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On connaissait les PSF, voici les PSA. Le projet de loi instituant les professionnels du secteur de l’assurance devrait franchir le cap du Conseil d’État à la rentrée. « Nous espérons que la loi pourra ensuite être votée à l’ouverture de la nouvelle session parlementaire, vers le 15 octobre, confie Victor Rod, directeur du Commissariat aux Assurances (CAA). Un certain nombre d’acteurs attendent l’approbation de ces nouveaux statuts afin de développer leur offre de services et d’aider les assureurs à mieux préparer le passage à Solvency II, une échéance bien plus cruciale que celle de cette loi fixant le cadre d’activité des PSA. »

Le projet de créer un nouvel agrément pour certains professionnels de l’assurance est issu des réflexions du Haut comité de la place financière instauré au printemps 2010 par le ministre des finances, Luc Frieden. « L’idée est née du constat que les compagnies d’assurance ont l’habitude d’assurer l’intégralité des tâches en interne, y compris des fonctions de support, constate Jean-Michel Pacaud, associé responsable du secteur des assurances chez Ernst & Young. Or, ces compagnies sont soumises à de plus en plus de contraintes, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la directive Solvency II. Nous avons donc essayé de voir dans quelle mesure il était possible d’assouplir le cadre réglementaire en permettant aux assureurs d’externaliser certaines fonctions, dans le but de maintenir au Luxembourg des compagnies de petite ou moyenne taille, voire d’attirer de nouveaux acteurs sur le territoire. »

Éviter la concurrence avec les PSF

Aussi, l’instauration de ces nouvelles entités réglementées s’inspire-t-elle directement du modèle imaginé voici quelques années pour encadrer les Professionnels du secteur financier (PSF). Un modèle qui a fait ses preuves et qui connaît un certain succès. « Certains de ces PSF, essentiellement de support, rendent déjà de précieux services aux assureurs. Notre intention n’est pas de créer des PSA concurrents aux PSF existants, mais bien de déceler un certain nombre de métiers dont l’activité n’est peu ou pas réglementée et d’en faire des métiers spécialisés, placés sous la surveillance directe du Commissariat aux Assurances », explique Victor Rod.

Le projet de loi prévoit la création de huit catégories de PSA : les sociétés de gestion d’entreprises captives d’assurance, d’entreprises d’assurance en run-off ou d’entreprises de réassurance, les sociétés de gestion de fonds de pension, les prestataires agréés de services actuariels, les sociétés de gestion de portefeuilles d’assurances, les prestataires agréés de services liés à la gouvernance d’entreprises d’assurance et de réassurance et, enfin, les régleurs de sinistres. « Un certain nombre de ces fonctions existent déjà sous une forme ou l’autre, l’idée étant de leur donner un véritable statut juridique », reprend Jean-Michel Pacaud.

Les actuaires, ces mathématiciens des assurances, sont, par exemple, de plus en plus sollicités par les compagnies. Or, jusqu’ici, cette profession n’est pas réglementée et n’importe qui peut s’installer et proposer de tels services. « À l’avenir, grâce à la création d’une catégorie de PSA dédiée aux services actuariels, ce métier obtiendra ses lettres de noblesse et la profession sera régulée, confie le directeur du CAA. Par ce biais, on rejoint aussi la volonté d’une grande partie de l’opinion en Europe qui veut qu’aucun métier impliqué dans les services financiers n’échappe désormais à la régulation. La crise étant le résultat de constructions juridiques et économiques pensées, à dessein, pour échapper à tout contrôle. »

D’autres fonctions sont totalement nouvelles sur le marché et visent à soulager certains acteurs en leur permettant d’externaliser. À l’avenir, on pourra par exemple imaginer qu’une compagnie confie à une société externe la gestion journalière de portefeuilles de contrats, avec encaissement des primes, paiement des prestations, communication avec les clients, à l’exception de la prospection et de l’acceptation de nouvelles affaires.

La gestion d’entreprises d’assurance en run-off est également une activité en devenir. « Un certain nombre de sociétés d’assurance sont en run-off, cela veut dire qu’elles ont décidé d’arrêter toute nouvelle production, pour des questions stratégiques ou économiques, mais qu’elles ont encore un stock de polices à gérer, et ce pour de nombreuses années, surtout s’il s’agit d’assurances vie, explique Victor Rod. Si on ne fait rien, ces compagnies doivent rester en activité, avec tous les frais que cela implique. »

Des amendements sont possibles

Désormais, un PSA spécialisé pourra se voir confier la gestion des polices. « Ce genre d’activités, spécialité londonienne jusqu’ici, pourrait attirer de nouveaux acteurs sur le marché luxembourgeois, souligne Jean-Michel Pacaud. Le Grand-Duché est un pays connu pour sa neutralité, une place multinationale capable de gérer des dossiers complexes, à l’échelle de différents pays, en tenant compte des spécificités linguistiques de chacun. » Sur le fond, le projet de loi tel que présenté a été la cible de quelques critiques. Non pas sur le volet principal consacré aux PSA mais bien sur certaines nouvelles exigences émises vis-à-vis des courtiers et sociétés de courtage (voir l’encadré page 74 et l’article page 76).

