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Paul Ensch, Chambre des Métiers (Photo:Luc Deflorenne) 

«Les signes inquiétants de la crise, pour l’artisanat, sont apparus au dernier trimestre 2008, indique Paul Ensch, le directeur de la Chambre des Métiers. La situation est particulièrement critique dans deux secteurs, la mécanique et les garages, qui travaillent pour l’industrie, ainsi que dans la construction. Les carnets de commandes pâtissent de l’attentisme des particuliers et des entreprises, qui hésitent à investir, et les prix sont en chute libre».

La construction - qui représente la moitié des entreprises et 70% des salariés de l’artisanat -, est particulièrement dépendante du marché intérieur. «Ce secteur travaille à 50% pour l’Etat et les communes. Nous avons donc apprécié le choix des responsables politiques (gouvernement et opposition, d’ailleurs) qui ont vu très juste en décidant de soutenir la place financière, mais aussi les PME. Il est très important de restaurer la confiance, de relancer la consommation et de sauvegarder les structures existantes, pour maintenir l’emploi mais aussi pour être prêts à redémarrer, après la crise», assure-t-il.

Le Budget 2009, qui prévoit un haut niveau d’investissements publics (1,7 milliard), a de quoi mettre un peu de baume au cœur des artisans, tout comme les engagements pris par les communes. «Le plan de sauvetage de la construction, c’est de nous faire travailler. Heureusement que l’Etat a les moyens de le faire!», se félicite M. Ensch.

Outre la décision d’entamer dès cette année les grands chantiers prévus en 2010/2011, «le gouvernement s’est engagé à lancer des projets plus modestes, accessibles aux petites entreprises. Il prévoit également de faciliter les marchés de gré à gré, en augmentant de 44.000 à 58.000 euros le seuil au-delà duquel un appel d’offres est nécessaire, et de 7,5 à 10 millions d’euros le seuil au-delà duquel un projet de loi s’impose. De quoi donner du travail à tout le monde et de protéger le tissu économique local», se félicite M. Ensch.

Un protectionnisme qui ne dit pas son nom, mais qui n’est pas pour déplaire à la Chambre des Métiers: «15% du marché de la construction au Luxembourg est pris par des entreprises étrangères. Il s’agit de récupérer cette part. Pour cela, nos entreprises doivent faire plus de marketing, être plus agressives. Mais, du côté des pouvoirs publics, il s’agit également de leur donner les moyens d’être compétitives, et donc de réduire leurs charges administratives».

Plus de temps à perdre

Lors du prochain round de la Tripartite, l’Union des Entreprises luxembourgeoises (UEL) présentera «100 mesures pour redresser la compétitivité et relancer l’activité économique». «Le gouvernement actuel ne vas plus légiférer sur ces points, alors nous comptons sur le prochain pour qu’il engage une véritable action en faveur de la réduction des charges: il faut élaguer le superflu, repenser le système des autorisations, créer une task-force, des guichets uniques… Cela doit vraiment être inscrit sur la bannière d’un ministre, constituer sa priorité, et ne pas être confié à un haut fonctionnaire. En matière de simplification administrative, on a agi à doses homéopathiques, pendant cette législature».

Pour les mois à venir, en dépit du recul des commandes émanant du secteur privé, les chantiers inscrits au programme devraient permettre d’assurer un bon niveau d’activité. «A condition, évidemment, que l’Etat réussisse à gérer tous ces projets», avertit M. Ensch. Une grosse enveloppe est disponible, mais «l’administration doit faire de réels efforts pour dépenser cet argent. Les fonctionnaires ont d’ores et déjà prévenu qu’ils auront besoin de renforts. Les responsables politiques doivent réagir vite, et prévoir de recourir à des expertises externes (architectes, urbanistes, etc.)».

Pour le directeur de la Chambre des Métiers, l’erreur à éviter absolument par la nouvelle équipe sera de replonger dans une habitude tenace, à savoir lancer des études, constituer des groupes de réflexion, de travail… et perdre un temps précieux. «Cette crise est une occasion unique d’agir enfin concrètement. Pour cela, il faudra du courage politique».

S’il espère des avancées significatives, Paul Ensch ne se fait guère d’illusion en revanche sur les largeurs budgétaires dont pourra faire preuve le futur gouvernement, en raison de la baisse drastique des recettes de l’Etat. «Il faut s’attendre, pour le budget 2010, à ce que le gouvernement parte sur des prémisses plus réalistes». Mais il soutient aussi l’idée d’un recours plus massif à la dette publique, afin de financier des projets «qui ont du sens» et qui pourraient donner au pays quelques atouts supplémentaires dans cette «après-crise» tant attendue.