Elisabeth Guissart et Claire Denoual, Avocats à la Cour, /c law. Crédit Photo: / c law

Elisabeth Guissart et Claire Denoual, Avocats à la Cour, /c law. Crédit Photo: / c law

Contrairement aux idées reçues, un logiciel ne bénéficie pas naturellement d’une protection par le brevet, mais bien par le droit d’auteur. Cette protection naît de la seule création du logiciel, sans qu’aucune formalité préalable de dépôt (contrairement aux brevets) ne doive être accomplie. La protection par le droit d’auteur n’est toutefois pas inconditionnelle: le logiciel doit être «original». En pratique, cela signifie qu’il doit résulter d’«un effort créatif», allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante.

Mais que protège le droit d’auteur? Le droit d’auteur protège la forme, pas le fond, et donc pas les idées, les méthodes de fonctionnement ou les concepts. Les algorithmes, le langage informatique, les fonctionnalités d’un logiciel ne sont dès lors pas protégés en tant que tels par le droit d’auteur. Par contre, leur expression concrète peut bénéficier de la protection, c’est-à-dire le code source, le code objet, l’infographie (à savoir le «look and feel»), ou encore le matériel de conception préparatoire du logiciel.

De quels droits dispose le titulaire? Dans la logique même des droits de propriété intellectuelle, le titulaire des droits d’auteur dispose d’une exclusivité sur le logiciel. Ce faisant, les droits d’auteur permettent notamment à leur titulaire d’autoriser (et donc d’interdire) la reproduction du logiciel (à savoir, par exemple, le (télé)chargement, l’affichage et l’exécution de celui-ci), la diffusion du logiciel, ou encore sa modification. Le titulaire a, en outre, le droit d’être mentionné comme tel lors de tout usage du logiciel. Ces droits peuvent bien évidemment être cédés en tout ou partie par leur auteur.

Toutefois, eu égard à la nature même du logiciel et à sa destination, certaines exceptions ont été introduites au droit dont dispose le titulaire d’interdire toute opération sur ou avec le logiciel. Ainsi, il n’y a notamment pas besoin d’autorisation pour réaliser une copie de sauvegarde du logiciel, poser tout acte nécessaire à l’utilisation du logiciel de manière conforme à sa destination, ou encore corriger les erreurs, sauf si le titulaire s’est réservé ce droit par contrat (de maintenance).

Tout autre usage sans autorisation préalable du titulaire des droits d’auteur constitue un acte de contrefaçon et engage la responsabilité de son auteur. Ainsi, par exemple, le fait pour un employé de télécharger une copie illégale d’un logiciel sur son ordinateur professionnel, sans acquérir de licence dudit logiciel, expose son employeur à des poursuites judiciaires. De même, le fait de dépasser les limites de la licence acquise en ne respectant pas le nombre prévu d’utilisateurs constitue un acte de contrefaçon. D’où l’importance de disposer d’une charte informatique stricte en interne afin d’encadrer l’usage des outils informatiques par ses salariés…

Mais qui, en pratique, est titulaire des droits d’auteur sur un logiciel?

Lorsqu’une entreprise commande à une société IT le développement d’un logiciel, sauf clause contraire, c’est cette dernière qui est et reste titulaire des droits d’auteur sur le logiciel, malgré le paiement du prix. Cela signifie que la société IT pourra réutiliser ses développements et le code source auprès d’autres clients. Cela implique également que le client ne pourra pas confier des développements ultérieurs à une autre société. Tout droit non expressément cédé reste acquis à son auteur. Il est donc indispensable de régler dès le départ le sort des droits, et ce avec précision et exhaustivité (droits cédés, utilisations particulières, territoires, durée, etc.).

Qu’en est-il d’un logiciel créé par un salarié? Si le développement du logiciel entre dans le cadre des fonctions du salarié, la loi instaure une présomption de cession automatique des droits (patrimoniaux) à l’employeur. C’est donc l’employeur qui dispose de l’exclusivité d’exploitation du logiciel.

Logiciels dits «libres de droits»? Parfois, la fausse bonne idée. La vigilance est de mise lors de l’intégration, par le prestataire externe, comme par ses propres employés d’ailleurs, de lignes de codes de logiciels dits libres au sein d’un logiciel à développer. En effet, «libre de droits» ne signifie pas dérégulé. Ayant tout pouvoir sur son logiciel, il se peut que son auteur ait imposé des conditions à la réutilisation de son code source au travers de licences dites «open sources». La condition la plus fréquente étant l’obligation de diffuser et rendre public le code source du logiciel «dérivé». Or, tel n’est pas toujours le souhait de l’employeur ou du client. D’où l’importance, là encore, d’un bon contrat…

 

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