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? mais il y contribue

Où que l'on aille, quoi que l'on fasse, notre image parle sans arrêt de nous, plus ou moins (in)consciemment, sans que nous n'ayons à ouvrir la bouche. Cette image peut nous (dé)servir dans la relation que nous avons aux autres. Autant prendre conscience de ce que l'on est, et de la manière dont on voudrait faire passer ce message vers l'extérieur.

Isabelle Dickes, styliste publicitaire, pose un regard à la fois professionnel et amusé sur les hommes et femmes qu'elle peut croiser dans la rue, et les différentes catégories socioculturelles et socioprofessionnelles qu'elle y observe: "Quand on s'habille le matin, on est poussé par un état d'esprit en fonction de ses activités de la journée. En outre, un cadre se préparera en fonction des rencontres planifiées. Chez les hommes, ce que l'on rencontre le plus fréquemment, c'est le 'costume cravate'? c'est dommage, cela manque un peu de fantaisie. Certains ont tout de même trouvé quelques subterfuges: des boutons de manchettes intrigants, des combinaisons de couleurs pertinentes, des chaussures gentiment sportives. Les femmes sont par contre plus 'free', les tailleurs ont la tête ailleurs? Elles affichent plus franchement leurs états d'âme, et l'on retrouve le talon aiguille, très agréable pour les yeux!

"La tenue idéale n'est pas l'uniforme! Je crois que les professionnels dans les agences de pub pourraient donner le ton: ce sont eux qui véhiculent les nouvelles tendances en communication, donc ils le pourraient aussi au niveau du look. Les chaussures classent le secteur. La coiffure le degré de coquetterie. Mon opinion, c'est qu'il vaut mieux être égal à soi-même, puisque l'honnêteté qui est le meilleur atout pour permettre de grandir".

Puisqu'on vous le dit! La mode, dont les falbalas peuvent nous sembler parfois futiles, peut revêtir des facettes plus profondes, nous aider à nous sentir en harmonie avec nous-mêmes? et donc plus à l'aise dans notre vie professionnelle quotidienne.

Homme et technique

Tournons le dos aux stéréotypes: oui, la femme fait attention à son image? mais ce n'est pas son apanage. Les hommes, qu'ils soient totalement néophytes ou un minimum connaisseurs en matière de mode, d'élégance et de tissus, ne doivent pas hésiter à pousser la porte des maîtres-tailleurs et autres magasins spécialisés 'dans l'homme'.

Aux hommes, qui fonctionnent souvent moins au coup de c'ur qu'au rationnel, au pratique, correspond un habillement tout en technique et étapes. José Joab, spécialiste de l'habillement masculin, et surtout de la mesure, accueille dans son atelier des cadres moyens et supérieurs et, de plus en plus, des avocats de tous âges qui, dès l'instant où leur budget le leur permet, "viennent pour de la mesure".

Il explique la manière dont il conçoit son travail avec et pour le client: "quand on fait de la mesure en boutique, il faut toujours avoir un minimum de stock. Comme je ne veux pas laisser mes clients dans l'ignorance, j'aime bien leur montrer comment sera le costume que je leur propose. Ces costumes, qui proviennent de l'usine artisanale sarde avec laquelle je travaille, se trouvent dans mon atelier à l'état 'brut'. Ensuite, nous allons faire une sélection de tissus, toujours en rapport avec le budget de la personne. Il faut que le client ait l'impression de porter une seconde peau, ce qui m'oblige à faire une sélection au toucher du tissu".

