ArcelorMittal avait encaissé et revendu des crédits de CO2 pour son site de Rodange et Schifflange au titre de l’année 2012 alors que les installations avaient cessé de fonctionner fin 2011. (Photo: Licence CC)

ArcelorMittal avait encaissé et revendu des crédits de CO2 pour son site de Rodange et Schifflange au titre de l’année 2012 alors que les installations avaient cessé de fonctionner fin 2011. (Photo: Licence CC)

Nouvelle étape dans le marathon judiciaire entamé en 2013 sur fond de litige entre ArcelorMittal et le gouvernement luxembourgeois. Au cœur de ce différend né en 2013: le système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre introduit par la directive de 2003. ArcelorMittal s’était vu attribuer en 2012 81.073 tonnes de quotas de CO2 par l’Administration de l’environnement pour l’aciérie de Schifflange. Le sidérurgiste ayant décrété, fin 2011, la cessation de l’activité de cette installation (déjà à l’arrêt depuis octobre 2011), seules 151 tonnes ont finalement été utilisées. Le reste a pu être revendu par le géant de l’acier sur le marché des quotas de CO2 pour 1,4 million d’euros.

Le ministère du Développement durable avait émis un arrêté imposant à ArcelorMittal la restitution sans indemnité des 80.922 crédits indus, arrêté attaqué devant les juridictions administratives par le sidérurgiste.

Le sidérurgiste a ensuite contesté cet arrêté devant le tribunal administratif, qui a saisi la Cour constitutionnelle afin de l’interroger sur la conformité de la loi du 23 décembre 2004 sur les quotas de CO2 à la Constitution qui consacre le droit de la propriété. À son tour, la Cour constitutionnelle a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’UE, tenant à vérifier si ladite loi avait correctement transposé la directive 2003/87/CE qu’elle transposait et à recueillir l’interprétation des juges européens sur la nature des quotas – peuvent-ils être assimilés à des biens?

Le 8 mars dernier, la CJUE a validé la transposition de la directive par le législateur luxembourgeois et en particulier la restitution sans indemnité des quotas que conteste ArcelorMittal. D’autre part, les juges européens ont livré une interprétation alternative concernant la nature des quotas, partant du principe que puisqu’ils avaient été alloués indûment, ils ne constituaient pas des quotas au sens propre.

Pas d’atteinte au droit de la propriété

La Cour constitutionnelle en tire les conséquences. «À la suite de l’arrêt de la CJUE du 8 mars 2017, la Cour est amenée à retenir que la restitution exigée par l’autorité compétente sans indemnité, totale ou partielle, de quotas non utilisés et qui ont été indûment délivrés à l’exploitant, en conséquence de la violation par ce dernier de l’obligation d’informer en temps voulu l’autorité compétente de la cessation de l’exploitation d’une installation, (…) ne s’analyse pas en une expropriation d’un bien qui ferait déjà partie intégrante du patrimoine de l’exploitant, mais simplement en un retrait de l’acte allouant des quotas, en raison du non-respect des conditions fixées respectivement par lesdites loi et directive», indique la Cour constitutionnelle. Ce qui l’amène à considérer qu’«aucune non-conformité à l’article 16 de la Constitution ne se trouve vérifiée dans cette mesure, pas plus que, selon l’analyse de la CJUE, une non-conformité à l’article 17 de la Charte». Autrement dit, pas d’atteinte au droit de la propriété.

80.922 crédits indûment attribués

«La Cour constitutionnelle va dans le même sens que la CJUE et c’est conforme à ce à quoi nous nous attendions», indique ArcelorMittal à Paperjam.lu. «La Cour constitutionnelle ne tranche pas entre les positions des deux parties et laisse au tribunal administratif le soin de le faire.»

Ainsi, si le tribunal administratif estime que les quotas ont été indûment attribués à ArcelorMittal, le sidérurgiste ne pourra pas en contester la restitution sans indemnité. «Cela dépend de la question de la cessation d’activité : l’arrêt de la production est-il une cessation définitive ou pas ?», résume-t-il.

Camille Gira, secrétaire d’État au Développement durable (Déi Gréng), qui avait à l’époque des faits alerté le gouvernement à propos de ces quotas indus alors qu’il était député, se disait au mois de mars «personnellement optimiste que les étapes qui suivent au Luxembourg amèneront au même résultat» que devant la CJUE.

Sujet à controverses et parfois à des fraudes, le système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre introduit par la directive de 2003 a été remanié par la Commission européenne pour la période 2013-2020, avec notamment l’introduction de diverses options afin de calculer au mieux les quotas à attribuer à chaque entreprise. L’une d’elles prévoit une proratisation des quotas si l’exploitation venait à cesser au cours d’une année.