Le maintien de relations collectives de travail dans lesquelles les rapports de force restent équilibrés favorise la propension des banques à résister lors de périodes difficiles (Photo: Licence C.C.)

Le maintien de relations collectives de travail dans lesquelles les rapports de force restent équilibrés favorise la propension des banques à résister lors de périodes difficiles (Photo: Licence C.C.)

Alors que les négociations autour de la nouvelle convention collective dans le secteur bancaire viennent d’aboutir, les conclusions d’un article de deux chercheurs européens, l’un du Luxembourg Institute of Socio-economic Research (Liser) et l’autre de l’Académie bulgare des sciences, rappellent que le dialogue social a du bon, notamment en période difficile. Cette étude examine plus précisément les réponses des banques de trois pays face à la crise. Il s’agit de la Roumanie, pour le modèle postcommuniste, de la France, pour le modèle étatiste, et du Luxembourg pour le modèle «néo-corporatiste avec quelques éléments étatistes». Dans le premier cas, des réformes du Code du travail en 2010 ont largement libéralisé les pratiques liées aux négociations collectives, laissant à chaque entreprise la responsabilité de s’entendre avec les syndicats. Il s’agit de «décentralisation désorganisée», précise l’étude. Dans les deux autres États étudiés, les négociations ont dû être effectuées au niveau sectoriel, mais dans un cadre juridique clairement défini. Les auteurs ont appelé cette seconde méthode la «décentralisation organisée». «Nous avons observé que les pressions endurées par les banques durant la crise ont été amorties par cette structure multiniveaux du dialogue social, note Patrick Thill, co-auteur luxembourgeois de cette étude. Au Luxembourg, même si les banques ont aussi eu recours à des solutions plus informelles, les restructurations ont toujours été cadrées par une législation forte.»

L’anticipation est la clé

Ainsi, le maintien de relations collectives de travail dans lesquelles les rapports de force restent équilibrés favorise la propension des banques à résister lors de périodes difficiles. En Roumanie, là où le gouvernement pensait bien faire en laissant plus de liberté aux acteurs privés, les effets semblent avoir été inverses. «Dans une Europe qui devrait fonctionner au même rythme, les différences entre les régimes sociaux sont donc importantes», nous montre cette étude, qui se base sur des entretiens menés entre les mois de mars et d’octobre 2014. Ce travail scientifique est d’autant plus actuel que, si le secteur bancaire est aujourd’hui définitivement sorti de la crise, il est soumis à d’autres pressions. La vague régulatrice, ainsi que les nouvelles technologies sont de nouveaux défis de taille pour les banques. «Les mécanismes d’anticipation jouent dans ce contexte un rôle primordial», estime Patrick Thill. Et de citer la création en France de l’Observatoire des métiers de la banque, qui habille depuis 2005 ce rôle. «C’est ce qu’il manque au Luxembourg, même si l’anticipation est un exercice difficile, car la plupart des acteurs de ce secteur sont des filiales de grands groupes et les décisions sont souvent prises à l’étranger.»