Luc Schloesser, Chef du service Communication et Relations publiques, Ville d’Esch/Alzette (Photo : David Laurent/Wide)

Luc Schloesser, Chef du service Communication et Relations publiques, Ville d’Esch/Alzette (Photo : David Laurent/Wide)

Monsieur Schloesser, quelles sont les plus grandes difficultés lorsque l’on s’occupe de la communication d’une institution comme la Ville d’Esch/Alzette ?

« Une des choses les plus spécifiques, c’est la variété des cibles auxquelles on doit s’adresser, ainsi que la nature des messages à transmettre. Nous ne sommes pas une entreprise qui vend des produits, nous ne pouvons donc pas sélectionner les personnes auprès desquelles nous voulons nous exprimer. Mon service prend en charge le discours à destination des enfants, des jeunes, des adultes, des actifs, des inactifs, des aînés, des institutions, des entreprises… Il faut construire le dialogue, sélectionner les outils pertinents, trouver les bons réseaux pour diffuser nos messages.

Chaque cible a ses spécificités. Par exemple, le troisième âge est difficile, techniquement, à joindre. Il faut trouver les bons médias pour le toucher. Autre exemple : les étrangers. Certains restent dans leur communauté, et ne se mélangent que peu au reste de la population. Il y a également les arrivés récents, avec qui la barrière linguistique et culturelle peut être importante. Le défi est moins technique : ils passent par le Bierger-Center, nous avons un endroit où les trouver et les toucher. Par contre, il faut trouver une tonalité et une manière de leur parler qui soient pertinentes.

J’ai aussi un rôle à jouer à destination des Eschois. Il s’agit souvent de messages pratiques… Il n’y a rien à vendre dans ce domaine, mais il faut leur permettre d’être au courant des chantiers, des programmes en cours, de ce qu’ils peuvent faire dans la ville.

Il y a également les relations avec la presse. Mon rôle est d’assurer un accueil et un suivi identiques pour tout le monde. Le traitement qui est fait de l’information peut varier d’un groupe de communication à un autre, mais pas forcément toujours dans le sens que l’on peut penser a priori… Il y a les lignes éditoriales, la pertinence d’un sujet à un moment donné, les envies et l’intérêt personnel des journalistes pour un thème, qui orientent l’importance de la couverture médiatique. Dans ce domaine, il y a également les relations que j’ai pu construire avec les différents correspondants qui jouent.

Comment est organisée votre équipe ?

« Je suis arrivé en 2007, et j’ai récupéré la double casquette de mon prédécesseur, à savoir la communication et les relations avec la presse, mais également le volet culturel. Ma première volonté a été de séparer les deux fonctions. J’ai dès le départ fait le constat que pour bien s’occuper de la communication, il faut s’y consacrer à temps plein. Le changement n’a pas été immédiat, il s’est fait avec le temps. De 2007 à 2009, je me suis par exemple occupé du Festival Terres Rouges. Aujourd’hui, il y a un service Culture de trois personnes qui s’en occupe, entre autres choses.

Dans le service Communication, nous sommes trois. J’ai un collaborateur qui s’occupe de tous les aspects multimédia, réseaux sociaux et web. Une autre personne reste plus centrée sur la culture, en gérant la communication des différents établissements qui sont installés sur la commune. Et je prends en charge tout ce qui reste. Cela recoupe notamment ce qui touche à la communication du collège échevinal, la stratégie générale, et la relation avec la presse.

Quels sont les grands dossiers ?

« Il y a bien entendu l’arrivée de l’Université en 2014, qui d’ailleurs concerne tout le sud du pays, pas uniquement la ville. Faire savoir que nous allons accueillir cette institution, et être prêts pour cela, permet d’apporter une plus-value à toute la région… C’est une nouvelle main-d’œuvre, une nouvelle population résidante, entre les professeurs, les étudiants, et les entreprises attirées par le campus. Il faut construire et présenter une offre adéquate pour ces nouveaux publics, en espérant avoir un effet boule de neige pour la ville et la région. C’est une occasion de redorer l’image de Esch.

L’image de la ville était-elle si « abimée » ?

« Il faut reconnaître que, souvent, les Luxembourgeois ont une plus mauvaise image de la ville que les étrangers, résidents ou non. Elle s’est forgée avec le temps : nous étions la ville industrielle du pays. Lorsque le premier haut-fourneau a ouvert, il n’y avait que 3.000 habitants. Et les 30.000 habitants étaient déjà atteints aux alentours de la Seconde Guerre mondiale. Avec la crise pétrolière, la crise de la sidérurgie, la fermeture des usines, la ville a souffert. Une grande partie de la main-d’œuvre non qualifiée s’est retrouvée au chômage, et pendant des années cela a eu des conséquences sur la ville et ses habitants. Nous pensons, et nous voulons faire savoir, que ces temps-là sont définitivement révolus.

