Carlo Gambucci (Photo: David Laudent/Wide)

Carlo Gambucci (Photo: David Laudent/Wide)

Carlo Gambucci est directeur du Sigi.

Monsieur Gambucci, le Syndicat intercommunal de gestion informatique (Sigi) est un acteur important pour les communes qui en sont membres. Quelles en sont en fait les missions ?

« Nous proposons différents services autour de la gestion communale aux 103 communes membres du syndicat : la comptabilité, la gestion des services techniques, la facturation, la gestion de la population et de l’état civil. Un des services les plus visibles pour les citoyens est Macommune.lu. Pour compléter l’image, nous sommes la cheville ouvrière de la gestion informatique des chèques services. M. Majerus, qui gérait le projet au ministère de la Famille, nous avait contactés pour que nous les aidions dans l’organisation concrète et la mise en œuvre des processus communaux autour du chèque service et des maisons relais. Le système a été mis en production en mars 2009.

En cette fin novembre, nous intégrons officiellement Luxtrust dans nos systèmes, permettant aux citoyens, fonctionnaires et élus, d’utiliser un système d’identification forte et de signature électronique.

Sur base de ces outils, nous supportons les fusions communales, le fonctionnement des offices sociaux au niveau national, la gestion de la plupart des syndicats, et notre ministère de tutelle dans la mise en place du nouveau plan comptable communal, du plan pluriannuel financier. Dans ces domaines, nous assurons naturellement la formation en collaboration avec l’Inap (Institut national d’administration publique, ndlr.), l’accompagnement métier de nos agents au service du citoyen par un encadrement personnalisé.

Macommune.lu a été lancé fin 2010 dans deux communes pilotes. Où en êtes-vous aujour­d’hui ?

« Ce qui est valable dans le privé est également valable pour nous… Autrement dit, la vitesse de déploiement et d’adoption d’une solution est un élément clé de son succès. En quelques mois, nous avons converti 55 communes à l’utilisation de Macommune.lu. C’est une masse critique suffisante pour la survie et le futur développement de la solution. Sur les 260.000 personnes qui pourraient être concernées, environ 30.000 l’utilisent déjà activement aujour­d’hui… Ce qui paraît peu en chiffres absolus. Mais en chiffres relatifs, cela fait plus de 10 %, ce qui est énorme si l’on regarde les benchmarks européens ! Les 170.000 demandes électroniques passées par Macommune.lu ont évité un nombre équivalent de déplacements. Ce n’est que le début d’un succès pour notre environnement.

D’un point de vue général, Macommune.lu est un moyen de participer à la construction d’un environnement démocratique global. Nous proposons une solution interactive qui permet de faire échanger de manière plus souple les citoyens et les communes.

Nous sommes dans un système avec trois parties prenantes. Le citoyen a des besoins et demande des services. Le personnel communal aide à répondre aux demandes et s’occupe de l’exécution. Les élus sont responsables du succès des actions de leur administration vis-à-vis du citoyen et mesurent ce succès. En fait, Macommune.lu est l’extension pour le citoyen de l’ERP communal, avec accès à ses données, permettant aux fonctionnaires d’agir, et aux échevins d’avoir accès aux outils de décision.

Vous avez passé une grande partie de votre carrière dans le secteur privé, qu’en avez-vous retiré ?

« De mon expérience professionnelle chez ArcelorMittal, j’ai retiré un certain nombre de principes et de manières de faire que j’ai essayé d’amener avec moi. En premier lieu, il faut avoir l’ambition d’être un best in class. Au Luxembourg, il n’est certes pas forcément facile d’avoir accès à des moyens importants… À besoin égal, d’autres pays peuvent avoir des moyens décuplés. Mais nos chemins courts et l’accessibilité des acteurs clés facilitent bien des tâches.

En reportant à la direction générale, et plus particulièrement au directeur financier, j’ai également appris à gérer les dépenses, en restant sobre mais orienté. Pour ce faire, il faut sans cesse repenser et optimiser les différents processus métier. Autrement dit, j’essaie de garder mes réflexes issus de l’industrie et du privé pour les appliquer au niveau du secteur public.

Nos budgets, notre modèle de dépense, doivent être économiquement compétitifs face à ce qui se fait sur le marché. Bien que comparée avec les prix de revient d’autres structures, il faut noter que notre marge de manœuvre est tout autre à cause des contraintes de fonctionnement d’une administration publique, soumissions, engagements, délais d’approbation... On peut s’expliquer comme on veut, mais à la fin de la journée, il y a le résultat et il y a le coût.

