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Pour Edmond Toussing, il semble incroyable que pratiquement tous les grands du secteur télécom aient oublié les notions de calcul élémentaires. Selon le directeur général de l'Entreprise des P&T, il ne faut ni être magicien, ni génie en mathématiques pour savoir que certaines opérations ne se calculent pas, du moins pas en positif. "Comment voulez-vous prédire le bien-fondé d'une alliance stratégique sur le plan global' Prenons l'exemple d'une firme X avec laquelle vous signez une alliance parce qu'elle présente à l'heure donnée une synergie intéressante. Vous ne pourrez jamais contrôler ni prévoir ce qui se passera par la suite. La société en question sera peut-être rachetée. Finalement, la partie qui vous semblait intéressante cessera ses activités pour des raisons qui vous échappent, mais cela signifie que votre stratégie n'aboutit pas. Plus cette stratégie vous engage, plus elle vous mettra en péril! L'achat d'une firme, par contre, signifie qu'on peut la contrôler, mais encore faut-il ne pas payer n'importe quel prix en spéculant. Il ne faut guère plus qu'une troisième année d'études primaires pour savoir qu'il est impossible de rentabiliser un client potentiel qu'on aura payé un demi million de francs quand on connaît le revenu réel rapporté par un client par mois".

Edmond Toussing est très clair sur le sujet. Ce n'est pas le secteur des télécoms qui est fébrile, ce sont les managers victimes de la folie des grandeurs qui ont man'uvré le secteur dans une situation délicate alors que le marché est foncièrement sain.

Parmi les causes de cette situation, Edmond Toussing cite la libéralisation, qu'il considère d'ailleurs comme une "bonne chose". Néanmoins, le directeur général la compare à la ruée vers l'or: tout le monde s'y précipite, mais, en fin de parcours, il n'y a plus d'or.

Au sujet de Bruxelles, Edmond Toussing pense que la Commission a abordé la libéralisation des infrastructures d'une façon trop légère, sans trop se rendre compte des problèmes techniques et logistiques. En conclusion, le directeur général constate que le secteur est encombré de réglementations plus lourdes que jamais. "À tel point que dans le cas de la boucle locale, nous sommes quasi expropriés, forcés à la colocation avec des externes pour un loyer imposé. Là, nous heurtons les limites de la libéralisation qui crée paradoxalement plus de règlements que jamais ; aujourd'hui, la boucle locale est confisquée et, demain, l'on saisira l'infrastructure. En ce moment, nous avons plus de difficultés avec la réglementation qu'avec les concurrents".

 Le directeur général des P&T semble plus s'indigner de Bruxelles que de la concurrence. En effet, les concurrents sont aussi des clients, mais, affirme Edmond Toussing, ils ne veulent que profiter des services de l'EPT sans vraiment prendre de risques importants. "Pourtant, ils étaient tenus d'investir eux aussi, mais pour l'instant, ils ne sont pas nombreux à le faire. L'idée de départ de la libéralisation n'était pas de partager une seule et même infrastructure, mais de créer des réseaux alternatifs tels Powerline ou encore Wireless, etc. Or, que voyons-nous aujourd'hui? Les concurrents enfoncent la porte des régulateurs ou agissent même en justice pour demander que nous mettions notre infrastructure à leur disposition, de préférence à titre gratuit. Tant qu'ils n'obtiendront pas gain de cause, ils proclameront en public que le secteur n'est toujours pas libéralisé?".

Edmond Toussing précise ses propos : "Nous ne sommes pas contre le dégroupage de la boucle locale, mais il faut comprendre que cela devra se faire à des conditions commerciales raisonnables, c'est-à-dire à des conditions qui nous permettent d'amortir nos investissements. Nous ne voulons pas être de ceux qui investissent, assument tous les risques alors que les autres n'ont qu'à intervenir auprès du régulateur pour qu'ils puissent se servir à moindre prix. C'est là le grand problème de la libéralisation 'made in Brussels'".