Juriste de formation, membre du conseil d’Etat, et depuis 2004, secrétaire générale de la Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat (BCEE), François Thoma figure parmi les femmes leaders disposant d’une forte visibilité au Luxembourg. Pour autant, elle ne souhaite pas endosser un quelconque rôle de porte-drapeau. Les divergences hommes-femmes? Elle glisse, dans un sourire, qu’il s’agit plutôt pour elle d’un «non-sujet». «Je crois qu’il ne faut pas mettre trop d’accent sur ce genre de questions. La présence de femmes aux postes décisionnels est avant tout une affaire d’implication personnelle et de volonté. Mais aussi de confiance en soi. D’ailleurs, la coopération entre les hommes et les femmes est très bonne si on ne focalise pas sur ces questions. Pour ma part, je n’ai jamais eu l’impression d’être traitée différemment du fait d’être une femme».
Partant, il ne peut exister de manière typiquement masculine ou féminine d’exercer le leadership, selon Mme Thoma. «Quels que soient la fonction et le niveau hiérarchique, une personne appelée à exercer des responsabilités – femme ou homme –, doit faire preuve d’intégrité, de capacité de décision, de compétences interpersonnelles et d’écoute, d’anticipation et d’enthousiasme pour la matière; cela apparaît très nettement dans les réponses au questionnaire. C’est le dosage de ces qualités qui fait la personne, et qui fait finalement en sorte que nous ne sommes pas tous pareils».
Des caractéristiques qui ne peuvent être réclamées à tout un chacun. «Tout le monde n’a pas les mêmes envies et les mêmes ambitions en matière professionnelle. Il ne s’agit pas de demander à tous de gravir les échelons pour arriver aux plus hauts niveaux décisionnels», assure Mme Thoma. Une discrimination basée sur le genre, en revanche, ne saurait selon elle être invoquée dans ce domaine, «car les mécanismes qui permettent aux femmes d’accéder aux postes décisionnels sont en place. Il s’agit de les exploiter».
Un manque de confiance en elles
Or, c’est là que le bât blesse, pour la secrétaire générale de la Spuerkeess: «Nous sommes une banque très active en matière de RSE (responsabilité sociale de l’entreprise, ndlr.), dans laquelle il existe un statut parfaitement égalitaire. Mais je constate qu’il y a bien moins de femmes que d’hommes qui postulent pour des postes à responsabilité. Je crois qu’il s’agit avant tout d’un déficit de confiance en elles. Quant au risque d’un grand écart permanent entre vie professionnelle et vie privée, il est sans doute ressenti, mais objectivement, ce n’est pas le cas.
Je n’ai jamais non plus observé que les femmes ayant des enfants étaient moins engagées professionnellement. Elles développent d’autres aptitudes organisationnelles. Je suis donc déçue quand je vois que si peu de femmes postulent à des postes à responsabilité, et je dois bien dire que je ne peux partager leurs raisons».
Mme Thoma pointe du doigt une erreur récurrente dans la vision que certaines femmes cadres auraient de leur propre évolution: croire qu’elles doivent «correspondre à quelque chose de ressenti comme un modèle. Pour diriger un groupe, il faut être soi-même. On ne peut le faire si l’on joue un rôle et que l’on croit qu’il faut correspondre à une fonction. On ne peut aborder l’encadrement en se demandant ’comment ferait un homme’? ou ‘comment ferait une femme’?», précise-t-elle.
En allant plus loin, et en abordant cette problématique sous un angle plus psychologique, Mme Thoma considère également que le style «adapté» d’une personne (le comportement qu’elle adopte selon son environnement et ses fonctions professionnelles) doit correspondre le plus possible à son style «naturel», c’est-à-dire à ses valeurs fondamentales, humaines et personnelles. «Si la contradiction est trop forte, l’écart trop important, cette personne se place alors dans un stress très grand».
Ce qui rejoint une nouvelle fois l’affirmation selon laquelle le leadership repose avant tout sur des caractéristiques propres aux individus. Ce qui ne signifie pas que tout est inné. Le leadership se cultive, également: «Exercer des responsabilités, c’est aussi et toujours faire des efforts pour aller plus loin, s’intéresser à l’innovation tout en fortifiant les valeurs de base de l’ensemble qu’on dirige, et avoir de la confiance, pour progresser et évoluer, tant dans ses compétences professionnelles que dans la compréhension du groupe qu’on dirige. Cela concerne d’une manière égale les femmes et les hommes», assure Françoise Thoma.