À l’origine, le Sigi avait comme ‘produit’ principal Gescom, un outil de gestion communale…

« Oui, et en 2008, nous consacrions encore une majeure partie de nos efforts à le stabiliser et à centraliser sa gestion… Cet outil est mature, stable et adapté au besoin. Or nous constatons que les demandes de changement vont crescendo avec l’adoption de toutes les fonctions de l’outil : gestion de projets, comptabilité analytique, gestion de stock… et j’en passe. Cet impact est entre autres dû aux outils décisionnels de reporting financier et de performance que nous avons mis en place pour permettre aux élus d’avoir une vue d’ensemble sur toutes les variables ayant un impact sur leur métier communal. Ce sont eux qui demandent à leurs fonctionnaires un suivi encore plus complet, pour ainsi bien mieux gérer les fournisseurs, les projets, les finances, les ressources humaines et les dotations.

Une prise de décision plus éclairée en est le résultat. En plus ils voient les tenants et aboutissants de leurs décisions rapidement. En sortie de nos outils, les clients disposent des contenus à la fois analytiques et prédictifs. De nombreux projets sont intégrés dans le cadre des plans pluriannuels. En fournissant leur vue sur le futur, nous permettons aux échevins de mieux mettre en balance les différentes décisions. Un conseil communal peut agir plus vite en consultant des chiffres synthétisés, plutôt qu’en devant réfléchir sur des dizaines de lignes budgétaires éclatées. C’est là qu’il faut relever l’excellente collaboration avec les experts financiers des communes et de notre ministère de tutelle, qui ont rendu possible ce pas décisif vers un futur encore plus planifiable.

Vous devez interagir avec de nombreux interlocuteurs, en plus des communes… Les différents ministères ou le CTIE (Centre des Technologies de l’Information de l’État) sont également des partenaires ‘imposés’…

« Nous sommes une administration à laquelle les communes ont délégué la gestion de leur informatique. Elles ont donc besoin de nous pour fonctionner. De fait, nous remplissons le même rôle pour elles que nos amis du CTIE pour l’État et les ministères. C’est la raison pour laquelle nous nous voyons régulièrement, d’ailleurs. Le but de ces réunions est de déterminer la façon dont nous attaquons les dossiers, dans l’intérêt des citoyens. Nous nous coordonnons pour proposer une seule solution pour le Luxembourg, et pas plusieurs, inutilement concurrentes.

L’intérêt de tous est que nous réussissions à interconnecter les administrations avec les citoyens. Imaginez un dossier qui a besoin de l’intervention de deux communes et de deux ministères. Cela ne fait pas de sens si le citoyen doit faire quatre démarches successives pour faire progresser son dossier. Il faut qu’il ait un point d’entrée, pour exprimer son besoin. Il faut ensuite qu’il puisse suivre la progression du dossier, étape par étape. Et pour cela, il y a du travail d’optimisation à faire.

Il faut rechercher et éliminer les facteurs de redondance. Il faut que, en vous connectant à votre administration, les données connues – dans le respect des règles de la CNPD (protection des données, ndlr.) – soient disponibles et que vous n’ayez plus qu’à compléter ce qui peut manquer pour lancer votre demande. Les documents attachés et les signatures ne sont que des éléments complétant votre demande, dans le but d’éviter le déplacement et de vous apporter la transparence dans l’exécution du processus.

C’est aussi pour cette raison que nous adoptons Luxtrust. C’est un bon moyen normalisé d’identification, mais surtout de signature des utilisateurs, ayant comme résultat une simplification des transactions.

Nous ne sommes donc pas dans une optique de concurrence avec d’autres acteurs publics, mais de complémentarité. Comme un rouage dans un systè­me global fonctionnant au bénéfice du citoyen. »

 

PARCOURS - Jouer collectif

Après avoir suivi des études au Lycée de Garçons à Esch-sur-Alzette, Carlo Gambucci, aujourd’hui âgé de 47 ans, a obtenu une maîtrise d’informatique et de gestion à l’Université de Nancy 2. Il a commencé sa carrière chez ce qui était encore à l’époque l’Arbed, en tant que responsable réseaux. « J’ai ensuite travaillé pour l’informatique au niveau corporate, dit-il. Au fil des fusions du groupe, que ce soit pour Arbed-Aceralia, Arcelor ou ArcelorMittal, il s’agissait à chaque fois d’aider les départements de consolidation, de controlling, de finances, M&A et d’audit dans la consolidation des données des filiales mondiales. Ceci s’est fait sur une plate-forme centralisée, avec 50.000 utilisateurs, au ‘Château Arbed’, avenue de la Liberté. »

C’est en septembre 2007 qu’il rejoint le Sigi. « Je me suis posé la question de savoir si je souhaitais apporter quelque chose à un patron, ou à mon pays. Le Sigi est un vecteur de productivité pour le pays, en apportant les éléments permettant de construire le fondement des échanges électroniques entre le citoyen et l’administration. J’y ai vu un énorme potentiel de simplification administrative, c’est pour cela que j’ai choisi de venir ici. »