre le réchauffement, en y associant des partenaires privés.

Basée à Luxembourg, la BEI a d’ailleurs joué un rôle important pour faire du pays un acteur important de la finance verte. En juin 2007, c’est déjà elle qui a lancé la première obligation verte – au monde! – au départ de la Bourse de Luxembourg. Ces green bonds, dédiés aux investissements en faveur de l’environnement, se sont depuis popularisés, mais l’institution boursière grand-ducale reste toujours solidement leader en la matière avec un chiffre de 114 obligations vertes émises actuellement pour un total de 45 milliards de dollars.

Une première mondiale

Mettant à profit son rôle de défricheur, le Luxembourg Stock Exchange a pris de court les acteurs de la finance internationale, en lançant, le 27 septembre dernier, le Luxembourg Green Exchange (LGX). De quoi s’agit-il? De la première bourse verte au monde. Une plateforme sur laquelle ne seront admis que les projets 100% verts. «La COP21 a changé beaucoup de choses au niveau de la sensibilisation des États», observe Robert Scharfe, le CEO de la Bourse de Luxembourg. «Dans sa préparation et à la suite des résultats obtenus.»

Il observe ainsi que c’est surtout au cours des deux dernières années que les green bonds se sont multipliés au niveau international. D’après les statistiques du Climate Bonds Initiative, le total collecté à travers cet outil a véritablement décollé en 2014. L’an dernier, il a battu un nouveau record à 42 milliards de dollars, déjà effacé cette année avec un total atteint début octobre de 54,4 milliards. Et ce n’est sans doute pas fini. Toujours selon le Climate Bonds Initiative, la récolte en 2016 devrait dépasser 100 milliards de dollars.

On reste évidemment loin des besoins recensés. Actuellement, si on regarde au niveau de la bourse grand-ducale, on constate que ce sont surtout les banques nationales ou internationales de développement qui restent les principaux émetteurs. «Il faut désormais convaincre les émetteurs privés (banques et entreprises) de l’intérêt de ces outils verts de financement», insiste Julie Becker, membre du comité exécutif de la Bourse de Luxembourg. Aujourd’hui, ils se montrent encore peureux, craignant que les exigences environnementales leur créent des coûts supplémentaires. Quant aux investisseurs, ils craignent à la fois que les investissements verts soient moins rentables et, surtout, qu’ils ne soient verts qu’en façade.

C’est un des objectifs du Luxembourg Green Exchange, les rassurer sur la qualité des papiers émis à travers des exigences de reportings très contraignants. «Nous avons érigé les meilleures pratiques du marché en critères obligatoires», précise Julie Becker, qui insiste sur la transparence dont bénéficie désormais l’investisseur. C’était une étape nécessaire pour un développement plus rapide de la finance verte, qui séduit, mais doit encore convaincre. La place financière grand-ducale vient en tout cas de poser de solides pierres pour consolider l’édifice.

LuxFlag Climate finance
Un label exigeant
Après avoir lancé un label pour la microfinance, un pour l’environnement et un pour les investissements responsables, Luxflag lance donc son quatrième outil de certification pour distinguer les fonds qui promettent d’investir en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. Pour y avoir accès, ils devront prouver que 75% minimum de leur portefeuille d’investissement est bien composé d’actifs orientés sur la lutte climatique. Mais, même pour les 25 autres pour cent, il existe aussi des critères d’exclusion. Pas question, par exemple, de prendre des actions de sociétés pétrolières qui ne seraient pas convaincues des preuves scientifiques de réchauffement.

Le candidat devra aussi décrire précisément ses objectifs, mettre en place un système de mesure et publier un reporting détaillé sur une base annuelle. Le gestionnaire doit enfin prouver une approche éthique selon les critères ESG (environnement – social – gouvernance) et viser un retour sur investissement. Son dossier passera entre les mains d’un comité d’éligibilité indépendant.

Luxembourg Green Exchange
Des preuves à fournir
La nouvelle plateforme dédiée aux investissements verts lancée par la Bourse de Luxembourg a pour premier objectif de rassurer les investisseurs quant au côté réellement environnemental de leurs placements. Elle a donc placé la barre très haut au niveau des critères d’éligibilité. Premièrement, il est exigé d’eux que les fonds soient exclusivement utilisés pour le financement ou le refinancement de projets 100% verts. L’émetteur devra aussi fournir une analyse préalable à l’émission réalisée par un tiers indépendant ainsi que des rapports «ex-post», sur base annuelle, à partir de la cotation pour détailler l’utilisation des moyens obtenus. Des critères d’exclusion pour les projets ont aussi été fixés. Ils ne peuvent pas concerner l’énergie nucléaire, les énergies fossiles, le charbon propre, avoir recours à des tests sur les animaux ni mettre en danger les espèces menacées.