Un nouveau terme est apparu en fiscalité et n'a cessé de prendre de l'ampleur cette année: BEPS. BEPS désigne les mécanismes d'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (base erosion and profit shifting). Chaque avancée et chaque publication des travaux de l'OCDE sur l'une des 15 étapes du plan d'action BEPS font parler un peu plus de ces mécanismes. Au mois de septembre 2014, sept rapports concernant sept étapes sur les 15 visées par le rapport OCDE ont déjà été émis.
On peut déterminer ainsi dans quelle direction l'OCDE s'est engagée. Nul ne peut le contredire: le monde change à grande vitesse. Par son plan d'action, l'OCDE vise à adapter le système fiscal international au monde actuel. Ce système a été conçu dans un contexte bien spécifique, devenu archaïque et tout à fait inadapté au 21e siècle et à un monde dans lequel le e-commerce et les transactions transfrontalières instantanées règnent.
À travers ses différents rapports, l'OCDE a émis une série de recommandations. L'élaboration de rapports très techniques, au contenu très poussé, ainsi que les recommandations qui en découlent ont requis des efforts considérables de la part de l'OCDE et de ses membres. La tâche fut difficile et laborieuse et toutes les parties impliquées se doivent d'être félicitées pour le travail accompli. La tâche n'est cependant pas achevée. Il reste en effet un travail substantiel à accomplir en ce qui concerne l'émission des prochains rapports et leur mise en œuvre concrète.
Éviter la politique de l'autruche
Certaines des recommandations s'avèrent être non seulement sensibles sur le plan politique mais également complexes à mettre en œuvre d'un point de vue administratif. Le plan d'action sera-t-il mis en œuvre dans son intégralité dans chacun des États concernés? Vraisemblablement non. Le système fiscal en sera-t-il cependant profondément transformé? Sûrement. Bien que les travaux de l'OCDE ne soient pas encore achevés, adopter une politique de l'autruche ne peut être une solution opportune.
Des mesures concrètes sont sur le point d'être adoptées en vue de contrer les mécanismes d'érosion de base imposable et de transferts de bénéfices. Il est temps d'agir maintenant. Les structures existantes doivent être réexaminées afin d'évaluer l'impact que les mesures BEPS pourraient avoir sur elles. Il me paraît intéressant de conclure ce blog avec quelques réflexions sur la forte attention médiatique portée ces derniers jours sur la fuite de documents fiscaux luxembourgeois.
Ne pas se limiter au Luxembourg
Cette affaire montre qu'en fait «les médias constituent le message». Les documents ayant fait l'objet d'une fuite prouvent que multinationales et investisseurs structurent leurs activités au travers de plateformes internationales (dont le Luxembourg). Ces documents montrent encore que ces sociétés internationales sont tout à fait à même d'optimiser leur structuration fiscale d'une manière parfaitement conforme à la loi.
Ce sont précisément ces situations et enjeux qui ont conduit à l'élaboration du plan d'action BEPS. Ces situations ne sont cependant pas spécifiques au Luxembourg. Notre régime de fiscalité internationale, tel qu'il existe actuellement, a été forgé par des gouvernements. Les sociétés multinationales, elles, n'ont fait qu'adopter ce système, structurant leurs modèles d'entreprise. On ne peut pas remédier aux failles du système en se focalisant sur le Luxembourg, et, de même, ce ne sont pas les multinationales elles-mêmes qui peuvent remédier aux failles.
Le consortium médiatique n'a fait qu'attirer l'attention sur une problématique. Le message reste le même. Une fois la poussière médiatique et politique de cette affaire retombée, l'OCDE reprendra son chemin ardu dans la lutte contre BEPS.
Un mot pour terminer: je viens d'apprendre que mes collègues spécialistes à Bruxelles ont remporté une affaire décisive en matière d'aides d'État, ceci pour le compte d'importantes multinationales espagnoles. Pour la Commission, le régime espagnol des sociétés holding constitue une aide d'État. La Cour européenne de Justice a donné tort à l'exécutif européen: le régime étant accessible pour tout contribuable, la Commission ne pouvait en effet dire que la mesure en place était à caractère sélectif.