Halte aux craintes donc chez ces messieurs, le client n'est pas 'lâché dans la nature', mais guidé par un véritable conseiller qui cherche, sans être trop curieux, à établir un climat de collaboration, à connaître la profession et les activités de son client, afin de mieux choisir les formes et tissus du vêtement, et de mieux appréhender la personnalité de 'l'habillé'. Un conseiller qui ne va d'ailleurs pas vous demander de venir 10 fois essayer votre costume? ce qui n'est pas un mince avantage, vu le peu de temps que nombre de décideurs ont à consacrer à leur look. José Joab explique: "certaines maisons haut de gamme sont tellement bien équipées qu'avec leur feuillet-questionnaire et leur croquis, je peux déjà prendre énormément d'informations quant à la différence de chaque personne. Je prends du temps pour 'photographier devant un miroir' mon client. Sans vouloir lui donner de complexes, je lui dis qu'il a une épaule plus basse, un bras plus long, etc. Quand mon client viendra essayer son costume, il n'y aura pratiquement rien à faire, si ce n'est ouvrir les boutonnières ? nous le faisons encore à l'ancienne ? et terminer le pantalon avec, de temps en temps, une petite retouche. Ce qui n'est pas bien grave puisque, dans mon atelier, j'ai un maître tailleur".

À l'aise dans son costume

Isabelle Dickes a remarqué que certains hommes (et même certaines femmes) bichonnent plus leur voiture que leur habillement: "ils ou elles pensent se donner ainsi une meilleure image. On peut le regretter'" Ces messieurs miseraient-ils sur leur bolide pour effacer leur manque de confiance vestimentaire? On pourrait largement théoriser, et l'important n'est pas là. Selon José Joab, a priori, il n'y a pas de différences entre les avocats, les diplomates ou les consultants: ils doivent être à l'aise: "on pourrait voir un banquier avec un costume à rayures, noir, marine ou anthracite. Mais il faut voir le tissu, le choix de l'accessoire - chemise, cravate, pochette. Je crois que dans l'élégance il y a également la façon dont chaque personne portera ses vêtements. Ma définition de l'habillement élégant, c'est de se sentir à l'aise dans ce qu'on sort de sa garde-robe chaque matin, qu'on n'ait aucune sensation de restriction'.

Et José Joab de rappeler l'anecdote de ce banquier qui lui achetait invariablement 12 chemises bleues, à qui il avait demandé s'il pouvait lui conseiller une petite alternative, et qui lui avait répondu par la négative, arguant que son choix lui garantissait que, quelle que soit la chemise sur laquelle sa main tomberait lors d'un matin 'nébuleux', elle tomberait de manière aussi parfaite que les autres.

Certaines couleurs ne sont certes pas faites pour aller ensemble et peuvent ridiculiser. Mais, comme le souligne José Joab, "il y a de telles possibilités aujourd'hui de jouer sur les couleurs, de faire des assemblages, grâce à la créativité de ceux qui font les tissages de la soie pour les cravates ou les chemises. Par exemple, je vends une chemise qui est à mon sens une véritable merveille: un petit carreau avec de l'orange, du bleu, du jaune. Jamais je ne l'aurais choisie avant, sauf peut-être en sportswear". De la même manière, Dieu sait qu'en ce tout petit Luxembourg, la diversité des vêtements a son poids à jouer pour éviter que deux personnes ne se retrouvent habillées de manière similaire.

Si, jusqu'il y a peu, le 'casual élégant' avait encore la cote auprès des Anglo-saxons, ce n'est plus vraiment le cas actuellement. Ce qui ne veut pas dire pour José Joab que le costume est la condition sine qua non de l'élégance. "Personnellement, toujours en tenant compte de ce que le client a le droit de porter et de ce qu'il veut mettre, j'adore le pantalon gris avec le blazer, c'est tellement facile, et portable par tout le monde. On peut ajouter toutes les chemises et cravates sans discernement, on n'est plus limité à créer quelque chose qui soit coordonné. Et pourtant, malheureusement, dans certains cabinets d'avocats ou banques, un homme doit porter le costume. Pour eux, le blazer est destiné au week-end'.

Une relation de confiance avec son habilleur peut présenter un atout lors de changements dans la vie professionnelle, comme en témoigne José Joab: "souvent, des cadres nous disent qu'ils ont une réunion très importante, et qu'ils voudraient s'habiller pour l'occasion. À nous de leur présenter ce qui convient. Le client n'a pas besoin de se casser la tête. Nous le connaissons. Nous réfléchissons et nous lui présentons quelques possibilités avant de choisir avec lui ce qui lui convient le mieux. Un de nos clients occasionnels a été amené à être conseiller dans de grandes entreprises italiennes. Son look ne convenait plus. Il a dès lors acheté les plus beaux costumes, les plus belles finitions, avec boutonnières faites à la main,? parce qu'il avait besoin qu'on remarque qu'il portait un costume fait sur mesure, parce qu'il avait affaire à des gens qui s'y connaissaient". Comme quoi, la mode participe parfois d'une tactique, d'une stratégie professionnelle.

