Ingénieur agronome diplômé de la faculté universitaire de Gembloux, à orientation chimie et industrie, Jean Stéphenne a reçu une formation idéale pour travailler dans les biotechnologies. Il est d'abord engagé en 1974 comme ingénieur de développement en production chez RIT (Recherche et Industrie Thérapeutiques) à Rixensart, qui deviendra Smith Kline, puis Beecham, et enfin GlaxoSmithKline.
En 1981, il suit une formation en management à l'UCL. «Cela m'a été fort utile. Le management des hommes est l'exercice le plus difficile qui soit dans une entreprise. Le plus dur est quand on doit se séparer de personnes qui ne s'adaptent pas à la taille de l'entreprise, alors que, jusque-là, elles ont bien travaillé. Je ne suis pas un chercheur fondamentaliste, j'ai aimé les applications. J'aime aussi le management. J'ai dirigé les comités de développement jusqu'à récemment. Je me tiens encore au courant. Je veux toujours être capable de discuter avec nos scientifiques de tous nos projets de recherche».
En 1984, le groupe demande à Jean Stéphenne de prendre en charge le projet du vaccin contre l'hépatite B. «Le principe avait été découvert chez nous, avec des outils de génie génétique, mais le vaccin restait bloqué au niveau du passage à la production industrielle. Nous le tenions, mais nous n'arrivions pas à le produire en grandes quantités». Il fait appel à des spécialistes universitaires et constitue des équipes pluridisciplinaires.
Grâce à ces apports extérieurs, deux ans plus tard, le produit est sur le marché. Un enjeu de taille, à l'époque où il était question de savoir si la recherche sur les vaccins allait être transférée aux Etats-Unis ou restait en Belgique. «Mon objectif était de montrer qu'il était possible de garder un centre de recherche en Europe. Alors qu'il faut bien le reconnaître, les Etats-Unis étaient plus attirants pour la biotech que l'Europe. C'est là qu'elle a connu son essor industriel, alors que les recherches fondamentales à la base sont européennes. Et laisser GSK à Rixensart devenir uniquement un centre de production était dangereux».
Favoriser les rapprochements
S'il n'y a pas de recherche en amont pour trouver de nouveaux produits, au bout de quelques années, un centre comme celui-ci disparaît. La recherche fondamentale est vraiment… fondamentale. «Malheureusement, elle n'est pas suffisamment financée en Europe. Je ne veux pas de la recherche uniquement en interne. Il faut un nombre important de chercheurs et un moyen d'y arriver est de s'accorder avec des universités ou d'autres sociétés de biotechs. Nous finançons la recherche chez elles et, si cela débouche sur la mise au point d'un produit, elles recevront des royalties sur les ventes. Elles y gagnent à court et à long terme. Cela se fait beaucoup aux Etats-Unis. Quand j'ai pris la présidence de l'Union wallonne des entreprises, en 1997, j'ai beaucoup poussé à ce genre d'interactions. Je suis convaincu que le redéploiement de la Wallonie passe par la création de sociétés de technologies qui mettent au point de nouveaux produits à haute valeur ajoutée»
Ce Dinantais d'origine, père de trois grands enfants, a aussi été président de l'Union wallonne des entreprises (UWE) de 1997 à 2000.