Étienne Schneider se montre confiant quant à la capacité de l'économie à se réinventer.  (Photo: Julien Becker)

Étienne Schneider se montre confiant quant à la capacité de l'économie à se réinventer.  (Photo: Julien Becker)

Pour Étienne Schneider, le ministre de l’Économie, les choix posés en termes de secteurs se sont avérés payants, même si les piliers ont adopté différentes vitesses de croisière. Leur tâche essentielle: assurer l’avenir et la création d’emplois dès aujourd’hui. Pour faciliter l’expansion de ces différents domaines, la simplification administrative, une modernisation des services de l’État, un accès facilité à la création d’entreprise et une modernisation de l’enseignement s’inscrivent en filigrane. Entretien avec le ministre.

 Depuis une dizaine d’années, l’État entreprend de diversifier son économie pour réduire sa dépendance vis-à-vis du secteur financier. Les axes choisis étaient-ils les bons choix?

«Le pays a misé sur quatre voies d’avenir, qui se sont, chacune à leur manière, développées positivement. Bien sûr, au départ, on n’est jamais sûrs à 100% d’avoir pris la bonne décision. Après avoir énormément investi, aujourd’hui, je peux dire que nous avons misé sur les bons chevaux! Nous commençons à voir un impact significatif de cette politique en termes d’emploi. Le secteur de la logistique compte près de 13.000 personnes et l’ICT en emploie 18.000. Ce sont des signes que nous allons dans la bonne direction. En 2015, malgré les prédictions, la croissance sera bien supérieure à 3%. Globalement, le Luxembourg est parvenu à mieux gérer la crise que ses voisins, notamment grâce aux investissements publics de près de 4% du PIB, mais aussi grâce à notre politique de diversification. S’il est trop tôt pour crier victoire, je pense que le pire est derrière nous.

Quelle réflexion doit être menée pour améliorer le niveau d’expertise local?

«Trouver des profils spécialisés est devenu un problème récurrent dans de nombreux secteurs, en particulier dans le cas des e-skills. Les compétences requises font particulièrement défaut dans l’ICT. Les entreprises doivent de plus en plus recruter au-delà de la Grande Région. Dans un premier temps, il nous faut continuer à attirer une main-d’œuvre qualifiée, mais aussi parvenir à la faire rester. Mon ministère collabore en ce sens avec la direction de l’Immigration. Nous avons notamment abouti à l’allégement des conditions d’obtention de la Blue Card. Il est, ensuite, urgent de miser sur les métiers qui seront pourvoyeurs d’emploi dans les années à venir. C’est l’autre versant du problème. L’école ne développe pas suffisamment les compétences demandées sur le marché, qu’il s’agisse d’ICT, de technique, du secteur de la santé, de la logistique… Le rôle des lycées peut être d’éveiller les jeunes aux carrières plus scientifiques ou techniques. Ils doivent montrer qu’on peut avoir une belle carrière dans d’autres métiers que professeur ou banquier. Aller chercher de l’expertise à l’étranger ne suffira plus pour répondre aux besoins de l’économie de la connaissance.

Quels sont les autres secteurs qui pourraient se détacher à l’avenir?

«Nous avons besoin d’un nouvel élan, cela ne fait aucun doute. Pour cela, il faudra notamment poursuivre nos efforts en matière de R&D et de soutien à l’innovation. L’économie circulaire est une des pistes. Encore émergent, le secteur pourrait permettre de créer plus de 2.200 nouveaux emplois dans les prochaines années. Son implémentation à grande échelle pourrait également générer à moyen terme des économies situées entre 300 millions et un milliard d’euros. D’après une étude réalisée pour le compte du ministère de l’Économie, on peut déjà constater qu’il mobilise déjà près de 15.000 emplois dans l’industrie sidérurgique, la construction ou la distribution. L’espace est un autre domaine dans lequel je place beaucoup d’espoirs. La crédibilité du pays réside notamment dans le soutien visionnaire du gouvernement lors de la création de SES dans les années 80. En 2005, le Luxembourg a adhéré à l’Agence européenne de l’espace, marquant son intérêt accru pour le secteur.

Doté d’une forte tradition de secret, le pays pourrait-il développer un rôle de coffre-fort électronique?

«Je suis convaincu que le Luxembourg a une importante carte à jouer en matière de 'Security as an infrastructure'. Notre souhait est de positionner le pays comme un centre d’excellence pour le stockage grâce à des standards de qualité très élevés. Plus que jamais, le succès de l’économie numérique va dépendre de notre capacité à rendre les données accessibles et sécurisées. Signal fort, le pays s’est vu confier l’hébergement des centres de données de la Commission européenne pour les années à venir. Il est aussi en lice pour héberger prochainement un centre d’Interpol. Je crois beaucoup en l’avenir du pays. Pour aller plus loin dans la réflexion, le gouvernement va prochainement faire appel à un bureau de consultance afin de disposer d’un regard neuf sur la politique qui a été dessinée.»