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Loin d’être une mode, l’investissement immobilier présente de réels gages de sécurité, notamment pour l’investisseur qui passe par le Luxembourg. La Place dispose de toutes les compétences et structures requises pour le développement de cette activité, à l’exception peut-être d’un volume d’offre suffisant ou de sociétés de gestion de fonds. Néanmoins, qu’il s’agisse d’opérer en direct ou via un véhicule de droit luxembourgeois, l’investisseur a à sa disposition des alternatives rémunératrices «allégées» en risque.

La conjoncture économique favorise tout d’abord l’investissement immobilier, potentiel­lement le premier secteur à capter les bénéfices d’une relance. La volatilité des valeurs mobilières et la défiance envers les marchés boursiers incitent naturellement les investisseurs à allouer plus d’actifs à la pierre, plus que jamais considérée comme une valeur refuge. Stéphane Hadet, associé du cabinet d’avocats Oostvogels Pfister Feyten, parle de cette «particularité de l’immobilier qui fait qu’un immeuble vaut toujours quelque chose», de surcroît à Luxembourg.

Le Grand-Duché fait figure de havre de paix pour l’investissement immobilier en direct. Martin Heyse, CEO de BNP Paribas Real Estate Luxembourg met la faible volatilité du marché local en perspective. «Compte tenu de la violence de la crise, l’immobilier luxembourgeois reste assez stable dans les corrections.» Les investisseurs le convoitent pour diversifier leur portefeuille, mais surtout pour rechercher la sécurité d’un revenu. Seulement, «tout le monde recherche la même chose, le produit core», c’est-à-dire des baux assez longs (sept ou neuf ans), un rendement conservateur (entre 5 et 9%) et en triple net (toutes les charges reviennent au locataire). Car si l’action souffre d’un discrédit du fait de sa volatilité, l’immobilier garantit, lui, un rendement stable pendant une durée déterminée, sous réserve, évidemment, qu’il soit loué et que les locataires paient en temps et en heure.

Sécuriser la transaction

Or, l’assurance d’un rendement apparaît comme la première considération de l’investisseur et fait l’objet d’une attention particulière lors de la due diligence accompagnant l’échange d’un bien, qu’il se fasse en asset deal, quand le bien est acheté en direct, ou en share deal, lorsque seules les parts d’une société détenant le bien sont rachetées.

Le cas échéant, les cabinets spécialisés procèdent à une analyse détaillée. Christophe Darche, directeur corporate finance chez Atoz, détaille les points clés pour sécuriser une transaction. «La capacité du locataire à honorer le contrat via une analyse du compte de profits et pertes, le type de financement, la vérification d’une clause de changement de contrôle du bien, l’estimation des risques fiscaux latents et la TVA» sont autant d’informations prises en compte lors de la préparation de la lettre d’intention ou de l’offre indicative.

Birthe Müller-Weykam, directeur transaction et investissement chez BNP Paribas Real Estate, sécurise la vente en négociant les conditions du contrat avec les avocats des parties. La sécurité se détermine d’abord par le bail. Il fait office de document légal contraignant et sécurise le cash flow. L’intéressée précise: «Les investisseurs ne recherchent pas seulement la pierre, mais plutôt le produit du capital market, et ça c’est le bail qui court.»

Face au banquier, l’avocat réconcilie autour d’un contrat de cession deux mondes opposés. Martine Gerber, associée et avocate chez Oostvogels, insiste sur la bonne connaissance des deux parties en termes de négociation: «L’investisseur arrive avec son taux de rendement et achète de l’immobilier comme si c’était une action. Le promoteur, lui, arrive avec son immeuble, sa qualité et ses contraintes.» La sécurisation de l’investissement passe donc aussi par un encadrement des acteurs concernés.

L’investisseur bénéficie non seulement de l’ensemble de la chaîne de métiers in situ, mais également d’une législation sur mesure. Mme Gerber fait état de cette «nouvelle optique» selon laquelle les investisseurs regardent le pays offrant la meilleure «boîte à outils juridique et fiscale». A cet égard, le gouvernement luxembourgeois a fait adopter un cadre légal particulièrement favorable au financier qui, indirectement, profite aussi à l’investisseur en garantissant la sécurité de l’investissement, et donc sa relative liquidité.

La loi de 2005 sur les contrats de garantie financière, transposition de la directive européenne 2002/47/CE, apparaît pertinente à plus d’un titre en temps de (sortie de) crise. En effet, l’immobilier est traditionnellement soumis à un taux de financement externe élevé. Le financier est donc demandeur d’un «maximum de sûreté», selon les termes de Stéphane Hadet, et cette loi permet de «gager tout type de valeur mobilière et de créance, sans limite».
Elle prévoit deux nouveaux modes de réalisation des garanties financières (ou gages): la vente sous seing privé de l’objet gagé à des conditions commerciales normales et l’appropriation de l’objet ou des actions gagées. Ces deux nouveaux modes participent à la rapidité de la réalisation des garanties en cas de défaut de paiement ou de faillite de l’emprunteur.

Une sécurité juridique

M. Hadet analyse: «La loi sur les garanties financières a clairement immunisé la prise de gage contre une procédure d’insolvabilité qui serait prise à l’encontre de la société qui va donner la sûreté.» En d’autres termes, les banques peuvent potentiellement recouvrer rapidement leurs crédits en cas de détresse du débiteur. Ce qui in fine élargit substantiellement le goulot du financement, les banques devenant moins frileuses.