La décision de l’arrivée de l’Université a été prise en 2001. Cela a permis à la Ville de se donner un nouvel objectif. La direction des investissements allait être guidée par cette installation.

Comment avez-vous pensé la communication autour de cette arrivée ?

« Nous positionnons l’Université comme un élément émotionnel dans notre communication. Elle donne de la perspective, elle promet le retour d’une ‘ splendeur ’ de la ville pour les Eschois. Au niveau national, c’est un élément qui participe à la nouvelle orientation économique et au développement urbain. Mais c’est Belval qui est le véritable projet phare. Et il concerne non seulement Esch, mais aussi tout le Grand-Duché. Lorsque l’État a indiqué avoir l’intention d’investir plus d’un milliard d’euros sur le site, cela donnait une position claire : c’est le projet des 25 prochaines années pour le pays. Avec le développement urbain et l’argumentaire économique qu’il sous-tend.

Pour l’aspect local, beaucoup de gens ont en fait un peu peur de l’arrivée des étudiants… Ils ne voient pas la chance que cela représente. C’est sur cet aspect que nous jouons. Nous montrons que le changement social et démographique que ces jeunes vont apporter est positif… Nous souhaitons tout mettre en œuvre pour que les étudiants restent sur place, et découvrent la ville. Certains ne comprennent pas spontanément l’intérêt de ces ‘ jeunes étrangers ’ pour leur confort quotidien.

Une commune a fatalement une couleur politique… Est-ce un handicap pour vous ?

« Je me dois d’être neutre sur le plan politique. Cela facilite mon travail en tant que porte-parole d’une institution. La commune est dirigée par une coalition LSAP – Déi Gréng. Si j’étais marqué par l’un des deux partis, ou pour un parti de l’opposition, tout ce que je ferais serait interprété d’après des critères politiques. Le fait est cependant que mes chefs sont des personnalités politiques. Ils ont des idées, des propositions. En étant apolitique, je peux leur répondre d’une manière non biaisée, strictement professionnelle. Le risque d’une trop grande proximité politique, c’est de plomber le message de la ville, de devenir inaudible.

L’information au citoyen a-t-elle aussi évolué ?

« Pour le moment, nous diffusons un rapport analytique des réunions du collège échevinal. Jusqu’à présent, elles étaient captées pour retranscription. Cela nous obligeait, environ 12 fois par an, à faire imprimer 13.600 exemplaires, distribués en toutes boîtes, encore une fois avec des coûts énormes de production et de distribution. Et, sincèrement, je ne suis pas certain du nombre de personnes qui le lisent. Nous travaillons pour procéder à une captation vidéo de ces réunions, pour les diffuser en ligne à qui sera intéressé.

Un autre grand changement, à l’initiative du collège échevinal, est dans la manière de diriger l’administration communale. Il s’agit de changer la relation entre l’administration et les administrés, pour sortir d’une manière de faire trop rigide et impersonnelle. La Ville doit devenir un service provider, et considérer ses citoyens comme des clients à qui l’on doit rendre un service de la meilleure qualité possible.

L’objectif est que le citoyen, qui arrive chez nous avec une demande, n’ait pas besoin de voir plus qu’une personne pour avoir sa réponse… Et si son premier interlocuteur – au Bierger-Center la plupart du temps – ne peut pas lui répondre, il doit lui indiquer la prochaine étape. Notre Bierger-Center est d’ailleurs ouvert depuis longtemps. C’est un véritable guichet unique, qui peut prendre en charge toutes les questions des nouveaux arrivants, pour la déclaration de résidence, la commande de ses poubelles, l’électricité, l’eau, les questions d’état civil… Il participe à l’image d’ouverture et d’accessibilité qui doit être plus qu’une image, mais une réalité effective.

Mais nous voulons aller au-delà, en intégrant cette idée d’un interlocuteur unique pour toute relation de la commune avec l’extérieur. Le patron d’une entreprise qui veut des informations pour s’implanter sur le territoire de la commune doit avoir le même type d’accueil direct et simple qu’un citoyen. Un seul intervenant, un seul interlocuteur. »

 


Parcours - Europe et Luxembourg

Âgé de 33 ans, Luc Schloesser a suivi des études en journalisme et communication à l’ULB, à Bruxelles. « J’ai suivi la spécialisation communication. Très vite, je me suis tourné vers une communication plus institutionnelle que véritablement commerciale. » Après ses études, il travaille pour le service communication du Parlement européen, avant de saisir l’occasion de revenir au Luxembourg, et à Esch en particulier : « Je ne suis pas un Eschois de souche, mais j’y avais suivi mes études secondaires. Et j’avoue ne pas avoir hésité très longtemps avant de postuler ! »