Femme, conseil, psychologie et élégance

La parole semble un outil important pour les professionnels de la mode qui, au fur et à mesure que s'écoulent les minutes, les heures passées avec les client(e)s, parviennent à mieux cerner leur personnalité. Par ailleurs, d'emblée, leur regard aiguisé sait ce qui ira ou non à la personne? mais encore faut-il faire passer le message en douceur, surtout peut-être pour une femme, comme le confirme Isabelle Dickes: "pour un homme, le relooking est un service pratique? alors qu'il sera plus facilement considéré comme une atteinte à la féminité, voire une insulte par les femmes, qui peuvent penser qu'elles savent le faire elles-mêmes".

Danielle Joab, manager de la boutique Farrutx, imagine mal annoncer de but en blanc à un cadre qu'il doit revoir son look: "en Europe, tout est dans la subtilité. On peut gagner la confiance des gens uniquement en leur prouvant que ce que nous disons est plausible. On ne leur dit pas qu'ils sont mal habillés, mais on leur explique ce qui n'est pas adéquat dans leur situation' tout doucement. Ça ne se fait pas en une fois". D'où l'importance d'établir une relation de confiance sur le long terme, de savoir quel est le but de l'achat, de bien connaître sa clientèle, pour savoir exactement ce qui va aller ou pas à telle cliente ? Danielle Joab, lorsqu'elle crée sa collection par ses achats dans différents pays, attribue a priori tel article à une cliente régulière.

La boutique Sonia Rykiel, tout comme Farrutx, habille les femmes actives, ce qui n'est pas sans incidence, selon Valérie Pienkowski, son manager, sur le conseil à donner: "les femmes qui ont une situation sont celles qui ont le moins besoin d'être lookées. J'ai dû relooker des femmes pour des entretiens d'embauche, des concours d'entrée dans de grandes écoles mais, pour les cadres confirmées, c'est différent. On n'arrive pas le plus facilement à 'diriger' ces clientes, car elles ont le sens des responsabilités et un tempérament qui fait qu'elles savent plus ou moins déjà ce qu'elles veulent. Mais cela arrive. Une de nos clientes se lance dans la formation. Nous avons travaillé ensemble sur des propositions, du vêtement à l'accessoire, en tenant compte de ses contraintes, comme écrire au tableau,?".

Pour la femme comme pour l'homme, le combat est le même: plutôt que de vouloir être à la mode, il faut être soi. Pour Isabelle Dickes, tout le comportement d'une personne peut changer en fonction de ce qu'elle porte: "On s'assied différemment quand on porte un jupe, on enfile un autre comportement? et cela ne met pas tout le monde à l'aise". Danielle Joab estime que "au-delà des tendances, la mode, c'est ce qui va".

Valérie Pienkowski est de cet avis également : "C'est primordial de ne pas se sentir déguisé, surtout quand on exerce une activité professionnelle, puisque l'assurance que l'on peut avoir commence par là. Aujourd'hui, on fait chacune sa mode. Mme Rykiel ne parle pas de mode, mais de 'démode'. Il y a certes des tendances selon la saison et la collection, mais il y a toujours une diversité de formes qui accroît les possibilités. Finalement, chacune doit se sentir bien et arriver à surprendre".

Règles d'or et erreurs dans la rue? et dans la boutique!

Psychologie, professionnalisme et expérience permettent de déterminer ce qui va ou ne va pas aux hommes et aux femmes. Plutôt que des règles d'or, difficiles à lister en raison de la forte dépendance de l'élégance avec les caractéristiques de la personne ? la couleur de ses yeux, de sa peau, son gabarit, sa morphologie, ce qu'elle dégage - les professionnels de la mode épinglent quelques grandes directions, outre le sacro-saint "il faut se sentir bien'? toujours utiles à se remémorer.

