Sylvain Boucherat (Luxballoon) :« Tout le monde pensait que les ballons étaient exclusivement dédiés aux enfants. »   (Photo : Olivier Minaire)

Sylvain Boucherat (Luxballoon) :« Tout le monde pensait que les ballons étaient exclusivement dédiés aux enfants. »   (Photo : Olivier Minaire)

Avec Luxballoon, Sylvain Boucherat confère à sa société événementielle un vecteur de différenciation sur un segment déjà bien occupé. D’abord gérée prudemment ses premières années, la société franchira en 2012 un nouveau palier de croissance.

Le marché de l’événementiel est éminemment concurrentiel au Grand-Duché. Le fourmillement généré par les institutions européennes et les nombreuses sociétés liées au secteur financier font croire en une demande quasi inextinguible pour ce qui relève de l’organisation d’agapes en famille ou entre collègues. Mais la faillite d’Events & More, déclarée en juillet 2011, rappelle qu’une comptabilité et une administration saines se posent en pré-requis. La société dirigée par Stéphane Mockels avait accumulé, en 2009, 830.000 euros de dettes.

Sylvain Boucherat, CEO et fondateur du groupe éponyme, en sait quelque chose. Il a perdu, comme beaucoup, quelques plumes dans la débâcle de son partenaire d’affaires. Alors pas question de faire le pitre une fois la fête finie. Le jeune entrepreneur, qui n’hésite pas à chausser son nez rouge si besoin, a pris le parti de ne pas s’endetter, du tout.

Pour les premières heures de sa société d’organisation de fêtes pour enfants, spécialisée dans les ballons, il a choisi une stratégie défensive, en bon père de famille. En 2005, l’embryon de start-up démarrait avec de tout petits moyens. « Je vivais dans mon bureau », explique celui qui, en même temps, œuvrait en qualité de consultant au casino de Mondorf. Cependant, le business model restait un peu flou. « Tout le monde pensait que les ballons étaient exclusivement dédiés aux enfants. » En 2007, la création de la marque Luxballoon devait donc clarifier les choses.

Elle complétait les activités de loisirs pour enfants offertes par Animakids, autre branche du groupe Boucherat. Luxballoon commercialise des ballons publicitaires imprimés, des ballons personnalisables, des bouquets de ballons (pour les personnes hospitalisées notamment), soit des déclinaisons quasi aussi nombreuses que les recettes de crevettes de la Bubba Gump Shrimp Company…

La société a d’abord avancé à tâtons. Son chiffre d’affaires a crû de 20 à 30 % en moyenne entre 2007 et 2011. Mais la direction, un peu bohême, a toujours accordé l’essentiel de son attention aux spectacles, plus qu’à l’envers du décor. Tous les bénéfices étaient réinvestis dans l’achat du matériel, comme les structures gonflables ou les costumes. De même, les employés ont toujours été recrutés pour leur polyvalence. Ainsi, l’infographiste sort de l’écran pour être aussi sculpteur de ballons, animateur anniversaire et magicien.

Mentoring pour une deuxième naissance

Et le bouche à oreille est décidément efficace au Luxembourg. La société doit accepter de plus en plus de contrats, notamment pendant les fêtes de fin d’année. Les intermittents engagés régulièrement et formés pour les événements – les Saints-Nicolas ont été spécialement préparés pour ne pas faire peur aux enfants – sont suppléés si besoin par le staff permanent de Luxballoon, dans les périodes de forte demande.

L’entreprise jouit également d’une belle renommée glanée lors du concours Creative Young Entrepreneur Luxembourg (CYEL) 2010, organisé par la Jeune chambre économique du Luxembourg, et durant lequel Sylvain Boucherat a obtenu le « coup de cœur » du jury.

Mais la deuxième naissance de la start-up est davantage liée à son inscription au programme Business Mentoring initié par la Chambre de Commerce, visant à guider les entrepreneurs dans leurs premiers pas. « Quand on est chef d’une petite structure, on n’a personne à qui parler. Nos collaborateurs ne sont pas objectifs. » Pour le manager en herbe, le programme permet d’avoir un avis extérieur à l’entreprise. Le modèle d’affaires est jugé sans émotion et le mentor peut cerner les lacunes.