Victor Rod considère d’ailleurs comme regrettable que la Chambre de Commerce ne se soit prononcée que sur ce point, laissant de côté l’essentiel. « J’ai pu lire que nos nouvelles exigences financières étaient de nature à décourager les jeunes à se lancer dans l’activité de courtage. Ce n’est pas le but recherché par la nouvelle loi et nous sommes disposés à amender le texte afin d’accorder un délai pour que chacun puisse se conformer aux nouvelles exigences. Pour les bureaux qui se créeront dans le futur, on peut très bien imaginer de leur donner un laps de temps pour atteindre la capitalisation requise. »

La porte du directeur du Commissariat aux Assurances reste donc ouverte.

Difficile, pour le moment, d’estimer l’impact qu’aura cette nouvelle loi instituant les PSA sur la place luxembourgeoise. Au minimum permettra-t-elle aux petites et moyennes sociétés d’assurance de maintenir leur activité au Luxembourg. Au mieux incitera-t-elle de nouveaux acteurs, locaux ou internationaux, à s’installer et à proposer leurs services aux compagnies, en profitant de ce nouveau cadre réglementaire. « Il est bon de rappeler que les sociétés n’auront pas pour obligation de se soumettre au nouveau statut et pourront continuer leurs activités sans être agréées », souligne Victor Rod.

Mais il est clair que les PSA disposeront d’une marge de manœuvre plus grande. Ils pourront par exemple opérer des calculs individualisés pour une police déterminée, alors qu’un tiers non PSA aura tout au plus accès à des données anonymes et ne sera pas libéré du secret des assurances. « Certains PSA qui vont s’établir seront dirigés par un ancien directeur ou des salariés d’une compagnie existante, avec pour premier client la compagnie en question », pense Jean-Michel Pacaud.

Si l’objectif est de favoriser la sous-traitance, il faut aussi voir quelle sera l’approche des principaux acteurs du marché de l’assurance qui, culturellement, ont plutôt tendance à conserver toutes les fonctions en interne, gardant jalousement leur savoir-faire.

« Pour nous, il s’agit de fixer le cadre, conclut Victor Rod. On espère qu’il sera suffisamment précis et flexible pour que des opérateurs économiques l’occupent et le remplissent. L’instauration des PSF a été un succès. Toutes proportions gardées bien sûr – le secteur de l’assurance et de la réassurance ne représente que 12 à 13 % de l’ensemble de l’activité du secteur financier au Luxembourg –, les PSA pourraient suivre le même chemin. Cette nouvelle réglementation va certainement permettre la création de nouveaux bureaux. Elle doit aussi permettre à des cabinets existants de se développer au-delà de nos frontières. » Et venir soutenir l’activité de la multitude de petites sociétés d’assurance européennes soumises à des règles toujours plus astreignantes 

 

Directive Courtage - Un tri en vue

On le sait, l’introduction de la nouvelle loi touche aussi l’activité de courtage qui, si elle n’est pas visée par le sigle de PSA, se voit mieux réglementée. Des conditions financières seront notamment imposées. Elles sont de 50.000 euros pour les courtiers (personnes physiques) et de 125.000 euros pour les sociétés de courtage (personnes morales).

« La plupart des courtiers ont montré leur satisfaction devant ces nouvelles exigences, constate Victor Rod. D’autres vont mettre la clé sous le paillasson ett je ne vous cache pas que c’est voulu. De nombreuses filiales de bureaux de courtage, belges et français pour l’essentiel, sont actuellement installées au Luxembourg. Or, un courtier belge peut très bien vendre une assurance vie luxembourgeoise à un client belge, sans pour autant installer une filiale de l’autre côté de la frontière.

Ces bureaux ne rapportent rien à l’économie nationale. Selon notre avis, et nous effectuons régulièrement des contrôles, il s’agit pour la plupart de boîtes aux lettres, avec le risque de réputation réelle que cela implique.

Si ces nouvelles conditions financières sont de nature à éloigner ces bureaux de courtage qui n’en ont que le nom, ce sera très bien ainsi. »