Opposée depuis 2013 au «bonus cap», la City sera heureuse de l’abroger une fois le Brexit consommé. (Photo : Wikimedia commons)

Opposée depuis 2013 au «bonus cap», la City sera heureuse de l’abroger une fois le Brexit consommé. (Photo : Wikimedia commons)

Tandis que la deuxième phase des négociations sur le Brexit a commencé de justesse le mois dernier, la City n’oublie pas de faire miroiter les avantages d’un désarrimage de l’UE. C’est ainsi que Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre, et Andrew Bailey, chief executive du FCA, l’homologue britannique de la CSSF, ont récemment rouvert le débat sur le plafonnement des bonus.

«Il y a des choses dont nous pensons qu’elles ne sont pas nécessaires, comme le plafond des bonus», a ainsi considéré Mark Carney, cité par le quotidien économique français Les Échos. «Nous sommes très clairs là-dessus.» Et Andrew Bailey de renchérir: «Je suis d’accord avec Mark sur la question. Nous l’avons toujours été [...]. Il y a des situations dans lesquelles nous sommes libres de prendre cette décision et des situations dans lesquelles nous ne le sommes pas.»

Les plus grands preneurs de risque ciblés depuis 2013

Le Brexit change en effet la donne pour la City qui a combattu en vain – jusqu’à porter l’affaire devant la Cour de justice de l’UE – contre les règles imposées par Bruxelles en 2013. Des règles visant à ajuster la rémunération des banquiers au risque pris plutôt qu’à la seule performance. Certains professionnels de la City pouvaient jusque-là obtenir des bonus représentant plus de quatre fois leur revenu fixe.

Les directives précisées par l’Autorité bancaire européenne s’appliquent toujours aux banquiers gagnant plus de 500.000 euros bruts par an ou figurant parmi les 0,3% de salariés les mieux rémunérés au sein de leur établissement, la direction ou les salariés habilités à prendre des expositions sur des risques de crédit élevés. Le principe: le montant de la rémunération variable des banquiers ne peut dépasser l’équivalent de deux fois leur salaire fixe.

Des règles qui avaient gêné Londres, mais pas Luxembourg. Avant 2013, «la circulaire CSSF 10/496 exigeait que les composantes fixe et variable de la rémunération totale soient équilibrées», indique le service Rémunération de la Commission de surveillance du secteur financier. «Donc, même si aucune limite chiffrée ou cap n’étaient stipulés, nous nous attendions à ce que le variable ne dépasse pas de manière exagérée le fixe, du moins pour les preneurs de risque matériel.»

La CSSF veille au grain

De fait, la directive sur les bonus n’a pas amené de «changements radicaux dans les pratiques de rémunération des banques», poursuit la CSSF. «Si nous regardons les chiffres pour le Luxembourg pour la période allant de 2011 à 2016, nous constatons que la partie variable par rapport à la partie fixe de la rémunération totale fluctue entre 95% et 220%.» Une situation suivie de près par les contrôles réguliers de la CSSF, qui n’a pas non plus relevé d’augmentation soudaine et d’ampleur de la rémunération fixe pour compenser ce «bonus cap», contrairement à ce qui a pu être observé au Royaume-Uni.

Mais alors, le déplafonnement quasi annoncé des bonus à la City risque-t-il de déséquilibrer le secteur financier de l’Europe continentale une fois le Brexit consommé? «Il est certain que les Britanniques ont fait le choix de quitter l’UE pour retrouver la marge de manœuvre qu’ils souhaitent avoir», commente Catherine Bourin, membre du comité de direction de l’ABBL. «Et c’est utile, sur un marché concurrentiel, d’offrir des bonus déplafonnés, mais si à côté de cela les acteurs de la City n’ont pas accès au marché européen via le passeport, ils subiront un immense désavantage.»