« Après avoir atteint une certaine taille, les structures back-office n’étaient plus assez performantes », confie le chef d’entreprise. Le groupe s’est développé de manière un peu anarchique et la division du travail n’a pu être parfaitement établie. Alors, sur avis du mentor et afin de franchir un nouveau palier, la société va déballer des cartons un certain nombre de projets.

L’entrepreneur réorganise l’ensemble des marques autour de la société faitière. En plus de Luxballoon, Animakids rassemble déjà les activités événementielles pour les enfants et, début 2012, le Party Shop aura la vocation d’un front office. Basés rue de Hollerich, ses 230 m2 offriront un espace de vente pour les ballons personnalisés, les kits de fête thématique ou les produits utilisés dans le cadre des activités routinières. S’y trouveront aussi un service conseil et animation, avec magie, clownerie ou maquillage au programme.

Sylvain Boucherat est convaincu que le business model suivi est le bon. La niche des ballons liée à l’événementiel est peu occupée au Grand-Duché. Le support offre, selon lui, de la visibilité, du volume et du nombre pour un prix minime. « En street marketing, c’est ce qu’il y a de moins cher et de plus visuel », dit-il.

Le groupe se sert de Luxballoon comme tremplin pour ses autres activités événementielles, plus traditionnelles. L’entreprise a récemment travaillé pour les conférences de l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement ou la fête des salariés d’Auchan. Elle sait s’adapter à tous les types de demande grâce à un programme à la carte, « pour des prix raisonnables », dit-on.

Un business model malléable

Forte de sa notoriété et de son retour d’expérience, Luxballoon se permet même de sélectionner ses clients. « Depuis les faillites de différentes agences, nous essayons de limiter le nombre de nos partenaires événementiels, de demander des acomptes. » Si le gros de la clientèle de Luxballoon est composé de sociétés qui ne souhaitaient pas passer par des agences, ces mêmes agences deviennent du coup ses clients lorsqu’elles engagent la start-up en sous-traitance.
Et si Luxballoon souffre d’un décalage entre les services affichés sur ses sites Internet et ceux qu’elle propose en réalité, le nouveau budget communication devrait parer aux déficiences nées de son développement sauvage. Delphine Mordenti, ancienne fondatrice et CEO de l’agence de com’ LeitMotiv, orchestre la manœuvre. Les sites des différentes marques feront peau neuve début 2012.

La visibilité passera aussi par des innovations, et notamment par… un distributeur automatique de ballons que la start-up commercialise déjà dans la Grande Région. Sylvain Boucherat n’a eu aucun mal à placer ses premiers appareils gonflant les ballons à l’effigie des idoles des cibles marketing en culottes courtes. Il propose même de verser les recettes, « pas des grosses sommes », à des associations caritatives.

Tous ces projets ont un prix et nécessitent un encadrement ad hoc. La société emploie pour l’instant six personnes. Son directeur espère en compter huit ou 10 à la fin 2012. Le groupe a un chiffre d’affaires prévisionnel de 460.000 euros pour 2011. Et il devrait augmenter substantiellement l’année prochaine. Pour éviter la baudruche qui s’éclate, il faudra sans doute passer par la case emprunt ou ouverture du capital. Un certain pari sur l’avenir en somme. Gonflé…

 

CV - Desseins animés

Sylvain Boucherat, CEO du groupe éponyme, est un self-made-man lyonnais de 35 ans. Parti à Londres après le bac pour découvrir de nouveaux  horizons, il est ensuite devenu saisonnier à plein temps. Il a, entre autres, dirigé des structures d’accueil pour enfants ou été responsable des animations dans un hôtel en Grèce. De 1998 à 2003, il a travaillé au Club Med où il a été repéré par des investisseurs de la Place. Ces derniers lui ont alors proposé de gérer un bar à vin et champagne dans le Grund. Ce qu’il a fait jusqu’en 2005, date à laquelle il s’est lancé dans ce qu’il avait toujours voulu faire : monter sa propre société événementielle basée sur ses talents artistiques. Il confie : « Je me suis dit, ‘si tu veux travailler 18 heures sur 24, 6 jours sur 7, tu es encore jeune, fais-le pour toi’. » Depuis, il a mis son souci du détail à profit et se dévoue corps et âme dans l’initiative.