Pour Danièle Fonck, le Tageblatt a influencé l'évolution du paysage politique et sociétal du pays. (Photo: Luc Deflorenne)

Pour Danièle Fonck, le Tageblatt a influencé l'évolution du paysage politique et sociétal du pays. (Photo: Luc Deflorenne)

Madame Fonck, dans quel état d’esprit abordez-vous le centenaire du journal que vous dirigez et au sein duquel vous êtes active depuis plus de 35 ans?

«Il y a deux sentiments qui prédominent. D’abord, pour un journal, 100 ans d’existence, c’est fabuleux. Lancer un quotidien le 30 juin 1913, quasiment à la veille de la Première Guerre mondiale, c’était un défi fou. Et puis 100 ans, c’est aussi la marque d’un siècle impressionnant. Le Tageblatt a accompagné un pays, une Europe et un monde avec deux guerres mondiales et a combattu la montée des pires extrémismes. Nous sommes donc un journal qui a non seulement vécu dans son siècle, mais qui a aussi contribué largement à influencer le paysage politique et sociétal dans son pays.

Cette influence est-elle ancrée, selon vous, dans la raison d’être d’un journal?

«Un journal a en effet le devoir d’être d’opinion, en ce sens qu’il y va d’une certaine mission d’intérêt public. Il faut faire en sorte que l’être humain compte au sein de la société. Et pour que l’Homme puisse être au centre de la société, et donc de la démocratie, il faut qu’il soit capable de discernement et de créer sa propre opinion. L’information, qui n’est pas neutre, doit donc être accompagnée d’analyses, de commentaires et de prises de position pour aider à forger des opinions contradictoires favorisant le débat démocratique… Et cela, nous l’avons toujours fait.

Y a-t-il encore aujourd’hui des combats aussi importants que ceux du passé?

«Les combats ne sont évidemment pas les mêmes, mais en termes d’importance, ils sont identiques. L’ascenseur social, aujourd’hui, n’est plus ascendant. Et il est pitoyable de voir que l’on revient, aujourd’hui, sur des lois pour lesquelles des générations se sont battues. Nous vivons aussi une évolution sociétale extraordinaire. Au début et pendant le 20e siècle, hommes et femmes de toutes catégories sociales se sont battus pour l’émancipation culturelle de leurs enfants. C’était une fierté d’imaginer que la génération suivante aurait de meilleures connaissances et un meilleur accès à ces connaissances. Mais on assiste actuellement à un nivellement par le bas.

Vous craignez que les journaux ne soient bientôt plus lus comme ils devraient l’être?

«Cela ne concerne pas uniquement les journaux, mais aussi l’information sur internet. Pour du ‘net’ de qualité, il faut aussi être capable de lecture et d’écriture. Or, si la société ne connaît plus le sens de la lecture ni l’étymologie des mots, nous allons vers un désastre. Comment pourra-t-on encore assurer une démocratie si l’on n’est plus capable de partager des valeurs communes? Il faut les connaître, les assimiler et en débattre. Or, on ne peut débattre de rien si on ne dispose que d’un savoir plus qu’approximatif.

Que pouvez-vous faire, en tant que média, dans ce combat?

«Nous battre et espérer que les autres aussi se battent tous les jours. Et que la classe politique se rende compte de ses défaillances, de ses devoirs, et se souvienne de ce pour quoi elle a été élue. Le monde ne se régit pas seulement sur la base d’influences, de lobbying. Au-delà, notre journal doit prouver qu’il apporte chaque jour sa petite quote-part d’excellence pour faire en sorte qu’il soit toujours et encore de meilleure qualité.»

Retrouvez l'intégralité de cette interview dans l'édition juillet-août de paperJam, à paraître ce jeudi 27 juin.