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 (Photo: Julien Becker)

Monsieur Binsfeld, comment voyez-vous les évolutions dans l’ICT?

«Notre secteur est très dépendant de l’industrie bancaire, ce qui explique son développement au Luxembourg. Avec la crise, l’un ayant souffert, l’autre a subi le même sort, mais à moindre échelle. La vitesse de renouvellement des infrastructures a diminué, les projets ont été décalés dans le temps, les investissements ont été ajournés… Pour autant, l’ICT n’a pas connu le même niveau de crise que le secteur financier. Cela dit, la crise a été moins marquée ici que dans d’autres pays, la stabilité de certaines grandes banques et la bonne santé de l’industrie des fonds n’y étant pas étrangères. Par ailleurs, la situation actuelle est également propice à de nouvelles opportunités: certaines banques ne considèrent plus l’ICT comme une priorité et ont ainsi tendance à l’outsourcer bien plus qu’auparavant. Ainsi ce qui est perdu en investissement est gagné en service. Ces dernières années ont également vu le développement de synergies entre intégrateurs et opérateurs, forts de leurs compétences télécom. Je pense que cette fusion des deux activités est une transformation importante du secteur, car il est de moins en moins viable de se limiter à l’une ou à l’autre.

Les perspectives sont donc optimistes?

«Le marché regorge en effet de potentiel à développer. Smartphones et BYOD (Bring your own device, ndlr), entre autres, nécessitent des infrastructures adaptées. La sécurité est également une voie d’avenir. On l’a bien compris en développant, à l’Université du Luxembourg, un centre interdisciplinaire pour la sécurité, la fiabilité et la confiance en matière de systèmes et de services ICT. Il est évident que les infrastructures à vocation large et orientées vers les particuliers ne sont pas tout à fait compatibles pour les entreprises qui recherchent une sécurité fiable, d’un très haut niveau. À nous de proposer des solutions toujours plus pointues, adaptées à leurs exigences.

Vos collaborateurs doivent correspondre à ces orientations?

«Lorsque nous recrutons – cette année, nous avons déjà embauché trois personnes –, ce sont, de plus en plus, des spécialistes de diverses compétences. Mais force est de constater que nous éprouvons toujours plus de difficultés à les trouver, sur le marché luxembourgeois comme dans la Grande Région d’ailleurs. Les raisons sont diverses, bien entendu, mais je pense que le manque d’offres de formations initiales joue un rôle. L’université propose des masters et autres formations de haut niveau, mais quid des formations courtes? Cette année, par exemple, le BTS Informatique et le BTS Telecom ne comptent que deux étudiants chacun! Les programmes ne sont plus adaptés à la réalité du terrain et ces BTS n’attirent plus autant les jeunes. Aussi, nous nous attachons à développer des formations en interne, et notamment des certifications spécifiques proposées par les constructeurs.

Dans l'absolu, quelle amélioration apporteriez-vous au marché?

«Selon moi, le secteur est trop fragmenté. Il y a trop d’acteurs. Il serait dans l’intérêt de beaucoup d’entre eux de se fédérer, de développer des collaborations. Sinon, je crains que certains, et notamment les plus petits, finissent par disparaître. Selon le Statec, le secteur ICT compte environ 1.600 sociétés dont près de 1.200 sont des développeurs de logiciels de moins de cinq personnes. Nombre de ces dernières viendront à disparaître si elles ne réfléchissent pas à des partenariats, notamment en développant des complémentarités entre intégrateurs et sociétés de télécom. L’avenir passe par là, à mon sens.»