Petra Buderus est la DRH de Stëftung Hëllef Doheem). (Photo: Jessica Theis)

Petra Buderus est la DRH de Stëftung Hëllef Doheem). (Photo: Jessica Theis)

Madame Buderus, la fondation Hëllef Doheem est en permanente croissance. Comment l'expliquez-vous?

«Effectivement, nous travaillons avec presque 2.000 collaborateurs. Cela représente une croissance significative, puisque nous avons commencé, il y a 15 ans, avec 250 collaborateurs. Ce secteur n’en finit pas de se développer.

Je pense que le ‘succès’ de la fondation est, d’une part, lié à des éléments démographiques. L’espérance de vie augmente et les personnes âgées sont de plus en plus nombreuses. Il importe donc de rechercher des solutions diversifiées et adaptées pour accompagner nos clients jusqu’à la fin de leur vie en préservant un maximum d’autonomie, chez eux et dans de bonnes conditions.

En cela, et c’est certainement un des grands facteurs de réussite, la fondation a toujours su anticiper les besoins au juste moment, faire les bons choix et travailler dans les bonnes directions, notamment par le développement de services et activités complémentaires de qualité. D’autre part, le niveau des services prodigués et l’attitude ‘mënschlech a kompetent’ (humain et compétent, ndlr) de nos collaborateurs jouent énormément dans la confiance que nos clients nous témoignent.

Comment est composé votre service des ressources humaines?

«La gestion quotidienne des collaborateurs est assurée par nos équipes dirigeantes dans les différentes antennes et services. Notre administration centrale se situe à Luxembourg-ville et regroupe les métiers de support. Les ressources humaines comptabilisent trois départements: administration des salaires, formation et développement personnel et recrutement.

Comment se déroule la fonction de DRH au sein d’une telle structure?

«Évidemment, je ne peux pas gérer les 2.000 collaborateurs qui y travaillent au quotidien. Au sein de nos différentes antennes, chaque équipe gère environ 100 personnes. Nous comptons 12 foyers de jour, 25 centres d’aides et trois services nationaux.

Avec mes services, je m’occupe de mettre en place des actions qui découlent de la stratégie de la fondation, de coacher les équipes RH, de faire de ‘l’input stratégique’, de soutenir les équipes dirigeantes, d’offrir des formations continues en adéquation avec la demande des clients et les besoins des équipes. Pour pouvoir assurer une qualité constante de soins et de personnel sur tout le pays, nous sommes obligés de veiller à une application nationale des principes de gestion et des cadres légaux. La réglementation dans le secteur est assez complexe et demande une gestion quotidienne et beaucoup de communication.

J’interviens auprès des dirigeants sur toutes les questions de gestion quotidienne, droit du travail, recrutement, besoin de formations, gestion de conflits, etc. Il s’agit de mettre en place des stratégies à développer au sein des différents services.

J’ai rejoint la fondation l’année dernière et je me suis fixé comme objectif de rendre visite régulièrement, au moins une fois par an, à toutes les équipes dirigeantes et centres du pays afin de discuter avec eux des besoins de formation, de faire des workshops spontanés sur des thèmes RH liés à leur actualité ou sur des thématiques dans le cadre de notre stratégie RH. L’idée étant d’avoir une plateforme d’échanges réguliers et de proximité sur les sujets RH.

Vous parliez de ‘l’input stratégique’, que signifie cette mission?

«Il se situe à plusieurs niveaux. Au niveau de la direction, d’abord, pour donner le point de vue RH sur les besoins de développement de la fondation et dire ce qui est faisable, souhaitable et dans quelles conditions. Il intervient aussi au niveau des services, des centres et équipes dirigeantes, pour pouvoir mettre en place des actions qui permettent aux équipes d’atteindre leurs objectifs dans les meilleures conditions et engendrer autant de satisfaction chez nos clients que chez nos collaborateurs, pour lesquels nous souhaitons être et rester un employeur attractif et de choix.

De manière générale, une stratégie RH est un acte de balance entre le besoin organisationnel et le besoin individuel, dans un contexte et cadre économique réglementés.

Quels sont les profils les plus recherchés dans le domaine des soins à domicile?

«Nous recherchons principalement des infirmiers, des aides-soignants, des aides socio-familiales et des auxiliaires de vie.

Quels sont les critères de recrutement?

«Pour pouvoir prester des actes de soins, nous exigeons de notre personnel qu’il soit qualifié dans son métier. Pour cela, chaque diplôme, s’il n’a pas été passé au Luxembourg, doit être validé dans notre pays. Le cadre légal impose également que le personnel maîtrise au moins deux des langues usuelles au Luxembourg, c’est-à-dire, le luxembourgeois et l’allemand ou le français. Quand un candidat parle également une autre langue, c’est encore mieux.

Que se passe-t-il quand la personne que vous aimeriez recruter ne parle pas le luxembourgeois?

«Nous lui demandons d’apprendre la langue. C’est le règlement. Nous avons l’ambition de former tout le monde. Les clients expriment une préférence et un besoin d’être soignés dans leur langue maternelle. Notre ligne de conduite repose sur ‘l’humain et les compétences’. Ce sont des critères de recrutement.

Chaque membre de notre personnel doit présenter un réel intérêt pour l’être humain, avoir l’envie d’aider, et cela de manière irréprochable. Le comportemental est déterminant. Ce ne sont pas que des métiers, mais des vocations. Pour ceux qui ne connaissent pas bien le travail en réseaux d’aide et de soins ou les métiers d’aide, nous organisons, par exemple, des journées d’essai pendant lesquelles les candidats peuvent observer un membre de nos équipes dans son travail. Cela permet au futur embauché de s’assurer qu’il est vraiment fait pour le métier auquel il se prédestine. La compétence technique, la langue et la relation humaine sont trois critères indissociables.

