Maître David Giabbani, étude David Giabbani. (Photo: étude David Giabbani)

Maître David Giabbani, étude David Giabbani. (Photo: étude David Giabbani)

Maître Giabbani, dans quelle mesure le salarié a-t-il le droit d’utiliser la connexion internet mise à sa disposition?

«Le salarié peut utiliser la connexion internet à des fins professionnelles, à condition, toutefois, d’en faire une utilisation responsable qui ne mette pas en péril l’outil informatique. La question de l’utilisation d’une connexion internet à des fins privées est plus discutée. Le premier principe veut que le salarié ait droit au respect de sa vie privée même sur son lieu de travail, et donc au secret des correspondances privées via e-mail et les connexions internet sur des sites divers. Un deuxième principe de taille vient limiter le premier: il ne faut pas que l’utilisation d’internet à des fins privées mette en péril les intérêts de l’entreprise. Tout est ici une question de mesure et d’appréciation sur la fréquence et la durée d’utilisation personnelle de la connexion. Le privé ne doit prendre le pas sur le professionnel en aucune circonstance. Le salarié est ainsi autorisé à utiliser internet à des fins personnelles dès lors que l’usage qu’il en fait n’est pas exagéré. Cette limitation est guidée par son devoir de loyauté. Mais dans la mesure où il s’agit d’une question d’appréciation, l’employeur sera toujours libre d’établir une charte ou un règlement interne sur l’utilisation d’internet au travail afin de mieux préciser son utilisation. Ainsi aucune partie ne sera prise par surprise en cas d’abus. Notons enfin que bien souvent l’employeur interdit déjà l’accès à certains sites ou limite les échanges de fichiers à un certain volume, ce qui est parfaitement conforme au droit.

L’employeur peut-il contrôler les connexions internet de ses salariés?

«S’agissant des e-mails, il ne faut pas perdre de vue que le matériel mis à disposition de l’employé appartient à l’employeur, qui a un droit de regard sur l’utilisation qui en est faite: il peut donc contrôler sans limitation les e-mails à contenu professionnel, mais doit prendre garde de ne pas violer le principe de correspondance privée, ce qui peut être sanctionné pénalement. Le salarié est ainsi conseillé de bien définir par leur objet les e-mails qu’il envoie et d’encourager son interlocuteur à en faire de même en mentionnant clairement la confidentialité des échanges, et de conserver les e-mails privés dans un dossier bien séparé du reste de ses correspondances professionnelles. In fine, un salarié ne peut se retrancher derrière le caractère confidentiel d’un e-mail pour violer allègrement le principe de loyauté qu’il doit à son employeur. La jurisprudence luxembourgeoise est à ce propos unanime pour dire que si les intérêts de l’entreprise l’exigent et que certaines conditions sont remplies, il doit être permis à l’employeur de porter atteinte à la vie privée de son salarié. S’agissant plus globalement de l’utilisation d’internet comme outil de connexion à des sites, il est prohibé de mettre sous surveillance constante un employé sur l’utilisation qu’il fait d’internet sauf si l’on a pu déceler chez lui une activité particulièrement intense et particulièrement grave pour les intérêts de l’entreprise, et ce dans le cadre d’un contrôle collectif.

Le salarié peut-il être sanctionné?

«Les sanctions qui découleraient d’un usage prohibé et/ou abusif d’une connexion internet sont une affaire d’appréciation. L’employeur a un intérêt évident à mettre en place une charte ou un règlement intérieur sur l’usage d’internet sur le lieu de travail. Cela lui permettra de prendre des sanctions adéquates et proportionnées en cas de faute du salarié qui peuvent aller du simple avertissement au licenciement pour faute grave. Néanmoins et compte tenu des développements qui ont été faits, l’employeur est conseillé de consulter un professionnel du droit avant de s’engager dans une surveillance nominative d’un salarié et de lui rédiger une lettre de licenciement. Les motifs devront en effet être particulièrement circonstanciés et préciser, par exemple, l’historique de navigation. Surtout l’employeur devra préciser en quoi l’utilisation d’une connexion internet qui a été faite a été préjudiciable aux intérêts de l’entreprise. L’employeur est également conseillé de préciser dans les motifs de licenciement le caractère excessif et/ou prohibé des connexions afin de permettre aux juges, en cas de recours pour licenciement abusif, d’apprécier leur bien-fondé.»