Côté couleurs, Valérie Pienkowski rappelle que "les coloris foncés ? gris, noir, bleu marine ? sont toujours plus flatteurs, ils donnent au cadre un côté plus habillé. Il est bien de relever une tenue foncée avec du blanc ou une couleur. Ca peut être un pull, un chemisier, un foulard. Qui va apporter une petite note de gaieté, d'éclat au visage".

Les erreurs de goût existent, et Isabelle Dickes de citer très simplement les si fréquents motifs figuratifs sur les cravates, et les chaussettes blanches chez les hommes. La styliste estime également que "le service de relooking est, à mon avis, plus objectif quand il n'est rattaché à aucune marque. Il permet un éventail plus large de choix, plus facilement adaptable aux différentes bourses. On trouve de tout pour pour chacun(e), l'art est de savoir mélanger". 

Les erreurs les plus importantes pour Valérie Pienkowski demeurent celles de style: "c'est dommage, parce que je me dis souvent que si une femme mettait telle ou telle chose, cela changerait tout. Ce qui est important, pour une femme, c'est de mettre sa silhouette en valeur et de connaître ses points forts et faibles. Les professionnels doivent en tenir compte, et mettre les gens en valeur en fonction de leur gabarit, toujours avec psychologie. Je ne vais évidemment pas conseiller un pantacourt à une femme très petite. De plus, pour une femme, je pense que l'accessoire ? chaussure, ceinture, sac, petit bijou ? est ce qui va attirer le regard et donner de l'éclat à une tenue classique. Un joli talon qui termine un joli tailleur est du plus bel effet, pas comme un talon plat!".

Le pantalon par ailleurs a sa carte à jouer auprès de toutes les femmes. Valérie Pienkowski cite Sonia Rykiel: " 'Le pantalon, c'est l'égalité avec une femme qui a de jolies jambes'. C'est dommage qu'une femme qui n'a pas de jolies jambes veuille absolument porter une jupe, alors que le pantalon va la mettre beaucoup mieux en valeur. Le pantalon est devenu très féminin, ses formes sont fluides. Un tailleur pantalon peut être très chic".

Un regret pour Isabelle Dickes, le fait que les femmes n'exploitent pas les nombreuses possibilités qui se présentent à elles: "les hommes n'ont pas beaucoup de choix, ils sont donc obligés de jouer avec les matières. Les femmes, elles, disposent de ce choix, mais reviennent toujours sur les mêmes choses, sur ce qui leur va bien. Ce qui est normal, mais c'est bien aussi d'essayer d'autres choses, pour ne pas être trop classé. Une femme classique peut insérer une pièce imparfaite ou non figée dans son look, comme une chemise froissée ou des chaussures sportives qui, depuis qu'il existe une osmose entre la basket et la chaussure, rentrent dans le bureau! C'est vrai qu'un talon est souvent magnifique, mais il faut être capable de marcher avec. Si on ne sait pas marcher, on sera plus séduisante avec des baskets ".

Le côté pratique des vêtements n'est pas négligeable pour les décideurs et décideuses, puisqu'ils constituent un outil qui ne doit en rien les limiter. Par exemple, côté matières, il faut éviter de choisir celles qui vont chiffonner trop vite, comme le lin, et privilégier le crêpe, qui se froisse et se défroisse très facilement, ou la maille, qui ne se froisse pas et allie décontraction, confort, sécurité de la tenue et élégance.

Un travail en relation avec le public ne laisse pas de place à l'erreur, tandis qu'un travail de bureau, lui, pourra rapidement tourner au cauchemar en cas d'endroit surchauffé. Valérie Pienkowski conseille d'ailleurs de privilégier les pulls à manches courtes et autres bodies en dessous d'une veste.