En sus de cette sécurité rendue possible par ladite loi, les projets immobiliers luxembourgeois bénéficient de la légendaire souplesse légale du Grand-Duché, les parties prenantes pouvant s’entendre sur un contrat taillé en fonction de leurs besoins. Martine Gerber confirme le faible nombre de «clauses d’ordre public», pouvant éventuellement lier les parties à mauvais escient, et cite en exemple «la totale liberté contractuelle pour les baux de bureaux».
L’avocate associée loue même le pragmatisme de l’administration publique: «Il y a des contraintes techniques mais le dialogue est entretenu entre le constructeur et les pouvoirs publics. Ces derniers ne vont pas proposer un plan d’occupation des sols qui n’est pas intéressant pour les investisseurs.» La sécurisation d’un investissement immobilier est donc conditionnée par un substrat légal idoine associé au savoir-faire des professionnels du secteur.

Cette sécurité est aussi accessible aux investisseurs étrangers choisissant un véhicule de droit luxembourgeois, quelle que soit la destination de l’investissement. Il appartient aux avocats, fiscalistes ou autres prestataires de fournir une modélisation financière et fiscale à même de maximiser le rendement pour l’investisseur. Là encore, la flexibilité du droit luxembourgeois est honorée. Bruno Bagnouls, directeur chez Alter Domus, fait valoir les atouts de la Place en matière de structuration de l’investissement: «La compétitivité du pays réside d’abord dans la flexibilité pour créer et démanteler les sociétés, notamment grâce à un droit relativement clair.»

Appliquant les stratégies établies par l’investisseur et les professionnels du secteur, le domiciliataire gère les comptes, les cycles de paiement, le secrétariat juridique, les reportings et éventuellement la liquidation des sociétés qu’il a sous sa responsabilité. Pour Christophe Darche (Atoz), «la structuration dépend fortement des besoins du client, de sa situation et du pays dans lequel il réside».

S’il prétend qu’il n’existe «pas de structure type», les fonds immobiliers passent souvent par des véhicules régulés et notamment des FIS (fonds d’investissement spécialisés) qui détiennent une holding et des sociétés sous-jacentes (SA, SCA ou Sàrl), qui elles-mêmes possèdent les biens, pour la plupart en Europe.

Bruno Bagnouls explique en partie l’intérêt de ces montages par les avantages fiscaux y afférents: «Le FIS n’est imposé que par la taxe d’abonnement et les distributions de la holding, c’est-à-dire la Soparfi luxembourgeoise, vont être soumises à la fiscalité de l’investisseur», en fonction du traité de non-double imposition signé avec le pays de résidence de l’investisseur.

Pour Dominique Moerenhout, secrétaire général de BNP Paribas Real Estate Luxembourg, cet environnement fiscal compétitif va de pair avec le servicing complet et la gestion des fonds depuis la domiciliation jusqu’à la structuration des sous-jacents, en passant par l’établissement d’une stratégie d’investissement: «Il y a dix ans, le Luxembourg était encore considéré comme un middle-back office. Maintenant nous disposons clairement des compétences de front office.»

Enfin, des tendances vers plus de sécurité se dégagent, à l’initiative des investisseurs eux-mêmes. M. Bagnouls parle de certains d’entre eux qui, n’ayant qu’une confiance modérée envers le management de fonds immobiliers suite à leurs récentes performances négatives, décident de se rassembler, «à deux ou trois», au sein de separate accounts ou de club deals, et de confier la gestion à un manager ad hoc. «Un certain nombre de véhicules, souvent non régulés, s’établissent de la sorte à Luxembourg. Leurs créateurs veulent plus de transparence, plus de contact avec les décisions sur les investissements et moins de coûts.»

Fly to safety

S’il ne prédit pas la disparition des fonds, le directeur de la société de domiciliation évoque cette pratique au Luxembourg et mentionne, en exemple, des fonds de pension canadiens qui investissent aujourd’hui tout seuls en Europe et en direct.

«Alors cela redémarre… oui», mais prudemment et dans du core, à savoir du retail et du résidentiel en Angleterre et en Allemagne, ainsi que des bureaux en France. Certains investisseurs détiennent des allocations pour l’immobilier et veulent investir, «mais préfèrent attendre le premier closing et rentrer dans un deuxième closing».

Bruno Bagnouls atteste d’une réelle volonté des clients et prospects de lancer des fonds, mais la difficulté réside dans leur financement. Le lancement de projets au Luxembourg souffre également d’un manque de liquidité. Christophe Darche le souligne: «Plus de gens viennent nous voir pour trouver du financement car les banques prêtent moins facilement. Du capital peut être accessible différemment, notamment via des dettes mezzanine.»

Les professionnels du secteur restent pourtant optimistes quant aux perspectives d’investissement dans l’immobilier. La comparaison de Martine Gerber est éloquente. «Dans un portefeuille de valeurs mobilières, on met un peu d’or. Dans un portefeuille immobilier, on met un peu de Luxembourg.» Avec la directive AIFM, les investissements reviendront certainement on shore et cette perspective profiterait au pays à plusieurs égards. Les fonds auront besoin de bureaux et de prestataires pour administrer leurs fonds. Martin Heyse peut conclure, «il va bientôt falloir remettre les pompes en route».