Thibaut Britz (Trendiction) (Photo: Olivier Minaire)

Thibaut Britz (Trendiction) (Photo: Olivier Minaire)

Trendiction relève tout ce qu’on dit de vous sur le web social. Cette start-up, spécialisée dans l’agrégation de données et les technologies de recherche sur l’Internet, met à disposition des agences de media monitoring, d’analyse de marché ou de conseil en communication, ses serveurs informatiques capa­bles de brosser la toile 2.0 en une fraction de seconde. Robert Glaesener place l’entreprise qu’il dirige depuis quatre mois en leader du segment. Pour lui, «pas deux sociétés en Europe ne disposent d’une technologie aussi avancée pour collecter des données du web social, avec une couverture aussi large et un taux d’indexation si réduit».

Le CEO vante fièrement l’entreprise, mais il n’est pas celui qui lui a donné naissance. Celui-là, c’est Thibaut Britz. L’ingénieur diplômé de l’Institut technologique de Zürich (ETH) s’associe en juillet 2008 à Christophe Folschette, informaticien titulaire d’un diplôme de l’Université technique de Munich (TUM). Ensemble, ils s’installent au Technoport, finalisent le plan d’affaires – bénéficiant des structures de l’incubateur du Centre de Recherche Public Henri Tudor et de l’encadrement ad hoc de Luxinnovation –, enregistrent la société en mars 2009, puis signent leur premier client la même année.

Depuis 2008, c’est-à-dire avant même d’enregistrer la société au Mémorial, les graines d’entre­preneur (voir encadré) développent leur propre code informatique pour «crawler» le web social via leur base de données et sans jamais utiliser les informations fournies par Google. En décembre 2010, ils livrent la deuxième version du programme. Robert Glaesener annonce ses priorités: pour l’instant, mettre le paquet sur la recherche et le développement. «Nous investissons beaucoup en R&D pour garder notre avantage compétitif dans les domaines de la couverture réseau, de la qualité des données et du temps d’indexation.» Viendra ensuite le temps de diversifier l’offre.

Se protéger du web participatif?

La recherche effectuée par Trendiction fournit des données détaillées sur les adresses réticulaires (vocable officiel désignant une URL). Thibaut Britz explique: «Une multitude de serveurs parcourent l’Internet interactif, extraient les articles, messages, posts ou commentaires, en les datant, puis en les classant.» Autrement dit, la société fournit un listing de liens afin d’évaluer le buzz autour d’un sujet particulier. Son CEO détaille le circuit et «les agences de communication qui se tournent vers [eux] pour savoir comment on parle d’une marque».

Mais Trendiction n’analyse pas les informations recueillies. Ce rôle est celui de ces instituts spécialisés qui pourront, si besoin, faire office de hedge du web participatif. Il est, par exemple, possible d’imaginer que des commentaires négatifs sur une marque puissent être relevés, via les services de la start-up luxembourgeoise, puis corrigés par de nouveaux commentaires mélioratifs.

Mais cette vocation dépasse celle que se donne le créateur de la société. «Nous avons essayé plusieurs stratégies, comme le press clipping, mais nous nous focalisons dorénavant sur la collection des données brutes» et exclusivement sur le web allemand. Pourquoi? Simplement parce que les ingénieurs se donnent le temps de maîtriser au mieux un marché avant de se disperser sur d’autres cibles. Ils y pensent néanmoins, car la société se renforce. Ils sont aujourd’hui cinq. Ils seront huit fin décembre pour commencer à travailler sur d’autres langues comme le néerlandais, l’italien ou l’espagnol. Le français ou l’anglais ne semblent pas d’actualité.

Les entrepreneurs, par le truchement du CEO et porte-parole, dévoilent progressivement et humblement leurs ambitions. «Nous souhaitons plus que doubler notre chiffre d’affaires et bénéficier d’un effectif de 15 personnes fin 2011.» Pour ainsi faire, ils gardent un œil attentif sur l’offre d’ingénieurs, notamment dans la Grande Région qui constitue grâce à ses universités, selon M. Glaesener, «un pool de ressources» intéressant. Il insiste sur la nécessité de débusquer des informaticiens de qualité dont le travail servira de substrat au développement futur des activités de Trendiction. «Nous sommes un people’s business dont le développement dépend principalement du travail de notre équipe.»

Le back-end, mais aussi le front-end, devraient connaître de nombreuses d’améliorations dans les prochains mois. Il est vrai que l’interface www.trendiction.de détonne aujourd’hui par son austérité. Si l’on en croit ses exploitants, le tir va être corrigé. «Nous allons certainement additionner toute une couche de visualisation afin d’avoir un produit front-to-back, et notamment des modules d’analyse et de sémantique.»

«Des choses intéressantes à faire»

Thibaut Britz a conscience qu’il y a «des choses intéressantes à faire» pour sa start-up déjà lauréate du Prix spécial remis par Luxinnovation au Grand Prix paperJam ICT. Mais l’enfant de la «génération Y» limite ses ambitions au marché européen pour éviter de se frotter à l’ogre Google, même si le segment sur lequel se place Trendiction est «peut-être trop petit» pour le géant américain. Sur le marché européen donc, la société fait valoir une longueur d’avance technologique et une expérience déjà concluante, malgré son jeune âge. Elle évolue sur un marché en pleine expansion. A l’équipe dirigeante d’effectuer les choix stratégiques pertinents pour capter les bénéfices de son évolution, notamment en ordonnançant adéquatement ses positionnements géographiques et sectoriels.

Elle devra néanmoins agir avec des moyens relativement limités, car toujours financée par les capitaux personnellement engagés par les associés. Ceux-ci ne se sont versé leurs premiers salaires que récemment. Les intéressés regrettent par ailleurs leur éloignement des sièges des réseaux sociaux, pour la plupart basés aux Etats-Unis. Si le Luxembourg niche au cœur de l’Europe et d’un marché Internet mature, les entrepreneurs devront faire preuve de mobilité pour aller se présenter aux personnes clés afin d’utiliser leurs réseaux.

Son statut de «first mover» confère néanmoins à Trendiction une crédibilité indéniable qui servira – la direction l’espère en tout cas – à attirer de jeunes talents. Robert Glaesener devra donc composer l’équipe afin de favoriser une émulation collective tout en canalisant l’abondance d’idées affluant de ces jeunes cerveaux. Pour lui, il est moins question de savoir «ce que nous voulons faire, que ce que nous pouvons faire».