Paperjam.lu

 

Le licenciement avec préavis

Tout employeur occupant plus de 150 salariés doit, avant toute décision de licencier, convoquer l’intéressé à un entretien préalable au licenciement. «Le non-respect de cette procédure entraîne l’irrégularité du licenciement, qui est sanctionnée par l’allocation d’une indemnité maximale d’un mois de salaire si, par ailleurs, le licenciement est fondé sur des motifs précis, réels et sérieux», explique Me Christian Jungers.

L’entretien préalable au licenciement peut être fixé au plus tôt au 2e jour ouvrable travaillé qui suit l’envoi de la lettre recommandée de convocation ou de la remise de la lettre contre récépissé. Cependant, une convention collective peut prévoir d’autres limites. «La notification du licenciement doit être faite par lettre recommandée ou par remise en mains propres, et la signature apposée par le salarié sur le double de la lettre de licenciement vaut accusé de réception de la notification.»

Le licenciement doit être notifié au plus tôt le jour qui suit celui de l’entretien préalable et au plus tard huit jours après cet entretien. «Afin d’éviter que le salarié devienne subitement malade, il est impératif d’envoyer en tout état de cause un recommandé avant de faire une remise en mains propres», conseille Me Christian Jungers.

Si le salarié dûment convoqué ne se présente pas à l’entretien préalable, le licenciement peut quand même être notifié dans les délais prémentionnés, soit au plus tôt le jour qui suit celui fixé pour l’entretien préalable et au plus tard huit jours après le jour fixé pour l’entretien.

«Dans un délai d’un mois après la notification de la lettre de licenciement, la personne licenciée peut demander à l’employeur, par lettre recommandée, la communication des motifs de son licenciement.» Celui-ci est alors tenu de communiquer les motifs de son licenciement, également par lettre recommandée, à la personne licenciée au plus tard un mois après la notification de la lettre demandant les motifs du licenciement. À défaut de respecter le délai d’un mois précité, le licenciement est considéré comme abusif.

Des motifs réels et sérieux

Les motifs doivent être énoncés avec précision, c’est-à-dire avec l’indication des éléments suivants: (i) description détaillée des faits reprochés; (ii) indication des jours et/ou des heures où se sont déroulés les faits reprochés; (iii) l’indication des personnes présentes lors des faits ou des personnes concernées par les faits; (iv) l’indication des règles internes transgressées, etc.; et (v) les conséquences pour l’entreprise.

Tout élément de fait permettant d’exposer de la manière la plus détaillée possible la situation à la base du licenciement devra figurer dans la lettre communiquant les motifs à la personne licenciée. «Tout litige devant les tribunaux se joue sur base de ce courrier. Il est dès lors très important de bien soigner la rédaction de celui-ci», précise Me Christian Jungers.

Les motifs doivent être réels et sérieux. La cause réelle du licenciement implique un élément matériel, constitué par un fait concret susceptible d’être prouvé et un élément psychologique, c’est-à-dire que le motif énoncé par l’employeur doit être exact et doit fournir la cause déterminante qui a provoqué la rupture.

La cause sérieuse revêt une certaine gravité qui rend impossible, sans dommage pour l’entreprise, la continuation des relations de travail. La faute ainsi envisagée s’insère en quelque sorte entre la faute légère, exclusive de rupture de contrat et la faute grave, privative de préavis et d’indemnité de rupture.

«Le délai pour contester le licenciement est de trois mois après la notification du licenciement ou, le cas échéant, après la notification de la lettre faisant part des motifs du licenciement. Si l’employeur ne communique pas les motifs, le délai prémentionné commence à courir le jour de l’expiration du délai qu’il avait pour communiquer les motifs. Si la personne a contesté les motifs à la base de son licenciement dans ce délai précité, elle pourra introduire une action en justice dans l’année qui suit sa première contestation.»

En fonction de l’ancienneté du salarié, la durée du préavis est différente. Celui-ci est de deux mois pour des salariés de moins de cinq ans, quatre mois pour des salariés de cinq et moins de 10 ans d’ancienneté ou six mois pour une durée égale ou supérieure à 10 ans. «Une convention collective peut augmenter la durée du préavis. Tel est le cas dans le domaine bancaire et assurance pour un licenciement économique. Le préavis peut aussi être assorti d’une dispense de travail.» À cela s’ajoute une indemnité de départ qui varie entre 0 et 12 mois en fonction de l’ancienneté du salarié à licencier.

La démission avec préavis

La démission est la résiliation unilatérale du contrat de travail par le salarié. Conformément à l’article L.124-4 du Code du travail, la démission doit être exprimée par écrit et notifiée par courrier recommandé, la signature apposée par l’employeur sur le double de la lettre de démission valant accusé de réception de la notification.

«Selon la forme de la démission, les employeurs ont souvent du mal à savoir si le salarié voulait effectivement démissionner ou non. Une démission ne se présumant pas, il est conseillé à l’employeur de se faire signer une démission en bonne et due forme lorsqu’un salarié quitte son lieu de travail en annonçant ne plus revenir», avise Me Christian Jungers, spécialisé dans la défense des intérêts des employeurs.

