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 (Photo : PwC Luxembourg)

Dans le sillage de la mondialisation, le trafic de voyageurs en direction de l’Europe va s’accélérer de manière considérable dans les années à venir. En 2014, les voyageurs extra-européens ont passé la frontière extérieure de l’espace Schengen 190 millions de fois, chiffre qui pourrait atteindre les 300 millions d’ici 2025, soit une croissance de 60% en 11 ans. Véritable opportunité pour l’Europe, ce développement a toutefois son lot de défis: les frontières doivent être modernisées, sans quoi le temps d’attente aux frontières deviendra un frein aux échanges avec l’espace Schengen.

Les enjeux économiques et sécuritaires sont majeurs pour l’Europe: elle doit rester une destination attractive pour les voyageurs étrangers, qui, de par le tourisme ou leur activité, ont contribué à l’économie européenne à hauteur de 271 milliards d’euros en 2011, soit environ autant que le PIB total du Danemark.

En parallèle, les besoins en sécurité intérieure augmentent chaque jour. Pour lutter contre la fraude à l’identité et le terrorisme, les frontières externes de l’espace Schengen doivent s’équiper de technologies efficaces, qui permettent des contrôles fiables et digitalisés.

La transformation de nos frontières doit ainsi passer par l’innovation technologique. «Cette modernisation permet d’accroître l’efficacité de l’infrastructure existante, mais aussi inclure dans sa réflexion le rôle et les responsabilités de toute la chaîne de valeur qui compose nos frontières: l’industrie, les acteurs économiques du transport et les autorités», confirme Serge Hanssens, directeur chez PwC Luxembourg, spécialiste en gestion des frontières et en biométrie.

Les frontières européennes du futur seront «smart»

Pour répondre à ces enjeux, la Commission européenne a lancé un vaste projet («Smart Borders») de modernisation des contrôles frontières pour les voyageurs non européens se rendant dans l’espace Schengen. «Ces frontières intelligentes permettront à la fois d’augmenter la sécurité, mais également de fluidifier les accès à l’espace Schengen aux voyageurs internationaux», explique Philippe Pierre, associé secteur public au sein de PwC Luxembourg et leader global pour les institutions européennes.

Une meilleure identification des voyageurs, qu’ils viennent par avion, train, bateau ou voie terrestre, est au cœur de ce projet. Après une phase d’analyse de la faisabilité du système (Entry Exit System) dans son ensemble[1], la Commission européenne, par le biais de l’agence eu-LISA[2], a opéré des tests grandeur nature («Smart Borders Pilot») sur 18 points de contrôle frontaliers de 12 pays européens (tels que l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, l’Italie, la Grèce, l’Espagne, la Suède, etc.), pour un total de 65.000 voyageurs internationaux.

Ce projet-pilote de grande ampleur a permis de vérifier sur le terrain, dans des conditions réelles et avec des voyageurs non européens, la pertinence de nouvelles méthodes d’identification de ces derniers avec des technologies biométriques telles que la reconnaissance des empreintes digitales, la reconnaissance faciale et celle de l’iris.

La réalisation dans des délais très courts de ce pilote est le fruit d’une collaboration fructueuse entre les États membres de l’UE et les institutions européennes (la Commission européenne, eu-LISA, FRONTEX[3], FRA[4], EDPS[5]).

L’agence eu-LISA avec le support de PwC Luxembourg a organisé et exécuté ces tests et a présenté les résultats aux États membres ainsi qu’au Parlement et au Conseil européen.

Le directeur exécutif de l’agence, M. Krum Garkov, confirme le lien fort entre les acteurs-clés du secteur lors de la conférence Smart Borders organisée par l’agence en octobre 2015: «L’orientation stratégique de la gestion des frontières intelligentes demandera des systèmes d’information puissants, flexibles, intelligents et adaptables à l'évolution de la demande ou des priorités politiques. La coopération et la collaboration entre les secteurs public et privé y joueront un rôle-clé et permettront d’atteindre ces objectifs de la manière la plus efficace possible.»

Les méthodes d’identification au banc d’essai 

Le projet-pilote teste différentes méthodes biométriques d’identification des voyageurs, à savoir les empreintes digitales, la reconnaissance faciale et de l’iris, ainsi que des accélérateurs du processus de contrôle: les portiques de contrôle automatique («eGates») et les bornes d’enregistrement en libre-service («kiosks»).