Certaines qualités prédominent-elles?

«Évidemment, à côté de la compétence technique, l’aspect soigné, la manière de communiquer et de parler sont tout aussi importants. Nous attendons de notre personnel qu’il croie aux valeurs fondamentales de notre fondation et qu’il les vive. Ce sont des métiers où les gens doivent accompagner, parfois jusqu’à la mort, nos clients. Il faut être solide mentalement, car il arrive que l’on s’attache à ses clients ou que l’on ait à traiter des situations délicates. Chacun doit s’y préparer. Mais, généralement, le client est très reconnaissant.

Comment faites-vous en situation de crise?

«Nos équipes dirigeantes locales gèrent chaque situation avec leurs personnels. Leur proximité facilite les rapports. Si cela est insuffisant, une cellule de conseil et d’orientation au sein du département RH est mise à disposition de nos employés, pour que chacun puisse, à tout moment, s’adresser à un psychologue en cas de besoin. S’il traverse une situation personnelle ou familiale délicate, il est nécessaire d’en parler. Cela permet de dénouer certains blocages et de prévenir d’un état d’épuisement ou de démotivation.

Vous avez été DRH chez KPMG, puis chez Multifonds, une société IT active dans les solutions d’administration de fonds. Depuis plus d’un an, vous dirigez le service RH du plus gros réseau d’aide à domicile… Est-ce que les RH se gèrent de la même façon dans les trois cas?

«Les êtres humains restent des êtres humains. Les outils de développement, les situations de conflits sont les mêmes. En revanche, on utilise des clés de travail différentes et propres à chaque culture d’entreprise.

Chaque employé a besoin de reconnaissance dans le travail qu’il réalise, qu’on lui donne un cadre de travail épanouissant. J’essaie de trouver des outils avec lesquels ils vont pouvoir évoluer. Mais il est vrai que les objectifs financiers diffèrent des objectifs sociaux et cela impacte une culture de travail.

J’ai énormément appris dans le milieu de la finance, vécu et partagé des moments inoubliables avec des femmes et des hommes formidables, mais, personnellement, j’étais et suis heureuse de retrouver ces objectifs social et humain.

Bien sûr, le secteur est en mouvement continu et, ici, comme dans le secteur de la finance, nous devons, dans un contexte économique difficile, veiller à l’efficience de notre travail afin d’en assurer la pérennité. En cela, mon expérience dans un grand cabinet de consultance est très utile et valorisante pour moi.

Peut-on appliquer les mêmes outils de management des ressources humaines dans les trois cas de figure?

«À travers mes expériences, j’ai été formée au leadership et au management et je continue à percevoir et vivre la gestion des ressources humaines comme une activité de services auprès du client interne: les membres du personnel en général, les équipes dirigeantes, les services… L’objectif final reste le même et repose prioritairement sur le développement organisationnel. Cela permet de développer l’ensemble des structures et de participer à l’épanouissement individuel de chacun dans la situation professionnelle qui lui est propre. Je dois continuellement anticiper sur les besoins de la clientèle et définir nos besoins en recrutement et en formation.

Je retrouve plusieurs similitudes avec KPMG en termes de compétence RH: planification des besoins de formation dans un contexte très règlementé, planification des besoins de recrutement et des équipes qui travaillent chez le client. Lorsque les équipes travaillent ensemble dans un bureau, le style de management est très différent.

Puis évidemment, il s’agit de motiver, faire adhérer à la culture d’entreprise, gérer les situations difficiles. Mais dans un même secteur d’activité, on n’applique jamais les mêmes outils. En tant que directrice des ressources humaines, je dois (et souhaite) agir comme facilitateur de déploiement organisationnel. Je suis là pour aider les dirigeants à prendre les bonnes décisions et pour les aider à les transformer en actions sur le terrain. En cela, les RH sont essentielles à la direction d’une entreprise comme celle-ci. En revanche, je n’adhère pas aux discussions sur la notion de business partner ou la préoccupation d’autodéfinition de nos métiers.»

Parcours

Spécialisée dans la psychologie du travail

Au début de ses études, Petra Buderus souhaitait devenir psychologue pour enfant. Après l’obtention de son bac en Allemagne, son pays d’origine, elle décide de poursuivre ses études en psychologie en France (Poitiers, puis Metz/Nancy). Mais son attrait pour la communication et la sociologie donne une nouvelle orientation à ses choix de carrière. La jeune Allemande se spécialise alors dans la psychologie du travail, ce qui lui permet de débuter sa carrière dans l’insertion sociale et professionnelle.

Après une formation complémentaire en coaching organisationnel et personnel, elle découvre l’autre «bout» de l’échelle des qualifications en travaillant pour un cabinet en tant que consultante auprès de cadres de la sidérurgie. En 1999, elle rejoint la Compagnie Fiduciaire au Luxembourg en tant que psychologue du travail en charge des activités de recrutement et de conseil RH, et fait valoir ses langues et ses capacités à réaliser des bilans professionnels. Si elle a longtemps hésité à rester consultante, en intégrant KPMG en 2006, elle devient responsable RH d’une société en forte croissance. Depuis neuf ans, cette femme curieuse de nature, passionnée du genre humain et de l’organisation, continue à se former et à s’auto-former, à intégrer des réseaux professionnels pour améliorer sans cesse ses nouvelles fonctions de DRH au sein de la Stëftung Hëllef Doheem, qu’elle a rejointe en avril 2013 après un passage d’un petit peu plus d’un an chez Multifonds en tant que global head of human resources.

À bientôt 45 ans, Petra Buderus alimente sa vie personnelle de recettes culinaires qu’elle réinvente au gré de ses inspirations et de lectures policières... régionales. «Pour éviter le sanglant.»