Alexandre Fiévée: «Trois années pour préparer le Luxembourg au nouvel environnement juridique.» (Photo: archives paperJam)

Alexandre Fiévée: «Trois années pour préparer le Luxembourg au nouvel environnement juridique.» (Photo: archives paperJam)

Les grands défis juridiques de 2014 constituaient le thème central de la dernière édition des Apsi Days, organisée fin mars. L’occasion de faire le point sur les réformes annoncées, ainsi que leur impact sur l’aspect juridique.

Les deux avocats Alexandre Fiévée (Elvinger Hoss & Prussen) et Vincent Wellens (NautaDutilh) sont convenu que le principal défi auquel les acteurs de la place luxembourgeoise devront répondre en 2014 est celui de l’implémentation du nouveau cadre juridique annoncé dans le secteur de l’ICT.

Trois grands chantiers sont notamment concernés: la règlementation sur le commerce électronique, avec le renforcement de la protection des consommateurs; la réglementation du cloud computing et le régime de protection des données à caractère personnel, avec notamment un accroissement des obligations à la charge du responsable du traitement et, enfin, le projet sur l’archivage électronique visant à reconnaître la valeur juridique des documents dématérialisés et à organiser l’activité d’une nouvelle profession, les Prestataires de services de dématérialisation ou de conservation (PSDC).

Commerce électronique: «Une source d’insécurité pour le professionnel»

La nouvelle législation en matière de TVA sur le commerce électronique, qui entre en vigueur au 1er janvier 2015, constitue évidemment une échéance majeure pour la Place, mais elle n’est pas la seule. Ainsi, l’adoption du projet de loi no 6478, relatif à la vente à distance et à la vente hors établissement, renforce les obligations des professionnels proposant la vente en ligne de produits ou de services, notamment en matière d’informations avant la conclusion du contrat.

Il étend, en cas de non-respect de certaines dispositions, le délai de rétractation de 14 jours à 12 mois. «Ceci est une source d’insécurité pour le professionnel, dans la mesure où durant cette période le consommateur peut, à tout moment, remettre en cause la transaction et ce, sans qu’il n’ait à justifier le moindre motif. Ensuite, il se doit de répondre à de nouvelles obligations formelles dans le cadre du processus de souscription en ligne», indique Alexandre Fiévée.

En matière de TVA, le changement de législation (le paiement de la TVA se fera désormais dans le pays où le destinataire du service – et non plus le prestataire – est établi) fait évidemment perdre au Luxembourg un de ses atouts juridiques majeurs en matière de commerce électronique et, accessoirement, quelques centaines de millions d’euros dans les caisses de l’État.

Mais d’autres mécanismes juridiques permettent de maintenir le Luxembourg attrayant sur le plan légal. «Ainsi, le fait que les activités d’un prestataire de service ne sont réglementées que par les lois de l’État membre dans lequel il a son établissement, couplé au fait que le Luxembourg ne dispose pas de réglementation directe contraignante en matière de e-commerce, rendent le Grand-Duché compétitifs», estime Vincent Wellens, qui voit dans la mise en place du futur système du guichet unique en matière de protection des données à caractère personnel un autre point d’attractivité pour le Luxembourg.

Les atouts du Luxembourg

En matière de protection des données, en relation avec le cadre juridique autour du cloud computing, Alexandre Fiévée a rappelé que la législation européenne prévoit la mise en œuvre d’un règlement à l’horizon 2016. «Voilà pourquoi, comme l’a suggéré la CNPD dans son dernier rapport d’activité, il convient de profiter des trois années à venir, avant l’entrée en vigueur du texte, pour préparer le Luxembourg au nouvel environnement juridique annoncé», indique Alexandre Fiévée. 

Cela passe notamment par de nouvelles obligations à prévoir, notamment l’obligation de réaliser une étude d’impact pour certains types de traitements, le concept de «Privacy by design» ou encore l’obligation de notifier les violations de données.

Aux yeux de Vincent Wellens, le cadre légal du Luxembourg est résolument «fit for the cloud», notamment par le droit du client de revendiquer ses données auprès d’un prestataire qui aurait fait faillite. «En outre, il convient de noter que la tombée du régime du Safe Harbor (permettant le transfert de données personnelles aux États-Unis) pourrait être profitable au Luxembourg, celui-ci disposant des meilleurs data centers d’Europe et d’une législation protégeant fermement les données immatérielles.»

Enfin, les deux avocats estiment que le projet de loi sur l’archivage électronique constitue un bon moyen de promouvoir le Luxembourg comme plateforme européenne de centralisation des archives numériques des grands groupes internationaux, même s’il n’est pas sûr qu’un tel régime puisse s’exporter.