En cas de démission, le salarié doit respecter un préavis d’un à trois mois, en fonction de son ancienneté. Ainsi, pour un salarié de moins de cinq ans, un préavis d’un mois lui sera imposé. Pour un salarié d’une ancienneté de cinq et moins de 10 ans, la durée est de deux mois. Au-delà de cette durée, c’est-à-dire à partir de 10 ans d’ancienneté au moins, il est de trois mois. «S’il est tout à fait possible de prévoir des préavis au-delà des préavis légaux à respecter par l’employeur en cas de licenciement avec préavis, l’ordre public empêche que les parties au contrat prévoient un préavis plus long à respecter par le salarié en cas de démission.»

Le préavis débute le 1er ou le 15e jour d’un mois, dépendant du jour de la notification de la démission, soit avant ou après le 14e jour d’un mois; le préavis débute nonobstant le fait que le 1er ou le 15e jour d’un mois peut être un jour férié ou un dimanche.

Toutefois, lors d’une démission, le salarié peut demander une dispense jusqu’à la fin du préavis. «En cas d’accord donné par l’employeur, l’article L.124-9 (3) du Code du travail prévoit que le consentement de l’employeur entraîne la résiliation du contrat de travail par consentement mutuel.» Si, cependant, l’employeur accorde une dispense, sans que le salarié ait demandé celle-ci, le contrat n’expire qu’après la fin du préavis applicable.

En bref

Différentes étapes d’un licenciement avec préavis

  • Vérifier si le salarié n’est pas encore en période d’essai.
  • Vérifier si le salarié n’est pas malade (ou autrement protégé contre le licenciement) et envoyer la lettre de licenciement ou la convocation à l’entretien préalable en recommandé, suivi, le cas échéant, par une remise en mains propres.
  • Le salarié dispose d’un mois pour demander les motifs par écrit (recommandé).
  • L’employeur doit répondre dans le mois de la réception de la demande de motifs (par recommandé).
  • Le salarié dispose alors de trois mois pour soit introduire une requête devant le tribunal du travail, soit contester le licenciement par courrier recommandé.
  • En cas de contestation, le salarié dispose d’un délai d’un an pour introduire une action en justice.

Jurisprudence

Le licenciement économique

La jurisprudence en la matière étant très variée, il est devenu plus difficile de résilier un contrat de travail pour des motifs économiques. Est-ce que les employeurs doivent se poser des questions quant au choix de la personne à licencier, la situation économique de l’entreprise ou quant aux alternatives au sein de l’entreprise? Cependant, quand il est prononcé, le licenciement pour des motifs économiques empêche généralement le licencié de trouver gain de cause en cas de poursuite.

Dans un arrêt de la Cour d’appel du 17 octobre 2013, no38968 du rôle, la Cour a considéré que l’employeur a exercé son droit de licenciement d’une manière intempestive en procédant au licenciement d’un salarié, ayant une ancienneté de 25 ans, âgé de 49 ans et exposé à un risque considérable de ne pas retrouver d’emploi compte tenu de la situation économique et de la dévalorisation sur le marché du travail des personnes de l’âge du salarié, sans proposer à celui-ci de continuer son travail au sein de l’entreprise, soit à un autre poste, soit au même poste, mais avec un salaire moins important. Dans ces conditions, le licenciement est à considérer comme dépourvu de motifs réels et sérieux.

Ainsi, la Cour reproche à l’employeur de ne pas avoir considéré d’autres possibilités avant de résilier le contrat de travail pour des motifs économiques; ce qui entraîne dès lors une obligation d’analyser chaque cas en détail afin de pouvoir exclure d’autres solutions et de considérer le licenciement comme dernière et ultime sanction.

Cependant, les arrêts du 16 janvier 2014, no37951 et du 6 mars 2014, no38545 du rôle, relativisent l’arrêt prémentionné et considèrent qu’«il appartient au chef d’entreprise, qui est seul responsable des risques assumés et qui bénéficie du pouvoir de prendre les mesures que paraît commander la situation donnée de l’entreprise, de faire le choix des personnes touchées par les mesures, sauf à la personne licenciée de prouver qu’elle a été victime d’un abus de droit et que le motif invoqué n’était qu’un prétexte pour se défaire d’elle».

Par ailleurs, les juges ont considéré, conformément à la jurisprudence constante, que «si le chef de l’entreprise est seul responsable du risque assumé par l’exploitation de l’entreprise, il bénéficie corrélativement du pouvoir de direction. Il décide donc seul de la politique économique de l’entreprise, de son organisation interne et des modalités techniques de son fonctionnement, qu’il peut à tout moment aménager à son gré. Le juge ne saurait à aucun titre se substituer à lui dans l’appréciation de l’opportunité des mesures prises, quelles que soient les répercussions au regard de l’emploi. Le chef d’entreprise est dès lors admis à opérer les mesures de réorganisation et de restructuration qu’il estime opportunes et à procéder aux licenciements avec préavis fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise qui en sont la suite, sauf à la personne licenciée d’établir que son congédiement est sans lien avec la mesure incriminée et ne constitue pour l’employeur qu’un prétexte pour se défaire de son salarié».

Au vu de ce qui précède, un licenciement pour motif économique est bien sûr réalisable, sans que l’employeur soit obligé de proposer d’autres mesures au salarié.

Cependant, une décision assez récente de la Cour d’appel (arrêt du 3 avril 2014, no38241 du rôle) semble à nouveau exiger que l’employeur fasse tous les efforts nécessaires pour reclasser le salarié en interne avant de prendre l’ultime solution que constitue le licenciement pour motif économique.