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Paul Dewandre (Photo:Michel Zavagno) 

Paul Dewandre, avez-vous gardé un bon souvenir de votre première expérience, la création d’Air Exel?

«Ah oui, c’était fabuleux d’engager des pilotes, de financer des avions, de mettre en place la maintenance des appareils, le marketing... Mais je n’avais plus envie de continuer, de passer toute ma vie professionnelle dans ce genre d’environnement. J’ai aussi vu les limites de ce système, des jeux de pouvoir, des jeux politiques, des magouilles qui m’ont écœuré. En 1992, l’activité a été reprise par la Sabena, qui avait tout fait pour nous couler.

Que s’est-il passé ensuite?

 «J’avais 30 ans. J’ai fait ma crise de la quarantaine à ce moment-là. Je me posais des questions sur ce que je voulais faire de ma vie. J’avais un peu d’argent de côté. J’étais célibataire. Je cherchais un emploi, mais je n’en trouvais pas. J’ai tenté dans le transport aérien à l’étranger, mais ça n’a pas marché. En fait, j’ai rebondi avec la vente directe. J’ai adoré le concept. C’est au travers de la vente directe que je me suis passionné pour les relations humaines et le développement personnel: prendre confiance en soi, savoir ce qu’on veut faire, se fixer des objectifs, autant de disciplines que je n’avais jamais apprises à l’université.

Quelles sont les clés de la confiance en soi, selon vous?

«C’est être capable de s’aimer soi-même et de s’accepter tel que l’on est.

Dans quelles circonstances s’est passée votre rencontre avec John Gray?

 «C’était en 1996, lors d’un séminaire sur le leadership à Hawaï aux Etats-Unis. Il y avait une dizaine d’intervenants dont le général Schwarzkopf (chef de la coalition lors de la guerre du Golfe en 1991, ndlr.), Deepak Chopra (médecin et penseur indien, ndlr.) et John Gray, qui parlait des hommes et des femmes, un sujet qui ne m’intéressait alors pas du tout.

Comment en êtes-vous venu à parler vous-même des relations hommes-femmes?

«Ce que disait John Gray lors de cette conférence m’a vraiment touché. J’avais rencontré mon épouse Corinne deux ans auparavant et j’avais l’impression d’avoir eu des réponses concrètes pour notre relation. Je l’ai tout de suite appelée. Je lui ai dit: ‘Je t’aime, j’ai tout compris.’ J’ai commencé à acheter les livres, les cassettes. Comme je faisais des conférences dans les réseaux de vente directe, j’ai alors commencé à intégrer cette thématique dans mes interventions. Et puis, après avoir eu l’accord de John Gray, j’ai créé des ateliers de communication sur le couple.

Ces ateliers de communication étaient également organisés en entreprise?

 se trouve que parallèlement à ça, j’ai écrit un livre qui s’appelait La Parabole du barrage (sous-titre: vers une nouvelle organisation du travail, ndlr.). Mon éditeur l’a envoyé à des grands patrons. Et Gérard Mulliez, le président d’Auchan, m’a contacté. Il m’a fait entrer dans un réseau de chefs d’entreprise, qui s’appelle l’APM (Association Progrès du Management), une association pas très connue qui a été fondée il y a une vingtaine d’années par Pierre Bellon (président du conseil de Sodexo, ndlr.). L’idée est de réunir les chefs d’entreprise par groupe de 20 autour d’un thème qu’ils choisissent pour les faire progresser et faire progresser leur entreprise. C’est un club qui leur permet de résoudre leurs problèmes entre eux, tout en bénéficiant d’un apport extérieur. Il y a aujourd’hui 200 groupes APM de 20 chefs d’entreprise en France. Il y en a également en Suisse et en Belgique, au Luxembourg... J’intervenais donc en tant qu’expert dans le cadre de l’APM, puis au sein des entreprises elles-mêmes.

Quels sont vos sujets de prédilection sur cette thématique homme-femme dans l’entreprise?

