Parcours éclectique – Le quadragénaire a débuté sa carrière en vendant des voitures et des assurances. (Photo: Jan Hanrion/Maison Moderne)

Parcours éclectique – Le quadragénaire a débuté sa carrière en vendant des voitures et des assurances. (Photo: Jan Hanrion/Maison Moderne)

Quels sont les éléments-clés du succès de Docler Holding?

György Gattyán. – «Lorsque j’étais enfant, j’avais l’habitude d’aider mon père qui avait une société dans le bâtiment, à Budapest, en Hongrie. Créer m’a toujours fasciné. J’ai donc démarré très jeune et j’ai toujours eu l’opportunité d’évoluer. D’abord avec ma propre concession automobile, puis en vendant des assurances. Ces étapes m’ont donné une réelle expérience du monde des affaires. L’in­vention d’internet m’a ensuite offert la chance de faire évoluer mon commerce et d’agrandir son champ à l’international. En 1999, quand internet en était à ses prémices, j’ai commencé à étudier les technologies de streaming. Je n’avais aucune idée de la manière dont cela fonctionnait. Je me suis donc associé à des personnes de confiance et nous avons créé une technologie connectée à une plate-forme. Dès les débuts du web, les échanges entre internautes et les relations longue distance étaient au cœur des préoccupations. Et petit à petit, nous avons identifié le contenu le plus demandé... le contenu pour adultes.

Votre histoire est donc liée aux développements d’internet?

«J’ai étudié l’électronique et je sais en général comment réparer les objets. Je sais aussi comment développer et coder, mais je m’intéresse plus à la stratégie entrepreneuriale. Aujourd’hui, nous faisons partie des exemples de belles réussites de projets nés dans un garage à l’aube d’internet. Ce qui est devenu une multinationale diversifiée a commencé par un concept simple: celui de diffuser notre vie sur internet, à la manière de la série américaine «Big Brother». L’idée était de créer un contenu vivant avec des personnes en direct, leur offrant ainsi la possibilité de se connecter dans une expérience en ligne interactive. C’est ainsi que le concept de streaming en direct de haute qualité est né.

Justement, comment, de cette idée, avez-vous bâti un groupe de la taille de Docler Holding?

«Mon but initial n’était pas de créer une multinationale. Mais à chaque nouvelle réalisation, je me posais la question de l’étape suivante. Nous avons créé Docler Holding dans l’espoir de créer des services uniques, passionnants et amusants dans tous les secteurs. Au fil du temps, notre motivation a évolué vers une vision consistant à soutenir les idées les plus innovantes pour faire face aux défis de l’avenir. Mais je n’aurais jamais imaginé diriger une société comme celle-ci depuis Luxembourg. Ça a demandé beaucoup d’efforts et de maîtrise des technologies de la part de toute l’équipe. C’est ce qui fait que nous sommes là aujourd’hui.

Toute entreprise qui veut rester performante doit sans cesse s’adapter.

György Gattyán, fondateur et propriétaire de Docler Holding

Quelles leçons avez-vous tirées de ce passage de start-up à multinationale?

«L’intuition et la détermination sont la clé. Vous devez vraiment croire en votre objectif et y consacrer toutes vos ressources. Vous devez également être capable de vous adapter et d’innover en permanence. Toute entreprise qui veut rester performante doit sans cesse s’adapter. Mais les employés jouent aussi un rôle crucial. Réussite et talents vont vraiment de pair. Chez Docler, nous sommes fiers de ne pas nous contenter de recruter les meilleurs talents, mais de créer un environnement positif et stimulant dans lequel ils peuvent s’épanouir.

Pourquoi avez-vous fait le choix d’intégrer en un groupe autant d’activités différentes?

«Lorsque nous avons commencé à créer un site web, nous avons dû faire face à plusieurs défis. Les data centers n’existaient pas vraiment et l’enregistrement de domaine était également compliqué. Nous avons donc décidé, étape par étape, d’ouvrir nos propres centres de données et d’enregistrement de noms de domaine. Ce n’était pas un objectif de créer autant d’entreprises, mais nous avons tout simplement jugé plus sûr de posséder nos propres marques et technologies. En revanche, nous nous sommes rendu compte que nous sommes parfois sortis de notre sphère d’expertise avec des succès mitigés. À présent, nous nous concentrons à nouveau sur notre business de base.

Avez-vous le goût du risque?