Danielle Joab, quand on lui parle de règle d'or, se tourne plutôt du côté du vendeur que du client, et constate que, trop souvent ? et pas nécessairement plus au Grand-Duché qu'ailleurs ? les vendeurs et managers de boutiques ont très peu de professionnalisme. Elle insiste: "Quand un nouveau membre de personnel entre chez Farrutx, il apprend ce qu'est un fil, comment est fait un vêtement, les spécificités des tailles italiennes, françaises et allemandes. Chez l'homme, la conformation des vêtements est essentielle. Il ne faut pas vendre à quelqu'un quelque chose qui est trop long. Des manches trop longues peuvent être très néfastes pour l'image professionnelle. Il est très rare qu'une cliente ou un client sorte de chez nous sans avoir au moins une retouche. Un bon propriétaire de boutique doit donc avoir un bon atelier de retouches. Nous avons un maître tailleur pour hommes que nous avons formé également pour la femme. Nous avons travaillé avec lui les flous, les soies,?".

On touche ici à un autre mot clé de Farrutx: le raffinement. Ainsi, Danielle Joab rappelle son importance dans le milieu professionnel: "Je prêche pour le raffiné et contre le tape-à-l'?il. Quelqu'un qui a une position où on le regarde, en étant raffiné, gagnera une espèce de confiance en lui par rapport à quelqu'un qui tapera à l'?il parce qu'il aura un revers excentrique. Il y a certes des femmes qui supportent d'avoir un brin d'excentricité dans leur tenue mais, en général, une décideuse apprécie qu'on la remarque par son élégance, sans que ce soit trop".

Un raffinement à ne pas confondre avec le ?passe-partout?: pendant plusieurs années, Danielle Joab a élaboré les uniformes des hôtesses de deux banques luxembourgeoises ? et inutile d'insister qu'elles se doivent de refléter l'image de la banque! ?, un uniforme qui plaisait tellement aux clientes de la banque que celles-ci se rendaient dans la boutique, persuadées qu'elles pourraient trouver le même dans ses rayons.

Autre cheval de bataille de Danielle Joab, rejointe par ses consoeurs: la lutte contre les stéréotypes. Le problème de beaucoup de femmes qui n'ont pas le temps est qu'elles ont tendance à suivre des journaux, à acheter des marques, alors que Danielle Joab se délecte à vendre des choses qui ne sont pas connues: "quand je fais mes achats, j'achète des pantalons chez l'un, des pulls chez l'autre. J'élabore des books pour voir ce qui va aller avec quoi. Cela produit une collection qui a une âme. Les femmes luxembourgeoises sont élégantes, mais n'osent pas trop sortir des sentiers battus, même si ce qu'elles portent est en général de bon goût".

PRETTY (WO)MAN Le relooking par une styliste, Isabelle Dickes

En bloquant une journée - ou au-moins un moment de contact, ensuite le styliste se débrouille seul - qui sera consacrée à son relooking par un styliste qui l'accompagnera de manière neutre dans les boutiques et chez le coiffeur, un homme ou une femme aura réfléchi sérieusement avec le styliste et pourra tirer les leçons qui s'imposent afin de présenter la meilleure image qui soit.

Le styliste établit un premier contact en essayant de savoir qui est son client, s'il est plutôt classique, excentrique, en quoi consiste son métier,... Il se rend ensuite avec lui chez le coiffeur, ils font les boutiques ensemble, le styliste lui conseille tel article, en écarte d'autres, toujours en dialoguant. Ils apprennent au fil du temps à mieux se connaître, le styliste récolte des informations qui enrichissent le travail qu'il peut faire. Il n'est pas question de codes de couleur, de morpho-astrologie ou de quoi que ce soit? c'est humain, point: on se sent bien dans des vêtements ou pas. Il est pire de porter un beau costume et d'être mal à l'aise que le contraire!

Les accessoires suffisent à créer un style, style qui ne ressort pas forcément par les vêtements, mais toujours par le comportement: une pièce peut avoir l'air classique sur une personne, et avant-gardiste sur une autre, en fonction de son attitude.

Bien entendu, il existe quelques règles de base; quand on est petit il faut veiller à ne pas casser la silhouette, et donc essayer de conserver la même harmonie de couleur entre le haut et le bas, ne pas porter de veste trop longue, ou un revers au pantalon, etc. L'important est de bien cerner la personnalité de celui ou de celle que vous lookez, et de comprendre ses motivations. Le look reste très superficiel, c'est son incidence sur la personne qui le porte qui est primordiale".

