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Le Code du travail semble a priori clair: le salarié en congé parental bénéficie d’une protection spéciale contre la suppression de son emploi durant toute la durée du congé.

Cette protection est double, en ce sens que:

  • le licenciement avec préavis du salarié en congé parental[1] est interdit sous peine de nullité, et
  • l’employeur a l’obligation légale pendant toute la durée du congé parental de «conserver l’emploi du salarié ou en cas d’impossibilité, un emploi similaire correspondant à ses qualifications et assorti d’un salaire au moins équivalent» (nouvel article L. 234-47 (9) du Code du travail[2]).

Comment s’articule cependant cette obligation pour l’employeur de maintenir l’emploi du salarié durant le congé parental avec son droit de procéder à son licenciement à son retour?

L’article L. 234-47 (9) du Code du travail n’interdit-il pas implicitement à l’employeur de supprimer le poste du salarié à son retour de congé parental et de le licencier avec préavis pour cette raison?

Si cette position avait été retenue il y a deux ans par la 8e chambre de la Cour d’appel[3], ce n’est pas la solution qui a été adoptée par la 3e chambre le 6 décembre dernier.

En l’espèce, l’employeur avait motivé le licenciement avec préavis de sa salariée engagée 9 ans auparavant comme «secrétaire de direction» à son retour de congé parental, après une absence de 10 mois[4], par la suppression de son poste de travail, devenu superflu.

L’employeur justifiait notamment sa décision par le fait que, durant l’absence de la salariée, il avait redistribué ses tâches à deux autres salariées sans que cela ne perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise, et que le volume de travail de l’entreprise n’était plus suffisant au jour du licenciement pour occuper trois secrétaires. En outre, la suppression de poste de la salariée permettait à l’employeur de réduire une partie de ses charges et coûts d’exploitation.

La salariée, estimant que son poste avait d’ores et déjà été supprimé durant son congé parental, réclama des dommages et intérêts pour licenciement abusif en invoquant notamment la violation par l’employeur de l’article L. 234-47 (9) du Code du travail.

La Cour ne lui donna cependant pas raison.

En effet, la Cour jugea tout d’abord que le poste de la salariée n’avait pas été supprimé pendant son congé parental, l’employeur n’ayant fait que réorganiser ses services aux fins de pallier au mieux l’absence de la salariée. Aussi, faute pour la salariée d’avoir prouvé un comportement abusif de la part de son employeur, la Cour rejeta son argument fondé sur l’article L. 234-47 (9) du Code du travail.

Quant au caractère réel et sérieux des motifs du licenciement soumis à son appréciation, la Cour rappela que «l’employeur peut réorganiser son entreprise d’une manière plus rationnelle, partant légitimement licencier un salarié qui n’est plus indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise et qui de surcroît lui permet une réduction des charges et coûts d’exploitation sans que le juge ne puisse contrôler l’opportunité de la mesure de réorganisation».

Finalement, pour valider le licenciement prononcé et débouter la salariée de sa demande en dommages et intérêts, la Cour conclut qu’«aucune disposition légale ne fait obligation à l’employeur de maintenir dans son entreprise un poste superflu à la seule fin d’assurer la stabilité de l’emploi de son personnel».

 

Cour d’appel, 6 décembre 2018, n°45227 du rôle

[1] Le licenciement avec effet immédiat reste autorisé pendant le congé parental.
[2] Ancien article L. 234-48 (7) du Code du travail applicable au moment du licenciement.
[3] Cour d’appel, 2 février 2017, n°41118 du rôle: «Dès lors, en licenciant la salariée le premier jour qui suit le congé parental, l’employeur ne lui a pas permis de retrouver son poste de travail ni un poste équivalent ou similaire. L’employeur n’a donc pas conservé son emploi, ou à supposer que cette conservation ait été impossible, un autre emploi équivalent et a procédé à un licenciement violant le droit de la salariée de retrouver son poste ou un poste équivalent ou similaire».
[4] La salariée avait été en congé maternité, puis en congé parental.

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