À l’heure actuelle, les efforts des entreprises se focalisent sur le choix des solutions techniques à adopter et moins sur l’accompagnement de leurs employés. (Photo: Nader Ghavami)

À l’heure actuelle, les efforts des entreprises se focalisent sur le choix des solutions techniques à adopter et moins sur l’accompagnement de leurs employés. (Photo: Nader Ghavami)

Le débat de la digitalisation est toujours en cours et il n’est certainement pas prêt de se terminer. Mais au-delà de l’aspect purement technique, il commence à déborder sur la dimension sociale. Et c’est un des points qui occupent de plus en plus les autorités, tout comme les entreprises.

«En tant que ministre, je devais aborder la transformation digitale non pas seulement d’un point de vue technique, mais avec une approche qui place l’humain au centre de ce processus», déclare le ministre du Travail, Nicolas Schmit, invité de la table ronde organisée par KPMG et l’Economist Club Luxembourg. «Des emplois seront automatisés, certes, mais pas forcément à 100%. Il est donc essentiel d’anticiper les nouvelles relations entre l’homme et la machine.»

À l’heure actuelle, les efforts des entreprises se focalisent sur le choix des solutions techniques à adopter. Les prestataires sont nombreux sur ce créneau et l’expertise technique existe. Le gouvernement, lui, cherche à encourager le secteur privé à penser à accompagner ses ressources humaines dans cette évolution.

«Le chômage est une perte de temps»

Et quand il s’agit d’humains, on ne parle pas de transformation digitale, mais de formation. Le programme Digital Skills Bridge, lancé cet automne par le ministère du Travail, est sans doute l’une des solutions les plus abouties et les plus innovantes du continent en la matière.

Celle-ci permet aux entreprises d’obtenir une aide conséquente de l’État pour donner accès à leurs collaborateurs qui en ont le plus besoin à des formations aux nouvelles technologies. Le but étant de favoriser leur mobilité au sein de l’entreprise, ou à l’extérieur. Tout en leur assurant leur salaire durant la période d’apprentissage.

«L’idée de ce programme est d’éviter au maximum le chômage, car cela est négatif pour tout le monde», continue Nicolas Schmit. «Le chômage coûte cher à l’État et c’est une perte de temps.»

Ne pas confondre connaissance et compétence

Une vingtaine d’entreprises luxembourgeoises ont pris part au projet pilote lancé par le ministre cet automne. On y trouve de nombreuses PME, notamment dans l’artisanat, mais également des structures plus importantes, comme la BCEE.

«La digitalisation impacte notre banque à deux niveaux. Le premier est la façon dont nous communiquons avec nos clients et le second est notre organisation interne», note Françoise Thoma, la CEO de la banque d’État. «Il faut donc faire évoluer nos employés. Mais je pense qu’il ne faut pas confondre connaissance et compétence (knowledge and skill).»

Car c’est bien de compétence dont ont aujourd’hui besoin les entreprises pour faire face à la digitalisation. Et plus particulièrement de compétence humaine, comme l’écoute, l’ouverture, l’empathie et surtout la capacité de pouvoir apprendre de nouvelles choses.

Pour la banque, c’est une mentalité particulière qu’il faut avoir. Les connaissances ne sont pas le cœur du problème.

«Un paradoxe intéressant à étudier»

Mais certains ne l’ont pas et doivent se préparer à perdre leur emploi. Car tout le monde ne pourra pas s’adapter à l’invasion des machines et des solutions numériques. Ces personnes-là ne seront pas non plus en mesure de bénéficier des nombreuses «opportunités» dont les experts de la digitalisation nous vantent l’arrivée, et qui doivent compenser la destruction d’emplois plus classiques par des robots.

D’un point de vue technique, la révolution digitale semble une ligne droite sans embuche. Les évolutions sociales qu’elle fait naître sont toutefois tortueuses et difficiles à prévoir. Certains constats statistiques offrent de premières pistes de réflexion.

«Alors que les investissements dans le secteur de l’ICT n’ont jamais été aussi importants, on observe une baisse de la productivité dans de nombreux pays», remarque Serge Allegrezza, le directeur du Statec. «C’est un paradoxe intéressant à étudier.»

Nous allons voir des gens quitter les secteurs où il existe une haute productivité.

Serge Allegrezza, directeur du Statec

Des études montrent en effet que certaines tâches ont déjà atteint leur niveau d’automatisation maximum. À l’inverse, dans certains secteurs, l’homme ne pourra pas être remplacé par une machine, comme tout ce qui touche aux activités sociales et de soins. La productivité ne pourra pas y être améliorée.

«Donc nous allons voir des gens quitter les secteurs où il existe une haute productivité et il est probable qu’ils se dirigeront vers ces secteurs à moindre productivité. C’est en tout cas ce que nous cherchons à observer en statistique.»