Isabelle Dickes, [email protected]

GO WEST - Danielle et José Joab

Danielle Joab: "J'ai travaillé en Californie pendant une dizaine d'années, dans les années 80, dans une boutique et en tant que consultante. Les clientes ? surtout des femmes au foyer, des artistes, alors qu'ici on trouve très peu de femmes au foyer dans les boutiques - étaient très friandes des articles européens, surtout français et italiens. Il m'est arrivé d'aller chez elles faire leur dressing, dire ce qui était bien ou pas. En même temps, je conservais la boutique Performance à la Place d'Armes, et certaines se rendaient à Luxembourg ou me demandaient de leur rapporter une sélection que je leur destinais. En fonction de cela, je les emmenais acheter les accessoires, voire les bijoux. Aux femmes au foyer, je prodiguais mes conseils afin qu'elles se démarquent dans le pays de Levi's, avec un look sport-chic".

José Joab: "Aux Etats-Unis, j'ai fait de la consultance pour habiller des médecins, quelques avocats, banquiers? et quelques acteurs! A cette époque, un avocat petit, râblé, qui ne 'trouvait rien à se mettre' si ce n'est dans les rayons enfants et tailles fortes, est entré dans mon show-room. Nous avons examiné ensemble les tissus de chemise, de costume, puis les cravates. Il a passé sa commande, qui est arrivée et que nous avons ajustée, mon tailleur vietnamien et moi. Par la suite, ce client m'a rapporté qu'il avait plaidé au tribunal de Los Angeles, et que lorsqu'il est arrivé à l'audience, il avait senti qu'on le regardait différemment. 'Tu me croiras ou pas', m'a-t-il dit, 'à ce moment-là j'ai su que j'avais gagné mon procès'!

Aujourd'hui, le tailleur qui m'assistait est devenu celui des plus grands du sport et du spectacle aux Etats-Unis. Il avait 25 ans de métier de maître tailleur au Vietnam et à Hong-Kong. Quand il a fait son premier travail de retouche pour moi, je lui ai cédé un costume. Quelques jours plus tard, j'ai vu mon ancien costume complètement décomposé. Il l'avait étudié. C'est aujourd'hui quelqu'un qui a compris cette technique des Italiens, ce qui a fait de lui le tailleur qu'il est. Il y a cette petite technique particulière aux Italiens qui fait qu'ils sont inimitables. Si j'habille un géant et que la manche lui arrive au coude, il suffit de voir la manière dont tombe l'épaule pour savoir que l'on a gagné la bataille, que l'on pourra habiller le client".

IMPECCABLE - Valérie Pienkowski (boutique Sonia Rykiel)

"Les cadres ? surtout les hommes - n'ont pas besoin de choses trop compliquées, il faut une certaine pureté des lignes, des courbes. On ne peut pas se permettre une excentricité trop appuyée. Pour les hommes, c'est un peu stéréotypé, surtout au Luxembourg. Il y a une certaine uniformité et on est encore attaché au costume et à la cravate, surtout dans les banques. Mais il faut reconnaître que les hommes ici se permettent plus facilement une fantaisie dans la cravate: c'est ce qui va relever leur tenue. En France, on voit de plus en plus d'hommes d'affaires qui ne portent pas forcément le costume cravate, et qui peuvent être élégants avec un beau pantalon associé à un joli pull, à une chemise,?

Le mieux pour un homme, à mon sens, c'est un costume assez sombre, avec une petite rayure, un petit contraste,? dans des qualités de mélanges. On a des tissus qui restent fins mais chauds pour l'hiver, et qui ne froissent pas selon les textures. A cela on ajoute une note de couleur, via une chemise ou une cravate. C'est moins compliqué pour les hommes, il y a moins de diversité et la nature leur permet moins de se mettre en valeur, si ce n'est en étant toujours impeccable. On déborde même sur des choses comme les mains, l'haleine de tabac, il n'y a vraiment pas que la tenue qui entre en compte!"