«Dans l’absolu, personne n’aime les risques. Moi, j’essaie juste de toujours suivre mon instinct et mon intuition. Mais que serait la vie sans risques? Bien entendu, chaque risque est soigneusement calculé et évalué. En tant qu’entrepreneur depuis tant d’années, j’ai appris à prendre les bons risques et à favoriser le même trait de caractère chez les autres. Découvrir qui j’étais en affaires signifiait également reconnaître non seulement ce risque et cet esprit d’entreprise, mais aussi mon rôle de créateur. Je ne suis pas un homme d’affaires traditionnel et mon intérêt pour le monde numérique est le résultat de ma vision selon laquelle internet est un univers virtuel qui permet une créativité sans limites. J’appréhende ce domaine comme un peintre, à la différence que ma démarche est portée par des programmeurs et des designers à la place de pinceaux. J’encou­rage les autres à adopter leur meilleur rôle et leur propre créativité.

Quelle est votre plus grande réussite?

«Le fait que nous ayons cette discussion aujourd’hui au Luxembourg est déjà une réussite et illustre notre développement. Je suis Hongrois et je viens d’un environnement différent. Nous sommes maintenant une entreprise internationale dont le siège est à Luxembourg, avec des bureaux dans le monde entier. Je pense que ma meilleure réalisation se trouve devant moi, comme cela devrait être le cas pour tout entrepreneur ou homme d’affaires. Vous devez constamment vous efforcer de nourrir la prochaine opportunité innovante qui s’offre à vous.

Tout leader sait que les meilleures idées et développements proviennent d’une équipe talentueuse.

György Gattyán, fondateur et propriétaire de Docler Holding

Lorsque vous avez démarré, la Hongrie était un pays en transition, 10 ans après la chute du mur de Berlin. Une époque difficile pour se lancer dans les affaires?

«Je ne me suis jamais posé cette question. Démarrer dans l’Europe de l’Est de cette époque ne m’a jamais posé de problèmes. J’ai juste essayé d’atteindre mes objectifs les uns après les autres. Mais, en tant que Hongrois, j’aime mon pays et je suis très heureux d’avoir pu bâtir une société solide à Budapest.

Êtes-vous encore à la base des principaux développements, des nouvelles idées?

«C’est en partie moi, en partie l’équipe. Au départ, j’avais effectivement une vision très forte de ce que je devais faire. Mais aujourd’hui, avec plus de 1.000 employés, ce n’est plus possible de tout imaginer seul. Je continue à montrer la voie, mais nous avons un conseil d’administration et des experts qui ont aussi des idées sur les projets de développement intéressants pour la société. Nous sommes dans un processus de discussion permanent. Si je pense détenir une grande idée, mais que personne n’y adhère, je la retire, c’est trop risqué. Je suis certes fier d’être un leader, mais tout leader sait que les meilleures idées et développements proviennent d’une équipe talentueuse. Je suis à l’écoute de mes collaborateurs. Nous échangeons sur nos idées, concepts et déploiements. Je compte sur le travail d’équipe pour développer de nouveaux produits. Nous avons un système hiérarchique simple.

Sur votre site web, vous êtes décrit comme un visionnaire. Comment définissez-vous ce terme?

«Je vois cela comme une démarche artistique. Un artiste peut commencer avec une grande vision ou une idée principale qui peut évoluer au cours de la création et du processus de création artistique. Je vois mes activités comme une expression artistique, c’est ainsi que je m’exprime, au travers d’un site web ou dans l’aménagement de nos bureaux.

Avec le site Jasmin, vos grands débuts sont liés à des contenus pour adultes. Comment et pourquoi êtes-vous entré dans ce marché?

«Nous nous considérons comme un acteur prédominant du marché du live streaming, mais nous donnons l’opportunité aux utilisateurs de fournir leur propre contenu. En ce qui concerne Jasmin et toutes les sociétés du groupe, je voudrais souligner que nous sommes avant tout une société technologique. Nous ne sommes pas une entreprise de contenu pour adultes, et nous ne le serons jamais. À l’instar d’internet, nous sommes inévitablement une institution démocratique dans laquelle nos utilisateurs sont contributeurs.

Peu de sociétés de streaming en direct développent leur propre technologie; la plupart d’entre elles achètent simplement à un tiers et y connectent leur plate-forme. Notre stratégie a bien entendu un coût, mais il s’agit aussi de nos points forts: nous avons une solide équipe de développeurs, nous ne dépendons d’aucune autre société de développement de logiciels et nous avons un support plus que solide. Pour être plus précis, nous avons créé une plate-forme. Le système repose sur des technologies à faible temps de latence et la plate-forme permet le paiement en ligne via notre système. Mais notre technologie peut aussi être utilisée pour différents services, tels que des cours en ligne, des services de conseil ou encore de coaching. Nous avons plusieurs catégories. À l’épo­que, internet commençait tout juste à se développer, nous avons donné la possibilité aux gens de se parler. Jasmin est devenu plus qu’un produit, c’est une véritable marque de loisirs pour adultes, mais de haute qualité.»

Retrouvez la deuxième partie de cette interview ici.