Luxembourg ne se cherche pas un passé, mais un futur dans l’Islam.  (Montage: Maison Moderne)

Luxembourg ne se cherche pas un passé, mais un futur dans l’Islam.  (Montage: Maison Moderne)

Ils étaient plus de 300 participants au IFN Europe Forum ces mercredi et jeudi entre la Chambre de commerce et le Hilton. Issus de différents horizons, ces avocats, banquiers et autres apporteurs d’affaires ont notamment pu y écouter le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna, s’exprimer sur ce qu’il perçoit désormais comme l’un des principaux canaux de diversification de la Place: la finance islamique.

Le meilleur exemple de ce soutien est l’engagement du gouvernement dans la mise en place d’une obligation d’État conforme à la charia. Après quelques atermoiements, le projet de loi portant création du sukuk luxembourgeois devrait être adopté durant la session parlementaire de juillet.

Le Grand-Duché était en concurrence avec le Royaume-Uni pour devenir le premier État non musulman à lever un emprunt obligataire conforme aux préceptes de l’Islam. Si la course semble être perdue, le Luxembourg (ou en tout cas ses autorités politiques) garde espoir de figurer en bonne place dans les destinations de prédilection des investissements en provenance du Golfe et d’autres pays islamiques.

Neil Miller, responsable du sujet «finance islamique» au sein du cabinet d’avocats Linklaters, indique d’ailleurs que le pays reste l’une des places financières européennes les plus compétitives en la matière.

Dublin vs Luxembourg

Si Londres reste loin devant du fait de son statut de référence comme centre financier européen et international (il y aurait déjà six banques islamiques), Luxembourg est aussi en concurrence avec Dublin pour proposer des solutions de structuration, de domiciliation de fonds ou encore de cotation.

Selon l’avocat, la capitale irlandaise attire pour ses avantages fiscaux et les compétences de ses prestataires de service; Luxembourg davantage pour sa situation centrale et son expérience dans la distribution transfrontalière.

La capitale anglaise avait été préférée pour servir plus facilement en dollars (ce qui évite le risque de monnaie pour les investisseurs du Golfe) et être davantage épargnée par la crise de la dette dans la zone euro, celle-ci semble se tasser. La fenêtre d’opportunité pour le Luxembourg s'ouvrirait ainsi.

Il est clair que l’Europe, du fait de sa composition démographique et religieuse, aurait tout intérêt à servir le marché islamique. De même, le Luxembourg pourrait se servir de la finance islamique pour attirer de nouvelles personnes fortunées et de nouveaux IDE (investissements directs à l’étranger).

Encore du travail de fond

Neil Miller partage d’ailleurs l’avis que le Luxembourg devrait continuer à faire la promotion de ses compétences en la matière. L’organisation – par la société spécialisée Red Money – en 2014, mais aussi en 2015, de cet IFN Europe Forum y participe.

Mais il reste beaucoup de travail de fond à effectuer pour faciliter une coopération durable entre les institutions financières du monde islamique et celles du Vieux continent, notamment dans le domaine fiscal, comme le précise M. Miller. Les frottements fiscaux constituent l’épouvantail de la finance islamique. L’intérêt étant proscrit, les banques doivent acquérir le bien pour le céder à leur tour au client (en se servant une marge bien sûr), il faut donc éviter qu’il soit taxé deux fois.

Le Luxembourg devrait par ailleurs connaître un développement significatif dans ce domaine avec la prochaine création d’Eurisbank. Le dossier du projet de banque islamique porté par Ammar Dabbour devrait être bientôt traité par la CSSF.

Luxembourg ne cherche pas un passé, mais un futur dans l’Islam.