Selon l’étude, les empreintes digitales constituent la méthode biométrique la plus appréciée par les usagers et les gardes-frontières. Dans la même veine, les empreintes digitales représentent une méthode de reconnaissance très fiable puisqu’elle peut permettre d’identifier une tentative de fraude dans 99,99%[6] des cas.

La reconnaissance faciale est jugée réalisable aux passages frontaliers (terrestres, maritimes, aériens et ferroviaires), rapide d’utilisation et non intrusive pour les voyageurs, mais présente certains désavantages. En effet, à grande échelle, cette technologie ne peut être envisagée comme unique identificateur biométrique de par son absence de précision pour une population aussi étendue.

La reconnaissance de l’iris rencontre un taux de réussite élevé. Elle est simple d’utilisation avec des appareils fixes, et est très rapide. L’absence de cette technologie aux frontières européennes actuelles et son coût constituent les principaux obstacles de mise en place.

Les tests effectués sur les portiques de contrôle automatique se sont avérés très concluants. De fait, le passage de la frontière nécessite en moyenne moins de temps qu’un processus manuel et recueille l’approbation des gardes-frontières et des voyageurs, qui considèrent cet outil comme ergonomique et facile d’utilisation. L’authenticité de la majorité des passeports non européens peut aussi être confirmée pendant le processus, ce qui garantit une sécurité accrue.

Les bornes d’enregistrement permettent, elles, de fluidifier le processus en permettant aux voyageurs de préparer leur contrôle frontière avant d’entrer dans une file d’attente. Pour une utilisation efficace et une garantie de sécurité, ces bornes libre-service nécessitent la supervision d’un garde-frontière.

Les résultats de cette étude ont démontré que la majorité des voyageurs perçoit positivement le recours à la biométrie comme outil de contrôle aux frontières et que celle-ci ne porte pas atteinte à leur vie privée, bien qu’il existe des différences dans l’appréciation selon le type d’identificateur utilisé.

Des méthodes fiables et exhaustives pour une sécurité renforcée

Le projet-pilote confirme la faisabilité d’un système d’identification basé sur la biométrie pour le contrôle des frontières de l’Espace Schengen. Selon le type d’identificateur biométrique choisi, le recours à la biométrie ne rallonge que légèrement le processus du premier contrôle d’identité.
« Cet allongement initial potentiel doit être mis en perspective des gains de temps obtenus sur les contrôles ultérieurs », explique Mr. Antonio Fulco, responsable eu-LISA du projet pilote européen : « Le projet pilote a démontré que la rationalisation des processus permet en réalité un gain de temps aux frontières.»
De plus, la biométrie permet le déploiement d’« accélérateurs » tels que les portiques de contrôle automatique ou les bornes d’enregistrement. Grâce à ces nouvelles technologies et une optimisation des processus de contrôle, la durée des contrôles d’identité subséquents devrait être réduite par rapport aux contrôles actuels.
L’étude dévoile également que la qualité de mise en place du système et l’intégration technologique sont les facteurs déterminants pour obtenir d’excellents résultats, quel que soit l’environnement (aéroport, gare, train, voie terrestre).
Les résultats de ce pilote, ainsi que l’étude de faisabilité initiale, servent de base à la modification de la proposition législative relative aux Frontières Intelligentes (« Smart Borders ») en cours d’élaboration.

Pour en savoir plus, consultez le site web de PwC Luxembourg.

[2] Agence de l'Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle qui opère les systèmes-clés tels que le système Visa, Eurodac (demandeurs d’asile) et SIS (Schengen Information System - criminalité)

[3] Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l'UE

[4] L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne

[5] Le Contrôleur européen de la protection des données

[6] Taux de fausses acceptations de 0,01%, avec un taux de faux rejets de 0,7%

Smart Borders Pilot – Executive summary en français
http://www.eulisa.europa.eu/Publications/Documents/EL0415806FRN.pdf

Smart Borders Pilot – Rapport final en anglais
http://www.eulisa.europa.eu/Publications/Reports/Smart%20Borders%20-%20Technical%20Report.pdf

Smart Borders Pilot final report – Annexes techniques en anglais
http://www.eulisa.europa.eu/Publications/Reports/Smart%20Borders%20-%20Technical%20Annexes.pdf