 «Je parle de la relation personnelle et je la décline ensuite dans le management. Je préfère partir de la relation personnelle, car les différences entre hommes et femmes sont plus difficiles à percevoir dans le monde de l’entreprise. Les femmes y ont développé un côté masculin assez important.

Dans l’entreprise, les femmes gomment leur côté féminin?

«Les femmes en avaient marre d’être considérées comme inférieures. Pour montrer qu’elles étaient égales, elles se sont senties obligées de se battre sur le terrain des hommes, avec des règles du jeu masculines – les seules reconnues dans l’entreprise – et des valeurs comme la compétence, l’objectif. Ainsi, à partir des années 1970, quelques femmes ont accédé à des postes importants, mais il n’y avait rien de féminin dans leur manière de fonctionner. Je pense notamment à Margaret Thatcher. Grâce à ces pionnières, l’idée d’égalité entre hommes et femmes a pu évoluer un peu. Avant, pour être égaux, il fallait qu’on soit semblables, il fallait gommer les différences. On a maintenant compris qu’on pouvait aussi être différents.

Quels conseils donnez-vous aux hommes et aux femmes pour bien gérer leur relation dans l’entreprise?

«Les besoins sont différents. Dans le management, l’homme a besoin de confiance, la femme d’attention. En revanche, les signes d’attention donnés par une femme manager à un homme peuvent très bien être mal perçus. L’homme pourra y voir une remise en cause de ses compétences, de sa capacité à accomplir la tâche. Il risque d’en être de même lorsqu’un homme confie une mission à une femme en lui témoignant toute sa confiance et sans y mettre les formes.

Une femme a davantage besoin d’un accompagnement verbal?

«Le fait de parler de ses problèmes aide une femme à avancer dans sa propre réflexion. Cela ne veut pas dire qu’elle ne pourra pas les résoudre toute seule. Mais pour un homme, si une femme vient parler de ses problèmes, c’est qu’elle n’est pas capable de les résoudre et donc qu’elle est incompétente. La prochaine promotion ne sera donc pas pour elle. Autre problème de management: l’homme pense avant tout à ses besoins personnels, alors que la femme pense d’abord aux besoins des autres. C’est la raison pour laquelle beaucoup de femmes trouvent que les hommes sont égoïstes. Dans un couple, comme dans une entreprise, elles voudraient que les hommes devancent leurs attentes. Pourquoi les femmes sont-elles moins payées que les hommes? Il y a beaucoup de théories là-dessus. A mon avis, la vraie raison c’est qu’elles ne vont pas demander d’augmentation de salaire. Contrairement aux hommes. Chez une femme, le ressentiment grandit jusqu’à ce qu’elle finisse par aller se plaindre. Mais elles le font sur un ton tellement agressif qu’au final, elles n’obtiennent pas ce qu’elles veulent.

Les femmes continuent-elles aujourd’hui à gommer leur côté féminin, ou essaient-elles de rester davantage elles-mêmes?

  «Je crois que les entreprises ont intérêt à respecter une femme telle qu’elle est. Une femme ne doit plus être changée en mec pour réussir. Quand une femme devient masculine, elle peut réussir. Mais personne ne l’aime. La DRH de Peugeot à Sochaux me confiait récemment qu’elle ne recrutait plus que des femmes pour conduire les chariots élévateurs. Elles sont bien plus performantes et efficaces que les hommes, car elles ne sont pas dans une logique de compétition, de savoir qui va aller le plus vite, etc.

Etes-vous favorable à une discrimination positive en faveur des femmes?

«Cela peut avoir du sens en effet. Cela aidera des femmes féminines à accéder au pouvoir.

Ces vérités sont-elles universelles et invariables dans le temps?

«Une généralité a des contre-exemples. Mais cela ne veut pas dire qu’elle est fausse. A mon avis, il y a plus d’universalité sur les aspects masculin-féminin que sur les aspects culturels.»