Sonia Masri, avocat junior associate au sein de Castegnaro-Ius Laboris Luxembourg. (Photo: Castegnaro-Ius Laboris Luxembourg)

Sonia Masri, avocat junior associate au sein de Castegnaro-Ius Laboris Luxembourg. (Photo: Castegnaro-Ius Laboris Luxembourg)

Bien que la transaction ait en principe autorité de la chose jugée, cette dernière ne prémunit pas les employeurs contre tout risque de contestations ultérieures de la part du salarié liées à sa validité ou ses effets.

Comment éviter de telles contestations? À quoi renoncent exactement les parties en signant une transaction suite au licenciement du salarié?

La Cour d’appel a notamment répondu à ces questions dans un arrêt du 22 décembre 2016.

En l’espèce, suite à son licenciement avec préavis, le salarié a envoyé un courrier à son employeur par le biais duquel il a:

  1. contesté la résiliation de son contrat de travail et
  2. proposé à ce dernier de mettre fin au litige né du licenciement par un arrangement extrajudiciaire moyennant paiement par l’employeur d’une indemnité transactionnelle d’un mois de salaire brut et communication d’une lettre de référence en contrepartie d’une renonciation du salarié à toute revendication résultant de la relation de travail («jegliche Ansprüche aus des bestehenden Arbeitsverhältnis»).

Par courrier subséquent, l’employeur a accepté l’offre du salarié, laquelle a été confirmée ensuite par le mandataire de ce dernier. Aucune convention écrite établie en deux exemplaires n’a cependant été signée entre les parties.

Quelques mois après le paiement de l’indemnité transactionnelle et la fin des relations de travail, le salarié a fait convoquer son ancien employeur devant le Tribunal du travail pour l’entendre condamner au paiement d’une indemnité de congés payés non pris.

L’employeur a opposé à cette demande l’exception de transaction et notamment la renonciation du salarié à toute action ultérieure.

Le Tribunal du travail a fait droit à l’exception de transaction et a rejeté la demande en indemnisation du salarié. La Cour d’appel dans son arrêt du 22 décembre 2016 a cependant réformé le jugement de première instance en rappelant les conditions de validité et la portée de la transaction.

1. Conditions de forme de la transaction: un écrit est-il obligatoire?

À défaut de signature d’une convention écrite en bonne et due forme, les parties se sont appuyées en l’espèce sur leurs échanges de courriers afin d’apporter la preuve de l’existence d’une transaction.

L’article 2044 du Code civil prévoit pourtant que: «La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.»

Néanmoins, selon la Cour, cette condition de l’écrit n’est requise que pour la preuve et non pour la validité de la transaction.

Il résulte de cette interprétation de la Cour que la transaction n’est soumise à aucun formalisme particulier et que son existence peut être établie selon les modes de preuve établis en matière de contrat (i.e. articles 1341 et suivants du Code civil), à savoir par échange de correspondance, témoins, etc. lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit.

En outre, la transaction étant un contrat consensuel, celle-ci sera valablement formée par le seul échange des consentements des parties. En l’occurrence, la rencontre des volontés entre les parties s’est manifestée par les différents courriers échangés constatant une offre formulée par le salarié suivie d’une acceptation de l’employeur.

2. Conditions de fond: l’existence d’un différend et de concessions réciproques

En application de l’article 2044 du Code civil, la transaction est soumise à l’existence d’un litige né ou à naître. La jurisprudence est venue compléter les conditions de validité de la transaction par l’existence de concessions réciproques en vue de mettre fin ou d’éviter tout litige. À défaut, la transaction est nulle.

En l’espèce, la contestation par le salarié de son licenciement et les concessions réciproques formulées par chacune des parties dans leurs courriers (i.e. une lettre de référence et le paiement d’un mois de salaire brut en contrepartie d’une renonciation du salarié à toute réclamation liée à la relation de travail) permettent de conclure que les conditions de validité de la transaction étaient bien réunies.

3. La portée de la transaction: à quoi renonce le salarié en signant un tel document suite à son licenciement?

À titre de concessions réciproques, l’employeur s’engage traditionnellement à payer une indemnité transactionnelle contre renonciation du salarié à toute action en justice. Cette clause de renonciation du salarié est souvent formulée de manière générale et il est difficile de savoir, comme en l’espèce, quels sont les droits et actions auxquels renonce le salarié exactement.

Tel que rappelé par la Cour dans l’affaire du 22 décembre 2016, «l’effet libératoire d’une transaction est limité à son objet» et «toute action judiciaire portant sur un élément non envisagé lors de la transaction reste valable» [1].  

Cela signifie que l’effet d’une transaction est limité à l’objet du différend que les parties avaient entendu éviter. En vue de déterminer l’objet du différend, les juges doivent rechercher quelle était la commune intention des parties au moment de la conclusion de cette dernière en prenant en considération la rédaction des termes convenus, respectivement «les suites nécessaires de ce qui a été exprimé».

En l’espèce, le différend que les parties ont entendu éviter était relatif au licenciement du salarié, comme en témoignent non seulement la contestation de ce dernier lors de la formulation de sa proposition d’arrangement, mais également l’objet de l’indemnité offerte par l’employeur en compensation de la perte d’emploi du salarié (i.e. «Verlust des Arbeitsplatzes»).

Le périmètre de renonciation du salarié était donc limité aux revendications liées à la rupture de son contrat de travail.

La Cour a poursuivi son analyse en examinant en l’espèce si les parties avaient entendu inclure dans la transaction l’indemnité de congés non pris comme une «suite nécessaire» du litige né de la résiliation du contrat de travail.

Selon la Cour d’appel, l’indemnité de congés non pris n’avait pas été discutée entre les parties, d’autant que le salarié s’était prévalu des congés payés non pris résultant de sa fiche de salaire du mois d’avril 2014 à la fin du préavis, soit après la conclusion de la transaction.

Il en ressort que lesdits congés non encore pris au mois d’avril 2014 ne constituaient pas une prétention née de la rupture du contrat de travail, et que, de ce fait, ce différend n’était pas encore inscrit dans le périmètre de la transaction au moment de sa conclusion.

Dans la lignée de la jurisprudence récente en la matière[2], la Cour a donc admis la demande du salarié et rejeté l’exception de transaction soulevée par l’employeur.

En conclusion, afin d’éviter un tel risque d’action judiciaire postérieure à la conclusion d’une transaction, il reste recommandé aux parties désirant mettre un terme aux contestations nées ou à naître suite à la résiliation du contrat de travail de:

  • prendre pour support un document écrit, qu’il conviendra de dater et signer par les parties en autant d’exemplaires qu’il y a de parties;
  • bien définir l’objet de la transaction en y décrivant précisément le litige existant ou à naître entre les parties;
  • apporter une vigilance particulière à la rédaction de la clause de renonciation en indiquant que cette dernière porte sur tous les droits, actions et prétentions résultant tant de l’exécution que de la résiliation du contrat de travail, et d’énumérer avec précision ces droits, actions et prétentions.

Cour d’appel du 22 décembre 2016, n°43651 du rôle

[1] Article 2048 du Code civil: «Les transactions se renferment dans leur objet: la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu.»

Article 2049 du Code civil: «Les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.»

[2] Arrêt de la Cour d’appel du 17 mars 2016, n°42136 du rôle.